LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 mars 2008), qu'invoquant un trouble manifestement illicite résidant en l'ouverture le dimanche par la société Conforama (la société) de ses établissements de vente d'ameublement sans autorisation dérogatoire, l'Union départementale des syndicats de la confédération générale du travail Force ouvrière a obtenu d'un juge des référés l'interdiction de cette ouverture, sous astreinte ; que postérieurement à l'appel formé par la société de cette décision, a été promulguée la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 autorisant les établissements de commerce de détail d'ameublement à déroger à la règle du repos dominical ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance, tout en constatant que l'interdiction ordonnée avait pris fin à l'entrée en vigueur de la loi du 3 janvier 2008, alors, selon le moyen :
1°/ que l'instance en référé n'a pas pour objet de réparer le dommage causé par un acte illicite, mais de prévenir la survenance de ce dommage ou de le faire cesser ; qu'il en résulte que tant en première instance qu'en appel, la juridiction des référés doit se placer, pour ordonner des mesures conservatoires, à la date à laquelle elle prononce sa décision ; que l'appel remet la chose jugée en question pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ; qu'en confirmant l'ordonnance ayant ordonné l'interdiction d'ouvrir les magasins le dimanche tout en constatant qu'en vertu de la loi du 3 janvier 2008, cette ouverture avait cessé d'être illicite et ne pouvait donner lieu à interdiction, la cour d'appel a violé les articles 561 et 809 du code de procédure civile ;
2°/ que l'appel remet la chose jugée en question pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ; qu'en confirmant l'interdiction prononcée par le premier juge, tout en constatant qu'elle prenait fin avant même sa décision de confirmation, la cour d'appel a violé l'article 561 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant exactement énoncé que la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 ne dispose que pour l'avenir, de sorte qu'elle n'a pas pour effet de faire obstacle à l'examen de la situation antérieure à sa promulgation au regard des textes applicables au litige soumis au juge des référés et dont les effets ont perduré jusqu'à son entrée en vigueur et retenu à bon droit que, jusqu'à cette date, constituait un trouble manifestement illicite l'emploi de salariés le dimanche en l'état d'un recours suspensif formé contre les arrêtés préfectoraux dérogatoires, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Conforama France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Conforama France à payer à l'union départementale des syndicats de la confédération générale du travail Force ouvrière la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thomas-Raquin et Benabent, avocat aux Conseils pour la société Conforama France.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué rendu le 12 mars 2008 d'avoir confirmé l'ordonnance faisant interdiction à la Société CONFORAMA d'ouvrir le dimanche ses trois magasins du Val d'Oise jusqu'à validation par le Tribunal administratif des autorisations préfectorales reçues, tout en constatant que cette interdiction «prend fin à l'entrée en vigueur de la loi du 3 janvier 2008» ;
AUX MOTIFS QUE «l'article 11 de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 «pour le développement de la concurrence au service des consommateurs» a modifié les dispositions de l'article L. 221-9 du Code du travail en insérant après le 14e, un 15e ainsi rédigé : «15e Etablissements de commerce de détail d'ameublement» ; que la loi ne dispose que pour l'avenir ; que dès lors, si depuis la promulgation de ce texte législatif, la Société CONFORAMA FRANCE est admise à donner à ses salariés le repos hebdomadaire par roulement, celui-ci n'a pas pour effet de faire obstacle à l'examen de la situation antérieure au regard des textes, dans leur rédaction applicable au litige soumis au juge des référés qui a rendu une décision dont les effets ont seulement, mais nécessairement, perduré jusqu'à la date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle ; qu'il n'est pas sérieusement contestable qu'au regard des dispositions des articles L. 221-5 du Code du travail imposant de donner aux salariés le repos hebdomadaire le dimanche, L. 221-9 dans sa rédaction antérieure à la loi du 3 janvier 2008 admettant les dérogations de droit n'incluant pas les commerces de meubles et L. 221-6 à L. 221-8 du Code du travail, l'emploi de salariés le dimanche en l'état d'un recours formé contre les arrêtés préfectoraux autorisant le repos hebdomadaire par roulement, la norme nationale a été violée, ce qui cause un trouble dont le caractère illicite impose des mesures destinées à y mettre fin» ;
ALORS QUE, D'UNE PART, l'instance en référé n'a pas pour objet de réparer le dommage causé par un acte illicite, mais de prévenir la survenance de ce dommage ou de le faire cesser ; qu'il en résulte que tant en première instance qu'en appel, la juridiction des référés doit se placer, pour ordonner des mesures conservatoires, à la date à laquelle elle prononce sa décision ; que l'appel remet la chose jugée en question pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ; qu'en confirmant l'ordonnance ayant ordonné l'interdiction d'ouvrir les magasins le dimanche tout en constatant qu'en vertu de la loi du 3 janvier 2008, cette ouverture avait cessé d'être illicite et ne pouvait donner lieu à interdiction, la Cour d'appel a violé les articles 561 et 809 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, l'appel remet la chose jugée en question pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ; qu'en confirmant l'interdiction prononcée par le premier juge, tout en constatant qu'elle prenait fin avant même sa décision de confirmation, la Cour d'appel a violé l'article 561 du Code de procédure civile.