LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 2004, la société Iso France fenêtres, appartenant au groupe Tryba, a décidé la fermeture de son activité de commercialisation, de pose et de service après-vente et la suppression de trente-deux postes de travail ; qu'elle a engagé une procédure de licenciement collectif pour motif économique et a mis en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi ; que douze salariés licenciés pour motif économique ont saisi la juridiction prud'homale pour voir prononcer la nullité de leur licenciement consécutive à la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi et obtenir diverses indemnités en résultant ;
Sur le second moyen du pourvoi des salariés et le moyen unique du pourvoi de l'employeur :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission des pourvois ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi des salariés :
Vu les articles L. 122-14-4 et L. 321-4-1, alinéa 5, devenus L. 1235-10 et L. 1235-11 du code du travail ;
Attendu qu'après avoir décidé que le plan de sauvegarde de l'emploi ne répondait pas aux conditions posées par l'article L. 321-4-1 du code du travail alors applicable et avoir annulé par voie de conséquence les licenciements intervenus en application de ce plan, la cour d'appel a alloué à chaque salarié une indemnité réparant le préjudice résultant de la perte de leur emploi ;
Attendu, cependant, que lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle et de nul effet, conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 1235-10 du code du travail, et que le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail, il lui octroie une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois ;
D'où il suit qu'en allouant une indemnisation moins élevée aux salariés qui ne demandaient pas leur réintégration dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement dans ses dispositions relatives au montant des dommages-intérêts accordés aux salariés, l'arrêt rendu le 5 avril 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les défenderesses aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer aux salariés la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP LE BRET-DESACHE, avocat aux Conseils pour M.
Y...
et onze autres demandeurs au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:- IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt attaqué d'avoir limité le montant des dommages et intérêts alloués aux salariés aux sommes de 12. 000 pour Monsieur
Y...
, 10. 000 pour Monsieur
Z...
, 11. 500 pour Monsieur
A...
, 13. 000 pour Monsieur
B...
, 15. 000 pour Monsieur
C...
, 15. 000 pour Monsieur
D...
, 9. 000 pour Monsieur
E...
, 11. 000 pour Monsieur
F...
, 11. 500 pour Monsieur
G...
, 17. 000 pour Monsieur
H...
, 16. 000 pour Monsieur
I...
, et 12. 000 pour Monsieur
J...
;
- AUX MOTIFS QUE « les salariés qui ne sollicitent pas leur réintégration ont, en raison de leur licenciement considéré comme nul, subi un préjudice matériel et moral qu'il convient de réparer, toutes cause de préjudice confondues, en prenant en compte la situation personnelles de chacun, son ancienneté dans l'entreprise, son âge et la période durant laquelle il est resté sans emploi ; qu'il leur sera alloué les sommes visées au dispositif du présent arrêt » ;
Art. L. 122-14-4 et L. 321-4-1 du Code du Travail
-ALORS QUE lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle et de nulle effet, conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 321-4-1, il prononce la nullité du licenciement ; que lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail, le juge octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois ; qu'en l'espèce, ayant constaté la nullité du plan social et de la procédure de licenciement, la Cour d'Appel ne pouvait pas allouer aux différents salariés des dommages et intérêts d'un montant inférieur à leurs salaires des douze derniers mois ; qu'en le faisant néanmoins, la Cour d'Appel a violé les articles L. 122-14-4 et L. 321-4-1 du Code du Travail ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:- IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt attaqué d'avoir mis hors de cause les sociétés TRYBA, LOGISTIQUE JUNG, les PORTES ET FENETRES DE L'ESSONNE, LES OUVERTURES PARISIENNES, AFC, AZUR FERMETURES, ASTRYA et les OUVERTURES DU MAINE.
- AU MOTIF QUE les sociétés autres qu'ISO France FENETRES doivent être mises hors de cause.
- ALORS QUE D'UNE PART tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que dès lors en mettant hors de cause les sociétés TRYBA, LOGISTIQUE JUNG, les PORTES ET FENETRES DE L'ESSONNE, LES OUVERTURES PARISIENNES, AFC, AZUR FERMETURES, ASTRYA et les OUVERTURES DU MAINE sans aucun motif, la Cour d'Appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle au regard de l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- ALORS QUE D'AUTRE PART dans leurs conclusions d'appel (p 9, 10, 11 et 12), les salariés avaient rappelé que la société ISO France FENETRES faisait partie du groupe TRYBA qui était un groupe important dans la fabrication et la commercialisation de fenêtres en PVC, mais qu'elle n'avait fourni aucun élément d'information économique, financière ou comptable sur le groupe auquel elle appartenait ; qu'en mettant cependant hors de cause les sociétés TRYBA, LOGISTIQUE JUNG, les PORTES ET FENETRES DE L'ESSONNE, LES OUVERTURES PARISIENNES, AFC, AZUR FERMETURES, ASTRYA et les OUVERTURES DU MAINE sans répondre auxdites conclusions des salariés démontrant que la société ISO France FENETRES faisait partie du groupe TRYBA, la Cour d'Appel a violé l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Moyen produit par la SCP DELVOLVE, avocat aux Conseils pour la société Iso France fenêtres et six autres demandeurs au pourvoi incident
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir annulé le plan de sauvegarde de l'emploi mis en place par la société ISO FRANCE FENÊTRES, d'avoir annulé en conséquence les licenciements prononcés à l'encontre des demandeurs et d'avoir condamné la société à payer à chacun d'entre eux des dommages et intérêts
AUX MOTIFS QU'il était constant qu'invoquant des difficultés économiques, la société ISO FRANCE FENÊTRES, faisant partie du groupe TRYBA, avait mis en place un plan de sauvegarde de l'emploi, courant 2004, portant sur la suppression de 32 postes ; qu'il résultait des pièces versées aux débats que le plan de sauvegarde de l'emploi contesté prévoyait en premier lieu, l'aide à la création d'entreprise dans le cadre d'un partenariat ISOFRANCE avec reprise d'un ou de plusieurs magasins et du personnel (sous forme de cession de fonds de commerce), et versement d'une allocation de 3 000 euros et d'une aide à l'embauche de personnel d'un montant de 1 000 euros par emploi, portée à 2 000 euros par personne supplémentaire transférées ; que le salarié créant une nouvelle entreprise dans ce cadre, bénéficiait d'un emprunt de 25 000 euros au taux de 4, 99 % mais s'engageait à n'acheter que des produits sélectionnés par ISO FRANCE ou provenant du groupe ATRYA et à reverser 3 % de la totalité du chiffre d'affaires HT mensuel à la société ISO FRANCE ; qu'il était également prévu une présentation prioritaire des salariés concernés par la suppression des postes, aux entreprises nouvellement créées dans le cadre défini ci-dessus ; un reclassement dans le groupe ATRYA à l'aide d'une bourse de l'emploi mise en place par voir d'affichage et sur le site internet du groupe, le versement d'une indemnité différentielle, une aide à la mobilité géographique, une prime d'incitation au départ volontaire de ½ mois à 2 mois de salaire selon l'ancienneté ; qu'était également créée une cellule de reclassement ; qu'un plan de sauvegarde de l'emploi doit comporter des mesures précises et concrètes de nature à éviter les licenciements ; que sa pertinence s'apprécie en fonction des moyens dont disposent l'entreprise et le groupe auquel celle-ci est rattachée ; qu'en l'espèce, il convenait de relever, en premier lieu, que la société ISO FRANCE FENÊTRES faisait partie du groupe TRYBA qui employait 1 300 salariés et dont il n'était pas soutenu qu'il connaissait des difficultés économiques ; que par ailleurs si l'entreprise envisageait une aide à la création d'entreprise par reprise des fonds de commerce déjà existants, force était de constater que ceux-ci n'étaient qu'au nombre de 4 et qu'ainsi les possibilités de reclassement dans ce cadre demeuraient très limitées ; que concernant le personnel éventuellement reclassé au sein de ces sociétés, leur nombre n'était pas précisé pas plus que les postes en cause et la qualification requise ; que, par ailleurs, au titre des mesures de reclassement interne, qui doivent être recherchées dans l'ensemble du groupe, il convenait de relever que l'employeur n'avait nullement défini de façon précise les postes offerts en indiquant leur nombre, leur nature, leur localisation, la qualification requise et la rémunération proposée ; qu'il n'avait pas plus précisé les critères objectifs selon lesquels ces emplois seraient attribués ; que le recours à une bourse des emplois ne saurait satisfaire aux exigences posées par l'article L. 321-4-1 du Code du travail, dès lors que les emplois offerts au reclassement n'étaient pas précisément définis ni réservés aux salariés concernés par les suppressions de postes ; que si les sociétés défenderesses soutenaient qu'une liste avait été communiquée à la secrétaire du comité d'entreprise et mise à disposition des salariés, elles ne versaient aux débats aucun élément en ce sens ; qu'il y avait lieu dès lors de constater qu'en ce qui concernait ces mesures l'employeur n'avait pas rempli ses obligations ; que les autres mesures contenues dans le plan n'étaient relatives qu'à des aides financières au demeurant limitées, qui n'avaient pas véritablement vocation à promouvoir le reclassement des salariés ; que d'autre part, il n'était nullement indiqué les modalités d'intervention de la cellule de reclassement dont les objectifs n'étaient pas définis concrètement ; que dans ces conditions, le plan de sauvegarde de l'emploi présenté par la société ISO FRANCE FENÊTRES ne répondait pas aux conditions posées par l'article L. 321-4-1 du Code du travail et qu'il convenait d'annuler la procédure de licenciement et, par voie de conséquence les licenciements prononcés en application de ce plan
ALORS QUE si les salariés licenciés pour motif économique ont un droit propre à faire valoir que leur licenciement est nul au regard des dispositions de l'article L. 321-4-1 du Code du travail, sans qu'il puisse leur être opposé des propositions de mesures individuelles de reclassement, ne sont pas recevables à invoquer l'insuffisance du plan les salariés qui ont effectivement bénéficié d'un reclassement dans le cadre de ce plan ; et qu'en l'espèce, la société faisait valoir que sur les 15 personnes restant in fine concernées par le plan de sauvegarde de l'emploi, qui avait ainsi évité 17 licenciements, Messieurs Benjamin
Y...
, Bruno
Z...
, Yannick
A...
, Jean Luc
B...
, Sébastien
E...
, Alain
K...
,
F...
, Frédéric
J...
, avaient effectivement bénéficié d'un reclassement, et que Messieurs
C...
et
D...
avaient refusé les offres de reclassement faites par la société LOGISTIQUE JUNG ; et qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire des conclusions d'appel de la société ISO FRANCE FENÊTRES, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.