LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 janvier 2007), que M. X..., employé par la société SIAP Michelet en qualité d'ouvrier, a saisi la juridiction prud'homale en soutenant notamment que le temps de pause d'une durée de deux heures hebdomadaires selon l'accord d'entreprise de réduction du temps de travail du 30 juin 1999, soit douze minutes par demi-journée, constituait en réalité un temps de travail effectif ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli ces demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que la preuve des heures de travail effectuées par le salarié n'incombe pas spécialement à l'employeur ; qu'en l'espèce, l'employeur avait produit un décompte informatisé des heures de travail et des temps de pause du salarié et il appartenait à celui-ci de fournir également des éléments de preuve démontrant que, durant les temps de pause enregistrés dans ses carnets de pointage, il demeurait en réalité à la disposition de l'employeur, devait se conformer à ses directives sans pouvoir librement vaquer à ses occupations personnelles ; qu'en écartant les attestations de salariés produits par le salarié, en raison de leur contenu contradictoire et en se fondant ensuite sur l'insuffisance de preuves apportés par l'employeur de ce qu'une organisation du travail permettant la prise effective de temps de pause ait été mise en place dans le service auquel était affecté le salarié, la cour d'appel a ainsi fait peser la charge de la preuve des heures de travail exclusivement sur l'employeur en violation de l'article L. 212-1-1 du code du travail ;
2°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes du litige tels que déterminés par les prétentions des parties ; qu'en l'espèce, il résultait de ses conclusions que le salarié avait admis que l'organisation du temps de travail, dans son service, prévoyait la prise de temps de pause dont le suivi était assuré par un décompte informatisé dont il ne contestait nullement son caractère impartial puisque établi à partir de pointages qu'il effectuait ; qu'il soutenait uniquement qu'en réalité, durant les temps de pause, il demeurait à la disposition de l'employeur sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles ; qu'en retenant que l'employeur ne versait aucune note de services relative à l'organisation du temps de travail prévoyant la prise d'un temps de pause concernant le service du salarié et que les listings informatisés produits par l'employeur, qui décomptaient les heures de travail et les temps de pause de l'intéressé, constituaient une preuve partiale dans la mesure où ils n'étaient pas étayés par des cartes de pointage du salarié, pour faire droit à la demande du salarié en requalification de ses temps de pause en temps de travail effectif, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ qu'au demeurant, le juge doit en toutes circonstances observer le principe du contradictoire ; qu'en l'espèce, en relevant d'office les moyens selon lesquels les notes de services produites par l'employeur, qui mettaient en place, dans les différents services, des temps de pause précisément définis, ne concernaient pas le service auquel appartenait le salarié, et que les listings informatiques produits par l'employeurs n'étaient que des récapitulatifs établis unilatéralement par celui-ci, à défaut d'être étayés par des cartes de pointage, sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
4°/ que en tout état de cause, le listing informatique des heures de travail établi à partir de pointages effectués par le salarié au moyen de son badge électronique ne constitue pas un document unilatéral insusceptible de constituer une preuve, mais vaut comme présomption simple des heures de travail accomplies par le salarié ; qu'en l'espèce, en écartant les listings informatiques produits aux débats, établis à partir de pointages effectués par le salarié au moyen de son badge électronique, au prétexte qu'ils ne constituaient que des récapitulatifs établis unilatéralement par l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 212-1-1, D. 212-21 du code du travail et 1315 du code civil ;
5°/ que les juges du fond doivent préciser les éléments de preuve sur lesquels ils fondent leur décision ; qu'en se bornant à affirmer péremptoirement que l'activité du service qui impliquait des relations avec des clients désirant récupérer leurs véhicules dans des délais rapides, ne permettait pas au salarié de prendre ses temps de pause en abandonnant son outil de travail, sans préciser sur quels éléments de preuve elle s'était fondée pour procéder à une telle affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé les termes du litige ni méconnu le principe de la contradiction, a constaté, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation des éléments de preuve fournis par les deux parties, que l'activité du service auquel le salarié était affecté ne permettait pas à celui-ci de prendre effectivement ses temps de pause en abandonnant son outil de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SIAP Michelet aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société SIAP Michelet à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ; rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP GATINEAU et FATTACCINI, avocat aux Conseils pour la société SIAP Michelet
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'exposante à payer 5.200 euros de rémunération des temps de pause et 520 euros de congés payés afférents, ainsi que des indemnités pour frais irrépétibles ;
AUX MOTIFS QUE « le salarié indique qu'il travaillait dans un service de réparation automobile dans lequel le client devait être immédiatement satisfait ; dans ce service le temps de pause était de 12 minutes par demi-journée et les conditions dans lesquelles devait s'exercer le travail empêchait toute liberté pendant ce temps de pause qui était de courte durée ;
L'employeur rappelle que ni la brièveté des temps de pause ni le fait que les salariés ne puissent quitter l'établissement à cette occasion ne permettent de considérer que ces temps de pauses constituaient un temps de travail effectif ; il ajoute que les salariés avaient la possibilité de s'adonner à des occupations qui n'avaient aucun rapport avec l'objet du contrat de travail ; des notes de services mettaient en place des temps de pause définis avec précision ;
Plusieurs attestations sont produites aux débats dans lesquelles des salariés de l'entreprise affirment qu'ils sont à la disposition du client ; ils ne peuvent prendre leur temps de pause et ils sont dans l'impossibilité de vaquer à leurs occupations personnelles ;
Certains salariés qui avaient fourni des attestations à Monsieur Etienne X... sont revenus sur leurs attestations en produisant des attestations complémentaires dans lesquelles ils indiquent que les temps de pause étaient effectivement pris mais que ceux ci n'étant que de douze minutes ils ne pouvaient vaquer à des occupations personnelles autres que fumer une cigarette ;
D'autres salariés de l'entreprise ont attesté qu'ils prenaient leurs pauses quotidiennes (Messieurs Y..., Z..., A..., B..., ALBANO, NIEDDU, DERO);
Les contenus contradictoires de ces attestations ne permettent pas d'en conclure que le salarié avait la possibilité de prendre ses temps de pause ;
Il résulte du mémo interne du 28 décembre 1999, que le salarié faisait partie de l'équipe de l'atelier carrosserie ;
Il convient d'examiner si l'employeur avait mis en place pour ce service une organisation du travail prévoyant la prise d'un temps de pause ;
L'employeur fournit des notes concernant l'organisation du temps de travail pour les services suivants : les services généraux, le secrétariat après-vente, la maîtrise après-vente, le magasin des pièces de rechange, les secrétariats commerciaux des véhicules de neuf et véhicules d'occasion, le service du personnel productif de l'après-vente ;
Aucune de ces notes ne concerne le service auquel appartenait le salarié (l'atelier carrosserie) ;
L'employeur produit aux débats des cartes de pointage de différents salariés mais pas celles qui auraient été remplies par Monsieur Etienne X... ;
Les listings informatiques produits aux débats ne sont que des récapitulatifs établis unilatéralement par l'employeur et n'entraînent pas la conviction de la Cour dans la mesure où ils ne sont pas étayés par des cartes de pointage du salarié ;
Il n'est pas établi au vu de ces éléments que l'employeur ait mis en place une organisation du travail permettant la prise affective de temps de pause dans le service auquel était affecté le salarié, étant remarqué que l'activité de ce service qui impliquait des relations avec des clients, qui désiraient récupérer leurs véhicules dans des délais rapides, ne permettait pas à Monsieur Etienne X... de prendre ses temps de pause en abandonnant son outil de travail ;
La société SIAP MICHELET devra verser à Monsieur Etienne X... au titre de la rémunération des temps de pause la somme de 5.200 euros ainsi que celle de 520 euros de congés payés afférents » ;
1. ALORS QUE la preuve des heures de travail effectuées par le salarié n'incombe pas spécialement à l'employeur ; qu'en l'espèce, l'employeur avait produit un décompte informatisé des heures de travail et des temps de pause de M. X... et il appartenait à celui-ci de fournir également des éléments de preuve démontrant que, durant les temps de pause enregistrés dans ses carnets de pointage, il demeurait en réalité à la disposition de l'employeur, devait se conformer à ses directives sans pouvoir librement vaquer à ses occupations personnelles ; qu'en écartant les attestations de salariés produits par M. X..., en raison de leur contenu contradictoire et en se fondant ensuite sur l'insuffisance de preuves apportés par l'employeur de ce qu'une organisation du travail permettant la prise effective de temps de pause ait été mise en place dans le service auquel était affecté le salarié, la Cour d'appel a ainsi fait peser la charge de la preuve des heures de travail exclusivement sur l'employeur en violation de l'article L 212-1-1 du code du travail ;
2. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes du litige tels que déterminés par les prétentions des parties ; qu'en l'espèce, il résultait de ses conclusions que M. X... avait admis que l'organisation du temps de travail, dans son service, prévoyait la prise de temps de pause dont le suivi était assuré par un décompte informatisé dont il ne contestait nullement son caractère impartial puisque établi à partir de pointages qu'il effectuait ; qu'il soutenait uniquement qu'en réalité, durant les temps de pause, il demeurait à la disposition de l'employeur sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles ; qu'en retenant que l'employeur ne versait aucune note de services relative à l'organisation du temps de travail prévoyant la prise d'un temps de pause concernant le service de M. X... et que les listings informatisés produits par l'employeur, qui décomptaient les heures de travail et les temps de pause de l'intéressé, constituaient une preuve partiale dans la mesure où ils n'étaient pas étayés par des cartes de pointage du salarié, pour faire droit à la demande du salarié en requalification de ses temps de pause en temps de travail effectif, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du nouveau code de procédure civile ;
3. ALORS QU' au demeurant, le juge doit en toutes circonstances observer le principe du contradictoire ; qu'en l'espèce, en relevant d'office les moyens selon lesquels les notes de services produites par l'employeur, qui mettaient en place, dans les différents services, des temps de pause précisément définis, ne concernaient pas le service auquel appartenait M. X..., et que les listings informatiques produits par l'employeurs n'étaient que des récapitulatifs établis unilatéralement par celui-ci, à défaut d'être étayés par des cartes de pointage, sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations sur ce point, la Cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau code de procédure civile ;
4. ALORS QUE, en tout état de cause, le listing informatique des heures de travail établi à partir de pointages effectués par le salarié au moyen de son badge électronique ne constitue pas un document unilatéral insusceptible de constituer une preuve, mais vaut comme présomption simple des heures de travail accomplies par le salarié ; qu'en l'espèce, en écartant les listings informatiques produits aux débats, établis à partir de pointages effectués par M. X... au moyen de son badge électronique, au prétexte qu'ils ne constituaient que des récapitulatifs établis unilatéralement par l'employeur, la Cour d'appel a violé les articles L 212-1-1, D 212-21 du code du travail et 1315 du code civil ;
5. ALORS QUE les juges du fond doivent préciser les éléments de preuve sur lesquels ils fondent leur décision ; qu'en se bornant à affirmer péremptoirement que l'activité du service qui impliquait des relations avec des clients désirant récupérer leurs véhicules dans des délais rapides, ne permettait pas à M. X... de prendre ses temps de pause en abandonnant son outil de travail, sans préciser sur quels éléments de preuve elle s'était fondée pour procéder à une telle affirmation, la Cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile.