LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles 1184 et 1741 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 septembre 2007), que, par acte sous seing privé du 17 juin 2003, la société Les Cèdres a donné à bail à M. X... un local à usage commercial pour une durée de vingt-trois mois à compter du 1er avril 2004, que la mise à disposition des locaux était fixée au 30 septembre 2003 sous réserve du départ d'un tiers titulaire d'un bail de courte durée expirant le 31 janvier 2004 ; qu'il était convenu qu'un dépôt de garantie serait réglé ; qu'une partie a été remise le jour de l'acte et le solde devait être versé avant le 31 août 2003 ; que le même jour, la société Les Cèdres a consenti une promesse de bail commercial et de cession du fonds commerce ; que le 27 octobre 2003, la société Les Cèdres a délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire puis a saisi le tribunal d'une demande tendant à la résolution du bail ; que M. X... a demandé réparation du préjudice qu'il aurait subi du fait de l'absence de mise à disposition des lieux ;
Attendu que pour accueillir la demande de la société et rejeter la demande présentée par M. X..., l'arrêt retient que c'est de mauvaise foi que M. X... n'a pas payé le solde du dépôt de garantie à la date contractuelle ni même dans le mois du commandement de payer alors qu'il savait que son entrée dans les lieux était liée au départ de la sous-locataire en place dont le bail précaire prenait fin le 31 janvier 2004, que la société Les Cèdres avait elle-même manqué à son obligation de délivrance sans pouvoir invoquer le fait du tiers à défaut pour ce dernier de revêtir les caractères de la force majeure ;
Qu'en statuant ainsi, sans caractériser la gravité du manquement commis par M. X... justifiant la résiliation du bail et sans rechercher si M. X... ne pouvait retarder le paiement du solde du dépôt de garantie à l'entrée dans les lieux faute pour la société Les Cèdres d'avoir fourni l'inventaire du mobilier et du matériel garnissant le local, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 septembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Les Cèdres aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Les Cèdres à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société Les Cèdres ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du neuf décembre deux mille huit par M. Peyrat conseiller doyen faisant fonction de président, conformément à l'article 452 du code de procédure civile.
Moyens annexés au présent arrêt.
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé aux torts notamment de M. X... la résolution du sous-bail précaire du 17 juin 2003 et de son additif de même date, liant la Sarl les Cèdres et M. Franck X... et concernant des locaux commerciaux à usage de restaurant, ... en application de l'article 1741 du Code civil, et d'avoir débouté M. Franck X... de sa demande d'exécution forcée par condamnation de la société Les Cèdres à le mettre en possession des lieux sous astreinte, et de condamnation de la Sarl les Cèdres au paiement de la somme de 200.000 à titre de dommages-intérêts ;
Aux motifs qu'il ressort des termes de l'article 2 du bail du 17 juin 2003 et des conditions particulières de son additif que la délivrance des locaux loués pour 23 mois à compter du 1er avril 2004 comme la mise à disposition du locataire desdits locaux étaient subordonnées au départ de la Sarl restaurant le Cap Roux, sous-locataire en place, dont le bail précaire prenait fin le 31 janvier 2004 ; que les parties se sont accordées pour différer au départ de la sous-locataire en place la mise à disposition des locaux pour leur aménagement, le droit d'occupation pour 23 mois avec paiement du loyer convenu prenant effet à la fin des six mois écoulés après le départ de la Sarl restaurant le Cap Roux ; que le bail précaire du 17 juin 2003 et son additif de même date, paraphés à toutes les pages et signés par les deux parties, étaient des contrats synallagmatiques parfaits, obligeant réciproquement les contractants l'un envers l'autre et devait être exécutés ; que la première obligation, quant à sa date, était mise à la charge de M. Franck X..., lequel devait verser le solde du dépôt de garantie, soit 20.489, 80 avant le 31 août 2003 ; que les parties n'ont pas entendu lier le versement du solde du dépôt de garantie à l'entrée dans les lieux et que la convention faisant la loi des parties, en présence d'une clause claire et non ambiguë, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur l'objet du dépôt de garantie et sur l'usage pour affirmer que ce solde ne pouvait être versé qu'à l'entrée dans les lieux ; que la Cour estime que c'est de mauvaise foi que monsieur Franck X... n'a pas payé la somme de 20.489, 80 à la Sarl les Cèdres à la date contractuelle du 31 août 2003 ni même dans le mois du commandement de payer du 27 octobre 2003, alors qu'il savait que son entrée dans les lieux loués était liée au départ de la sous-locataire en place, dont le bail précaire prenait fin le 31 janvier 2004 ; que rien ne démontre en outre formellement que la Sarl les Cèdres voulait utiliser le dépôt de garantie à des fins autres que son objet contractuel et en particulier au financement d'une indemnisation de la locataire en place, étant rappelé que la Sarl les Cèdres n'était pas la bailleresse de cette dernière, la Sarl restaurant le Cap Roux ; que M. X... a manqué à son obligation contractuelle de versement du dépôt de garantie, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef ; … qu'au vu de ces éléments, il convient de prononcer la résolution du bail précaire du 17 juin 2003 et de son additif de même date, sur le fondement de l'article 1741 du Code civil, aux torts partagés des parties ;
ALORS D'UNE PART QUE le manquement d'une partie à une obligation accessoire du contrat ne peut justifier la résiliation de celui-ci qu'à condition de présenter un caractère de gravité suffisant qu'il appartient aux juges du fond d'apprécier ; qu'en s'abstenant de rechercher si le refus du locataire de régler le dépôt de garantie avant d'être mis en possession des lieux était suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat qu'elle a néanmoins prononcée à ses torts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1184 et 1741 du Code civil ;
ALORS D'AUTRE PART QUE l'interdépendance des obligations réciproques résultant d'un contrat synallagmatique permet à l'une des parties de ne pas exécuter son obligation lorsque l'autre n'exécute pas la sienne ; que dans ses conclusions d'appel (p. 11, Point 4-2-4), M. X... faisait valoir que le dépôt de garantie servait à couvrir, outre le paiement des loyers, la représentation du matériel et du mobilier sensés garnir les lieux, selon un inventaire auquel le contrat renvoyait mais qui ne lui avait jamais été communiqué par le bailleur ce qui justifiait son refus de règlement du solde du dépôt ; qu'en prononçant la résiliation judiciaire du contrat du 17 juin 2003 et de son additif aux torts notamment de M. X... sans rechercher si l'inexécution par le bailleur de son obligation de fournir inventaire du matériel et mobilier garnissant les lieux loués ne permettait pas à M. X... de refuser de verser le solde des sommes destinées à garantir la représentation de ces matériel et mobilier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1184 et 1741 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé aux torts partagés des parties la résolution du sous-bail précaire du 17 juin 2003 et de son additif de même date, liant la Sarl les Cèdres et M. Franck X... et concernant des locaux commerciaux à usage de restaurant, ... en application de l'article 1741 du Code civil, et d'avoir débouté M. Franck X... de sa demande d'exécution forcée par condamnation de la société Les Cèdres à le mettre en possession des lieux sous astreinte, et de condamnation de la Sarl les Cèdres au paiement de la somme de 200.000 à titre de dommages-intérêts ;
Aux motifs que la Sarl les Cèdres a elle-même manqué à son obligation de délivrance, sans pouvoir invoquer le fait du tiers, à défaut pour ce dernier de revêtir les caractères de la force majeure ; qu'il est établi que la Sarl restaurant le Cap Roux aux droits de laquelle se trouve la Sarl le Servytoque 3 a quitté les lieux loués à la Sarl la Plage d'Eze fin décembre 2003 ; que toutefois cette situation de fait n'autorisait pas la Sarl les Cèdres, substituée à la Sarl la plage d'Eze, à délivrer les locaux litigieux à M. X..., dans la mesure où la Sarl le Servytoque 3 avait refusé de remettre les clés et intenté une procédure le 2 mars 2004 aux fins de requalification de son bail précaire en bail commercial ; que d'ailleurs, en raison de cette situation de droit, la Sarl la plage d'Eze a été déboutée de sa demande d'expulsion de la Sarl le Servytoque 3 par ordonnance de référé du 13 mai 2004 ; que ces instances en cours entre la Sarl la plage d'Eze et la Sarl le Servytoque 3 s'opposaient donc à ce que M. Franck X... puisse, de bonne foi, réclamer l'exécution forcée de la délivrance des locaux loués et une indemnisation pour défaut de délivrance, le 30 janvier 2004, compte tenu des termes du bail du 17 juin 2003 et de son additif et de sa connaissance, révélée dans les autres procédures l'opposant à la Sarl les Cèdres, du litige existant avec le précédent preneur ; que ce n'est que par jugement du 27 février 2006 que le tribunal de grande instance de Nice a rejeté la demande de requalification en bail commercial présenté par la Sarl le Servytoque 3 et a constaté la résiliation du bail passé avec la Sarl la plage d'Eze par acquisition de la clause résolutoire ; que c'est ainsi à tort que le Tribunal a, par le jugement entrepris du 1er décembre 2005, ordonné l'exécution forcée par la Sarl les Cèdres, sous astreinte de 50 par jour de retard, passé le délai d'un mois à compter de la signification du jugement, de son obligation de délivrance, les locaux loués n'étant pas à cette date libérés en droit et ne l'étant toujours pas à la date de l'arrêt, dans l'ignorance de l'exercice des voies de recours à l'encontre du jugement rendu le 27 février 2006 par le tribunal de grande instance de Nice ; que néanmoins, en liant la mise à disposition des locaux loués à M. Franck X... et la date d'effet du sous-bail précaire à une libération des locaux en fait et en droit par une société tierce dont elle n'était pas la bailleresse, sans que cette cause étrangère ne puisse toutefois ne pas lui être imputée en raison de l'identité du gérant de la Sarl les Cèdres et de la Sarl la plage d'Eze, la Sarl les Cèdres a elle-même manqué à son obligation de délivrance ; qu'au vu de ces éléments, il convient de prononcer la résolution du bail précaire du 17 juin 2003 et de son additif de même date, sur le fondement de l'article 1741 du Code civil, aux torts partagés des parties ; que tous les autres moyens invoqués seront ainsi rejetés sans qu'il y ait lieu de les examiner plus avant et ce d'autant que s'opposent à un maintien des relations contractuelles entre les parties la date hypothétique d'une possibilité d'exécution de l'obligation délivrance, alors que le bail principal entre la Sarl les Cèdres et la Sarl la plage d'Eze a pris fin le 1er octobre 2005 et ne devait pas être renouvelé, ainsi que les rapports conflictuels entre les parties ;
ALORS D'UNE PART QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'empêchement de la Sarl les Cèdres de délivrer les locaux litigieux à M. X... en raison de l'instance l'opposant à la société Servytoque 3 sur la requalification du bail précaire de celle-ci en bail commercial, pour estimer que M. X... ne pouvait, de bonne foi, réclamer l'exécution forcée de la délivrance des locaux loués et une indemnisation pour défaut de délivrance, et le débouter de ses demandes en ce sens, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile, ensemble les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QUE, de la même façon, en relevant d'office le moyen relatif à l'expiration du bail principal liant la Sarl les Cèdres et la Sarl la plage d'Eze le 1er octobre 2005, pour en déduire l'impossibilité du maintien des relations contractuelles entre les parties et débouter M. X... de sa demande d'exécution forcée du contrat et de son additif, sans inviter au préalable les parties à s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a derechef violé l'article 16 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé aux torts partagés des parties la résolution du sous-bail précaire du 17 juin 2003 et de son additif de même date, liant la Sarl les Cèdres et M. Franck X... et concernant des locaux commerciaux à usage de restaurant, ... en application de l'article 1741 du Code civil, et d'avoir débouté M. Franck X... de sa demande de condamnation de la Sarl les Cèdres au paiement de la somme de 200.000 à titre de dommages-intérêts ;
Aux motifs qu'en raison des manquements respectifs des parties à leurs obligations contractuelles, la Sarl les Cèdres sera déboutée de sa demande tendant à conserver la somme de 10.000 versée par M. Franck X..., pour rupture du contrat, tandis que l'intimé sera lui-même débouté de sa demande de dommages-intérêts et de mise en possession, le jugement entrepris étant infirmé en toutes ses dispositions ;
ALORS QUE le juge qui prononce la résiliation d'un contrat aux torts partagés des parties doit rechercher la part de responsabilité incombant à chacune des parties eu égard à la gravité des fautes retenues et l'importance du préjudice qu'elles ont respectivement subi de ce fait ; qu'en déboutant M. X... de sa demande de dommages-intérêts, au seul motif des manquements respectifs des parties à leurs obligations contractuelles, sans rechercher la part de responsabilité incombant à la Sarl les Cèdres qui n'avait pas délivré les locaux, objet du bail, ni l'importance du préjudice qui en est résulté pour M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147, 1184 et 1741 du Code civil.