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02/12/2008 | FRANCE | N°07-21605

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 02 décembre 2008, 07-21605


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 octobre 2007), rendu sur renvoi après cassation, (3e civile, 15 février 2006, pourvoi n° 04-19.757) que la société en nom collectif Le Pub littéraire irlandais (la société), qui a été créée en vue de l'exploitation d'un débit de boissons, en a confié les travaux d'aménagement intérieur à la société Petit, selon devis accepté du 28 février 1997, confiant la maîtrise d'oeuvre à un architecte, qui a délivré à l'entreprise deux ordres de service,

les 4 et 23 mars 1997 ; que la société et l'architecte ont demandé au Cabinet Peut...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 octobre 2007), rendu sur renvoi après cassation, (3e civile, 15 février 2006, pourvoi n° 04-19.757) que la société en nom collectif Le Pub littéraire irlandais (la société), qui a été créée en vue de l'exploitation d'un débit de boissons, en a confié les travaux d'aménagement intérieur à la société Petit, selon devis accepté du 28 février 1997, confiant la maîtrise d'oeuvre à un architecte, qui a délivré à l'entreprise deux ordres de service, les 4 et 23 mars 1997 ; que la société et l'architecte ont demandé au Cabinet Peutz, spécialisé dans le domaine de l'acoustique, d'établir un rapport sur les problèmes posés par l'implantation de ce commerce dans l'immeuble ; que ce cabinet a déposé deux rapports préconisant les solutions à envisager afin d'éviter toutes nuisances sonores au voisinage ; que devant l'ampleur des travaux à envisager pour mettre en oeuvre de telles préconisations, la société a décidé d'arrêter les travaux, suspendant le paiement de ceux réalisés par la société Petit ; qu' elle a, ensuite, engagé une action fondée sur un dol commis par la société Petit ; que cette dernière a demandé, reconventionnellement, le paiement des travaux réalisés ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que pour débouter la société, maître de l'ouvrage, de ses demandes et la condamner à payer la société Petit diverses sommes au titre des travaux réalisés, l'arrêt retient qu'il n'est nullement contesté par la société Petit qu'en mars 1997, à réception de l'ordre de service, elle connaissait la destination des lieux et qu'il ne peut donc lui être reproché de ne s'être pas renseignée sur la finalité des travaux ; qu'il n'est en rien établi que la société Petit avait les connaissances techniques nécessaires pour déterminer que les travaux d'aménagement qui lui étaient commandés seraient insuffisants pour assurer l'isolation acoustique qui s'imposait ou incompatibles avec les ouvrages nécessaires et qu'il est manifeste que les contraintes existantes et les solutions éventuelles ne pouvaient être déterminées qu'à la suite de l'intervention d'un BET spécialisé dans les problèmes acoustiques ; que la société Pub Irlandais échoue à rapporter la preuve d'une faute technique du professionnel qu'elle met en cause, qui constituerait un manquement à son obligation de conseil, et à plus forte raison un dol, dont aucun des éléments constitutifs n'est démontré ; que le maître de l'ouvrage était pleinement informé de la nécessité de recourir à des techniciens spécialisés en acoustique pour déterminer la nature des travaux à entreprendre et, corrélativement, les financements à prévoir ; que ce ne sont nullement les prétendus dol ou manquements de la société Petit qui sont à l'origine de l'arrêt du projet, mais l'impossibilité dans laquelle s'est trouvé le maître de l'ouvrage de financer les mesures définies par le second rapport de juin 1997 du BET et qu' il est établi que les agissements ou l'éventuelle abstention de la société Petit ne sont aucunement en relation de causalité directe et certaine, avec l'arrêt du chantier et les préjudices invoqués par la SNC Pub irlandais ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le maître de l'ouvrage était notoirement compétent en matière d'isolation acoustique, s'il s'était immiscé de façon fautive dans la réalisation des travaux effectués par la société Petit, et s'il avait passé outre à un refus par cette dernière de les réaliser après avoir été avisé des conséquences de ces travaux quant à leur inutilité, en raison de leur incompatibilité avec les exigences techniques acoustiques, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Petit aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Petit à payer à la SNC Le Pub littéraire irlandais la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société Petit ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la société Le Pub littéraire irlandais.

LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la SNC Pub Littéraire Irlandais, maître de l'ouvrage, de l'intégralité de ses demandes et de l'avoir condamnée à payer à la société Petit, entrepreneur, diverses sommes au titre des travaux réalisés et de dommages et intérêts,

AUX MOTIFS QU'il est établi que les travaux d'aménagement ont été entrepris alors que l'étude acoustique n'avait pas été encore commandée, que ce n'est qu'en mai 1997 qu'une campagne de mesure acoustique est menée à bien, que le bureau d'études Peutz et Associés n'a déposé un rapport de diagnostic acoustique que le 15 mai 1997 et un second rapport de préconisation le 11 juin ; que le rapport de mai 1997 conclut que « si l'on considère l'état existant et les dispositifs prévus ou réalisés à ce jour, à savoir… il ne sera pas possible de diffuser de la musique d'ambiance via une chaîne de sonorisation sans risque de générer des nuisances sonores chez les riverains ». « Une activité de bar avec diffusion musicale ne serait susceptible de se dérouler sans générer de nuisances sonores que dans la mesure où l'isolement entre PUB et voisins serait augmenté de façon très importante. Ceci a pour conséquence d'imposer une solution de construction boîte en boîte incompatible avec les travaux exécutés à ce jour. Ceci suppose de revoir et ou détruire toutes ou parties des travaux réalisés à ce jour et notamment les cloisons légères en carreau de plâtre du 1er étage et les doublages périphériques existants » ; que par le second rapport daté de juin 1997 le Bureau d'Etudes Peutz précise les préconisations de principe concernant les travaux à effectuer pour améliorer l'isolement ; que les travaux ont été interrompus en mai 1997 et le chantier définitivement arrêté en octobre ; qu'il est établi que l'arrêt du chantier est dû à l'impossibilité de trouver le financement des travaux acoustiques dont la nécessité a été mise en évidence par le rapport du BET PEUTZ, qu'il s'en est suivi toute une série de procédures dont celle engagée contre la société Petit n'est qu'un épisode ; qu'il n'est pas à aucun moment contesté par la société Petit, devant la Cour de renvoi, qu'en mars 1997, à réception de l'ordre de service, elle connaissait la destinations des lieux, qu'il ne peut donc lui être reproché en l'espèce de «ne s'être pas renseigné sur la finalité des travaux », à savoir un Pub Irlandais, mais qu'il appartient à la société Pub Irlandais de démontrer que les travaux réalisés étaient, compte tenu de cette destination connue, pour le professionnel qu'est la société Petit, contraires aux règles de l'art, de telle sorte que l'entreprise aurait commis une faute, dolosive ou non, en donnant suite aux ordres de service signés par le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre, ou aurait dû pour le moins conseiller au maître d'ouvrage de ne pas les entreprendre, qu'il faut encore que la Société Pub Irlandais démontre son dommage, et la relation de causalité directe entre le dol ou la faute commise par la société Petit et ce préjudice ; qu'il n'est pas en rien établi que la société Petit avait les connaissances techniques nécessaires pour déterminer que les travaux d'aménagement qui lui étaient commandés seraient insuffisants pour assurer l'isolation acoustique qui s'imposait ou incompatibles avec les ouvrages nécessaires, ni qu'elle aurait été en situation de préconiser telle ou telle disposition technique évidemment indispensable, comme la construction d'une dalle flottante, qu'il est manifeste que les contraintes existantes et les solutions éventuelles ne pouvaient être déterminées qu'à la suite de l'intervention d'un BET spécialisé dans les problèmes acoustiques, dont les deux rapports, de 10 pages chacun, plus les annexes, ressortent à l'évidence d'une technique spécialisée dont absolument rien n'établit qu'elle aurait dû être maîtrisée par la société Petit, entreprise générale de construction, qu'aucun des termes de ce rapport ne stigmatise d'évidents manquements aux règles de l'art qui auraient été commis à l'occasion des travaux entrepris jusqu'alors ; que le manquement au devoir de conseil de l'entreprise Petit ne résultant pas directement des conclusions du rapport des acousticiens et de l'échec du projet, dont on verra qu'il a d'autres causes déterminantes, il appartenait à la société Pub Irlandais de produire soit l'avis d'un homme de l'art mettant en évidence les manquements techniques allégués, soit de demander une expertise judiciaire ; qu'en l'état, il faut constater que la société Pub Irlandais échoue à rapporter la preuve d'une faute technique du professionnel qu'elle met en cause, qui constituerait un manquement à son obligation de conseil, et à plus forte raison un dol, dont aucun des éléments constitutifs n'est démontré ; que le Tribunal a, à juste titre, souligné que le maître d'ouvrage professionnel de l'exploitation des pubs était parfaitement informé des contraintes de son projet et de l'existence d'une législation spécifique, qu'il avait eu son attention très spécialement attirée sur ses responsabilités par les dispositions de l'acte de vente et du bail dérogatoire, que c'est dans ce cadre qu'il convient d'apprécier le prétendu dol, ou le manquement au devoir de conseil, qui est reproché à la société Petit, alors que le maître de l'ouvrage était pleinement informé de la nécessité de recouvrir à des techniciens spécialisés en acoustique pour déterminer la nature des travaux à entreprendre et, corrélativement aussi, les financements à prévoir, et que cette intervention des acousticiens devait à l'évidence se faire avant de mettre en route le chantier et de donner des ordres à l'entreprise générale ; qu'il est établi par les différents actes passés entre les multiples intervenants, CIRCE, Kos, Pub Irlandais, que des retards ont été pris sur le calendrier prévu et que le chantier a démarré dans la précipitation pour pallier des carences qui se situaient au niveau de la conception même du projet, de son montage juridique et de son financement, que c'est ainsi que le chantier a été lancé - mars 1997 - avant que les études acoustiques nécessaires et préalables aient été même commencées – avril mai 1997 – circonstance absolument décisive de l'échec final, lequel n'est aucunement le fait de la société Petit, mais du maître de l'ouvrage et, éventuellement, en fonction du contrat qui les liait, de la maîtrise d'oeuvre chargée de concevoir et coordonner la construction, qu'il n'appartenait pas à la société Petit, dans le cadre de son obligation spécifique de conseil, du déroulement et du calendrier de son projet, mais seulement de lui apporter les conseils techniques ressortant à l'évidence de ses compétences, qu'absolument rien, et sûrement pas les rapports du BET, n'établit que la société Petit aurait manqué sur ces points précis à ses obligations, qu'on ne voit pas que la société Petit ait dû rappeler, à toutes fins, au maître de l'ouvrage et à l'architecte, qu'il existait un risque à commencer les travaux qui lui étaient commandés, alors que les études acoustiques n'avaient pas été lancées, risque dont le Pub Irlandais ne pouvait qu'être conscient, qu'il était à même d'apprécier pleinement, et qu'il a manifestement pris pour assurer le démarrage rapide de son exploitation en espérant qu'il ne se réaliserait pas ; que les documents du dossier démontrent que le projet de la société Kos et de sa filiale la société Pub Irlandais était une préoccupation majeure de la copropriété puisque il était consigné dans le procès-verbal de l'Assemblée générale du 10 septembre 1996 que « l'attention de l'architecte du Pub, Monsieur X..., est attirée sur les points suivants : fournitures des essais phoniques dans le logement du 2ème étage ne pouvant être supérieurs 33dba durant la nuit et à 35 dba de la journée une fois l'installation exécutée » ; que le protocole d'accord signé entre la société Circe et la société Kos le 20 juin 1996 précisait expressément « qu'en dehors des travaux de structure que la société Circe acceptait de prendre en charge, tous les autres travaux étaient à la charge exclusive de la société Kos et de la SNC Pub Irlandais, qui en fait son affaire personnelle » ; que ce ne sont nullement les prétendus dol ou manquements de la société Petit qui sont à l'origine de l'arrêt du projet, mais l'impossibilité dans laquelle s'est trouvé le maître de l'ouvrage de financer les mesures définies par le second rapport de juin 1997 du BET, financements qui auraient dû être recherchés avant même d'ouvrir le chantier d'aménagement des locaux, mais encore avant l'achat en 1994 par la société Kos, propriétaire de plusieurs Pubs Irlandais et la création de sa filiale la SNC Pub Irlandais, avant aussi les négociations avec les copropriétaires, avant les promesses de vente successives et sans doute avant même les travaux de structure réalisés par Circe dont la réception est intervenue en août 1996 ; que les correspondances échangées entre la société Circe et la société Kos démontrent qu'un conflit a existé entre elles, après le dépôt du rapport d'expertise acoustique, sur la question de savoir qui financement les travaux nécessaires, avant que la société Circe n'informe la copropriété de l'abandon du projet de création d'un Pub, qu'une procédure a d'ailleurs existé entre ces parties, qui n'a pas abouti du fait de l'existence d'une clause compromissoire ; qu'il est ainsi établi que les agissements, ou l'éventuelle abstention, de la société Petit ne sont aucunement en relation de causalité directe, certaine, avec l'arrêt du chantier et les préjudices invoqués par la SNC Pub Irlandais, filiale de la société Kos, qui devait à l'évidence faire diligenter par priorité les études acoustiques nécessaires et prévues par ses propres conventions ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le constructeur ne peut s'exonérer de sa responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage en raison d'une immixtion de ce dernier que s'il établit que celui-ci était notoirement compétent ou qu'il avait accepté de courir un risque en pleine connaissance de cause ; qu'en se bornant à relever en l'espèce que le maître de l'ouvrage était un professionnel de l'exploitation des pub, ce qui n'impliquait pas une compétence en matière de construction et plus particulièrement en matière d'isolation phonique, et ce qui n'impliquait pas non plus une connaissance effective du risque encouru à mettre en oeuvre des travaux de gros oeuvre conçus par un maître d'oeuvre avant l'intervention des experts en matière d'acoustique, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE faute d'avoir constaté que le maître de l'ouvrage était informé de ce qu'à la date de l'ordre de service, l'expertise acoustique décidée par le maître d'oeuvre n'avait pas encore été réalisée, la Cour d'appel, qui a dispensé le constructeur de son obligation de conseil, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil.


Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 octobre 2007


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 3e, 02 déc. 2008, pourvoi n°07-21605

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Composition du Tribunal
Président : M. Weber (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 3
Date de la décision : 02/12/2008
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 07-21605
Numéro NOR : JURITEXT000019881988 ?
Numéro d'affaire : 07-21605
Numéro de décision : 30801230
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2008-12-02;07.21605 ?
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