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02/12/2008 | FRANCE | N°07-16707

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 02 décembre 2008, 07-16707


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen, pris en ses trois premières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 janvier 2007), que la société Manufacture des poteries Jars (la société Jars) a, le 5 mars 2001, conclu avec la société CMMX, devenue la société Cegid, un contrat portant acquisition des droits d'utilisation d'un progiciel de gestion intégrée comportant trois modules (comptabilité, gestion commerciale et gestion de production) et commande de diverses prestations ; que trois contrats de concessio

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen, pris en ses trois premières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 janvier 2007), que la société Manufacture des poteries Jars (la société Jars) a, le 5 mars 2001, conclu avec la société CMMX, devenue la société Cegid, un contrat portant acquisition des droits d'utilisation d'un progiciel de gestion intégrée comportant trois modules (comptabilité, gestion commerciale et gestion de production) et commande de diverses prestations ; que trois contrats de concession progiciel ont été conclus entre les sociétés Jars, CCMX et BNP Paribas Lease Group (la société BNP) pour financer cette opération ; que la mise en place du module gestion de production ayant rencontré d'importantes difficultés, la société Jars a assigné les sociétés CCMX et BNP en résolution de ces contrats, en remboursement du prix payé et en indemnisation de son préjudice ;
Attendu que la société Jars fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la résiliation de la convention d'installation du progiciel de gestion intégrée, seulement à compter du 3 février 2003 et, uniquement pour le module gestion de production, d'avoir condamné la société CCMX, partie aux torts de laquelle la résiliation a été prononcée, à ne lui verser qu'une somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts et d'avoir rejeté ses autres demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel a constaté que le contrat litigieux avait pour objet la livraison et la licence d'un progiciel de gestion intégrée et que la société CCMX n'était pas parvenue à la livraison de ce progiciel de gestion intégrée et que la société CCMX n'était pas parvenue à la livraison de ce progiciel ; qu'il résultait de ces constatations que la société CCMX était dès l'origine défaillante dans la livraison du bien promis et que la société Jars n'avait bénéficié d'une prestation à exécution successive ; qu'en statuant ainsi au motif inopérant que chacune des composantes du bien promis (les modules du progiciel) pouvait, d'un point de vue technique, fonctionner indépendamment des autres, que l'indivisibilité dont se prévalait la société Jars n'était pas conventionnelle et ne résultait pas de la fonction économique du projet et que la société Jars aurait donc bénéficié d'une prestation à exécution successive dès lors que deux des trois modules du progiciel fonctionnaient, si bien que seule la résiliation de la convention à compter du 3 février 2003 pouvait être prononcée, et pour le module de gestion de production uniquement, la cour, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article 1184, ensemble l'article 1134 du code civil ;
2°/ que l'indivisibilité est soit matérielle, soit intellectuelle ; qu'en statuant ainsi au motif que chacune des composantes du bien promis les modules du progiciel pouvait, d'un point de vue technique, fonctionner indépendamment des autres, sans rechercher si un logiciel dit "ERP" pouvait se concevoir sans module de gestion de production, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1184 et 1217 du code civil ;
3°/ que le juge doit respecter en toutes circonstances le principe du contradictoire ; qu'en ne suscitant pas les observations préalables des parties sur la portée de la lettre du 3 février 2003 invoquée par elle d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève qu'en souscrivant le contrat du 5 mars 2001, la société Jars poursuivait, d'un point de vue fonctionnel et industriel, l'objectif de disposer, en contrepartie du paiement de redevances, d'un système cohérent de gestion intégrée constitué par un progiciel associant trois modules distincts et techniquement indépendants les uns des autres ; que l'arrêt ajoute qu'aucune indivisibilité n'avait été contractuellement convenue et que, dans sa lettre du 3 février 2003, la société Jars avait fait part à la société CCMX de sa décision de "suspendre définitivement" l'implantation du module de production, tout en conservant les modules antérieurement déployés, concernant la comptabilité et la gestion commerciale ainsi que les services de maintenance progiciels associés ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, dont elle a souverainement déduit la commune intention des parties de ne conférer ni à ce progiciel, ni à l'obligation de mise à disposition qui s'y rapporte, un caractère indivisible et, dont elle a déduit l'existence d'un contrat synallagmatique à exécution successive, la cour d'appel a, sans méconnaître le principe de la contradiction, légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Attendu que ni le premier moyen, ni le second moyen, pris en sa quatrième branche, ne seraient de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Manufacture de poteries Jars aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Manufacture de poteries Jars à payer à la société Cegid la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

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Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour la société Manufacture de poteries de Jars.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la demande de la société JARS aux fins de rejet des débats de pièces et conclusions ;
AUX MOTIFS QUE les conclusions n° 3 signifiées le 13 novembre 2006 par la société CCMX étaient de simples conclusions en réponse aux conclusions n° 4 signifiées le 2 novembre 2006 par la société JARS ; qu'elles ne présentaient aucun moyen nouveau et n'appelaient pas de nouvelles écritures en réponse ; qu'en outre la pièce n° 23 était la convention liant les parties, dont la société JARS avait nécessairement connaissance ; que la société JARS sera donc déboutée de son incident aux fins de rejet des débats ;
ALORS QU'en statuant ainsi par des motifs inopérants, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la société JARS avait été en mesure de faire valoir ses observations au sujet de cette pièce n° 23, la Cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué, D'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire de la convention d'installation d'un progiciel de gestion intégrée « CCMX BUSINESS » à compter seulement du 3 février 2003 et pour le module gestion de production uniquement D'AVOIR condamné la société CCMX, partie aux torts de laquelle la résiliation a été prononcée, à ne verser à la société JARS qu'une somme de 15.000 à titre de dommages et intérêts et D'AVOIR débouté cette dernière de ses autres demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES QU'afin de disposer d'un système d'information intégré, la société JARS a accepté l'offre de la société CCMX tendant à la mise en place d'un progiciel de gestion intégrée « CCMX Business » devant être installé avant fin 2001 et comportant trois modules : comptabilité, gestion commerciale et gestion de production ; que par contrat de licence du 5 mars 2001, la société JARS a acquis les droits d'utilisation du logiciel CCMX Business et a commandé des prestations pour un montant total de 84.231,26 HT avec paiement d'une redevance mensuelle de maintenance de 851,13 HT ; que par contrat du 9 juillet 2001, la société JARS a acquis les matériels nécessaires pour un montant de 2.951,57 HT ; qu'afin de financer cette opération, trois contrats de concession de progiciel ont été conclus entre les sociétés JARS, CCMX et BNP PARIBAS LEASE GROUP, la société JARS transférant à la société BNP PARIBAS LEASE GROUP le droit d'usage du progiciel et la société BNP Paribas se substituant à la société JARS pour le règlement du prix de licence, la société JARS s'engageant par ailleurs à conclure avec la société CCMX un contrat de maintenance ; que les modules de comptabilité et de gestion commerciale, après validation le 11 juillet 2001, ont démarré les 28 septembre et 12 novembre 2001, puis ont été réceptionnés avec réserves le 21 juin 2002, la levée des réserves demandant sept mois supplémentaires ; qu'en revanche, la mise en place du module gestion de production a rencontré d'importantes difficultés techniques, liées à la mise au point du planificateur SPCF ; que le 3 février 2003, la société JARS a notifié à la société CCMX sa décision d'arrêter l'installation du module gestion de production, tout en poursuivant l'exploitation des deux autres modules ; qu'en souscrivant, le 5 mars 2001, un contrat de licence du progiciel CCMX Business, la société JARS poursuivait manifestement, d'un point de vue fonctionnel et industriel, l'objectif de disposer d'un système cohérent de gestion intégré, au moyen d'un progiciel dit PGI (Progiciel de Gestion Intégrée) ou ERP (Entreprise Ressources Planning) associant trois modules distincts et autonomes sur le plan informatique, à savoir un module comptabilité, un module gestion commerciale, et un module gestion de production ; que s'il n'est pas contesté qu'un seul contrat a été souscrit, cette circonstance ne suffit pas à donner un caractère indivisible aux prestations de mise en place des trois modules concernés par l'opération, lesquels étaient techniquement indépendants les uns des autres ; qu'aucune indivisibilité n'avait été contractuellement convenue ; que si, à la suite de modifications du planning initial, acceptées par la société JARS, les modules comptabilité et gestion commerciale ont démarré le 12 novembre 2001 pour le module comptabilité, et le 28 septembre 2001 pour le module gestion commerciale, ces deux modules ont finalement été réceptionnés le 21 juin 2002 et ont pu ainsi être mis en oeuvre séparément, une fois les réserves levées ; qu'en revanche il n'en a pas été de même du module gestion de production, lequel n'était toujours pas opérationnel le 3 février 2003, date à laquelle la société JARS a pris la décision d'arrêter le projet, en particulier en raison de difficultés concernant la mise en place du séquenceur de production à capacité finie et de l'impossibilité de la société CCMX de respecter les délais convenus ; que si dans le domaine des prestations de services informatiques, le respect des délais convenus doit être apprécié avec une nécessaire souplesse compte tenu de la complexité de la matière et des obstacles souvent rencontrés sur site, il n'en demeure pas moins qu'en dépit de ses engagements, la société CCMX ne maîtrisait pas la solution informatique qu'elle a proposée à la société JARS, ainsi que l'ont pertinemment observé les premiers juges ; que la société CCMX ne peut excuser ses difficultés en reprochant à la société JARS un manquement à un devoir de collaboration et une absence de réel engagement ; qu'il est indifférent en effet que le chef du projet de la société JARS ait été momentanément indisponible, dès lors qu'il ne lui incombait pas personnellement de réaliser les prestations informatiques commandées à la société CCMX, cette dernière ne reprochant d'ailleurs pas à la société JARS d'avoir insuffisamment précisé ses besoins ; que « l'absence d'un réel engagement » n'est pas davantage établi ; que par de nombreux courriers, la société JARS s'est plainte du retard de réalisation du projet et sans qu'une solution rigoureuse et efficace soit mise en place par la société CCMX pour parvenir à la réalisation d'un projet opérationnel et correspondant aux attentes de la société JARS ; qu'aucune faute ne peut être reprochée à la société JARS, laquelle était fondée, compte tenu d'un retard de plus de dix huit mois, à mettre un terme au projet ainsi qu'elle l'a fait ; que contrairement à ce que soutient la société JARS, le contrat de licence signé le 5 mars 2001, qui stipulait le paiement de redevances, n'était pas un contrat à exécution instantanée mais un contrat à exécution successive ; que dès lors, la société JARS ne peut demander en justice la résolution du contrat dans son ensemble, avec restitutions réciproques, mais seulement la résiliation de ce contrat pour le module gestion de production, les modules comptabilité et gestion commerciale présentant un caractère séparé et fonctionnant normalement ; qu'il convient en outre de noter que dans sa lettre du 3 février 2003, la société JARS a fait part à la société CCMX de sa décision de « suspendre définitivement » l'implantation du module de production Business, tout en conservant les modules antérieurement déployés, concernant la comptabilité et la gestion commerciale, ainsi que les services de maintenance progiciels associés ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont prononcé la résiliation du contrat à compter du 3 février 2003, date de la décision de la société JARS d'arrêter le projet en ce qui concerne le module gestion de production, et ceci aux torts exclusifs de la société CCMX ; que la société JARS ne peut donc être admise à demander le remboursement de la totalité de sommes qu'elle a déboursées (100.437,52 ) au titre de la valeur d'achat du progiciel et de ses accessoires ; que le module de gestion de production n'a pas fait l'objet de facturation ; que la société JARS, qui comptait sur l'installation d'un système d'information intégré, a néanmoins subi un préjudice, lequel a été évalué à juste titre par les premiers juges à 15.000 ; que cette somme tient compte pour partie du prix du kit d'installation et des frais de maintenance ainsi que de l'embauche d'un chef de projet pour suivre l'implantation du progiciel ERP ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'un contrat de licence d'un progiciel, associé au surplus avec un contrat de maintenance, est un contrat à exécution successive dont seule la résiliation est possible puisque l'on ne saurait réduire à néant les prestations déjà effectuées ; que l'indivisibilité dont veut se prévaloir JARS n'est pas conventionnelle et ne résulte pas de la fonction économique du projet, JARS ne contestant pas avoir l'usage des modules comptabilité et gestion commerciale ;
1°) ALORS QUE la Cour a constaté que le contrat litigieux avait pour objet la livraison et la licence d'un progiciel de gestion intégrée et que la société CCMX n'était pas parvenue à la livraison de ce progiciel ; qu'il résultait de ces constatations que la société CCMX était dès l'origine défaillante dans la livraison du bien promis et que la société JARS n'avait bénéficié d'aucune prestation à exécution successive ; qu'en statuant ainsi au motif inopérant que chacune des composantes du bien promis (les modules du progiciel) pouvait, d'un point de vue technique, fonctionner indépendamment des autres, que l'indivisibilité dont se prévalait la société JARS n'était pas conventionnelle et ne résultait pas de la fonction économique du projet et que la société JARS aurait donc bénéficié d'une prestation à exécution successive dès lors que deux des trois modules du progiciel fonctionnaient, si bien que seule la résiliation de la convention à compter du 3 février 2003 pouvait être prononcée, et pour le module gestion de production uniquement, la Cour, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1184 du Code civil, ensemble l'article 1134 du même Code ;
2°) ALORS QUE l'indivisibilité est soit matérielle, soit intellectuelle ; qu'en statuant ainsi au motif que chacune des composantes du bien promis (les modules du progiciel) pouvait, d'un point de vue technique, fonctionner indépendamment des autres, sans rechercher si un logiciel dit « ERP » pouvait se concevoir sans module de gestion de production, la Cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 1184 et 1217 du Code civil ;
3°) ALORS, en tout état de cause QUE le juge doit respecter en toutes circonstances le principe du contradictoire ; qu'en ne suscitant pas les observations préalables des parties sur la portée de la lettre du 3 février 2003 invoquée par elle d'office, la Cour a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
4°) ALORS, enfin, QU'en ne répondant pas aux écritures de la société JARS qui faisait valoir, d'une part, qu'elle avait subi un préjudice non seulement du fait que le module de gestion de production n'avait jamais fonctionné, mais aussi du fait que les deux autres modules n'avaient fonctionné qu'avec un retard considérable et, d'autre part, que ces modules étaient en tout état de cause moins fiables et efficaces que l'ancienne solution informatique de l'exposante, qui avait pourtant été présentée comme étant obsolète par la société CCMX, pour convaincre l'exposante de commander son produit, la Cour a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 07-16707
Date de la décision : 02/12/2008
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 18 janvier 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 02 déc. 2008, pourvoi n°07-16707


Composition du Tribunal
Président : Mme Tric (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Nicolaý, de Lanouvelle, Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.16707
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