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28/10/2008 | FRANCE | N°07-41984;07-41985;07-41986

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 octobre 2008, 07-41984 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° E 07-41.984, F 07-41.985 et H 07-41.986 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 21 février 2007) que la société Schelcher Prince finance (SPF), aujourd'hui dénommée CPR Holding, exerçait une activité d'intermédiation sur le marché secondaire des actions et des obligations, lorsqu'elle est devenue en 1987 une filiale à 100 % du groupe CPR ; que la société Banque CPR, relevant du même groupe, assurait pour la société SPF une activité dite de "back o

ffice", en tenant sa comptabilité et en lui fournissant des services juridiques,...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° E 07-41.984, F 07-41.985 et H 07-41.986 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 21 février 2007) que la société Schelcher Prince finance (SPF), aujourd'hui dénommée CPR Holding, exerçait une activité d'intermédiation sur le marché secondaire des actions et des obligations, lorsqu'elle est devenue en 1987 une filiale à 100 % du groupe CPR ; que la société Banque CPR, relevant du même groupe, assurait pour la société SPF une activité dite de "back office", en tenant sa comptabilité et en lui fournissant des services juridiques, fiscaux, informatiques et de gestion du personnel ; qu'après la prise de contrôle en 2000 du groupe CPR par le Crédit agricole Indosuez, la répartition du capital social de la société SPF a été modifiée, le groupe CPR étant alors associé majoritaire ; qu'en 2001, un projet de "désimbrication" de la société SPF a été envisagé, pour que celle-ci acquiert une autonomie par rapport au groupe CPR, la société Banque CPR devant cesser son activité en juin 2003 ; qu'en 2002 la société Banque CPR a dénoncé, avec effet au 30 septembre de cette année là, les conventions qui la liaient à la société SPF au titre du "back office" ; que la société SPF a ensuite décidé de cesser son activité au au 30 septembre 2002, conclu à cette fin un accord collectif prévoyant des mesures d'accompagnement des licenciements et licencié pour cette raison tout son personnel, les 30 septembre et 11 octobre 2002 ;

Sur le premier moyen des pourvois de l'employeur n°07-41.984 et 07-41985 et sur le moyen unique du pourvoi n° 07-41.986, réunis :

Attendu que la société CPR Holding fait grief aux arrêts de l'avoir condamnée au paiement de dommages-intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :

1°/ que constitue un motif économique de licenciement la cessation d'activité définitive de l'entreprise, quand celle-ci n'est pas imputable à une faute de l'employeur ou à sa légèreté blâmable ; que la cour d'appel ne pouvait valablement condamner l'employeur pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse sans avoir préalablement constaté les faits propres à caractériser cette faute ou cette légèreté blâmable ; qu'à cet égard, il ressort des propres énonciations de l'arrêt attaqué que sa prise de contrôle par le Groupe Crédit agricole Indosuez (CAI) a entraîné la réorganisation du Groupe CPR et la cessation consécutive des activités de sa filiale Banque CPR, qui assurait jusqu'alors les prestations de back office et de supports de son autre filiale SPF, appelant une solution de substitution, dont la recherche a été effectivement menée et n'a échoué qu'en raison de l'absence d'un repreneur extérieur au groupe, capable d'assumer les prestations précitées ; que dès lors, en déclarant sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour motif économique du salarié, la cour d'appel, qui n'avait pas à apprécier la décision du Groupe CAI de mettre fin à l'activité de sa filiale Banque CPR et, par suite, aux prestations délivrées jusqu'alors à SPF, ni davantage à apprécier la décision de prendre acte de l'impossibilité d'une solution de substitution, n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles L. 122-14-3 (L. 1233-2) et L. 321-1 (L. 1233-3) du Code du travail ;

2°/ qu'il ressort des termes clairs et précis du procès-verbal des délibérations du conseil d'administration de SPF du 19 mars 2002 visé par la cour d'appel et confirmé par celui du 11 septembre 2002, que Banque CPR avait annoncé « la cessation de ses activités à l'horizon de juin 2003» ; que cette situation nécessitait que Banque CPR, préalablement, mette fin à tous les contrats qui la liaient à des sociétés du Groupe CPR, dont le contrat de prestations de services conclu avec la société SPF ; que ce contrat a été dénoncé, conformément à la clause de dénonciation qu'il contenait, moyennant le respect d'un préavis de six mois, largement respecté en l'espèce ; que l'échéance de ce contrat avait pour effet la fin des prestations de services de Banque CPR à SPF le 30 septembre 2002, ceci étant rappelé par les termes clairs et précis du procès-verbal des délibérations du conseil d'administration de SPF du 23 juillet 2002, visé par la cour d'appel, qui expliquait la nécessité «de trouver rapidement des solutions administratives et informatiques de remplacement aux services fournis par Banque CPR, services qui cesseront le 30 septembre 2002» ; que dès lors, en fondant sa décision sur les motifs pris de ce que « le point de basculement de la décision a ainsi eu lieu entre le 19 mars 2002 et le début d'avril 2002 avec accélération de la cessation des prestations par la banque CPR ramenée de juin 2003 à septembre 2002», de sorte que « se trouve démontrée la légèreté blâmable de l'employeur dans l'accélération de la fermeture définitive d'une activité rentable et reconnue dans son domaine d'activité par tous ses partenaires», la cour d'appel a dénaturé les procès-verbaux précités et violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ que dans ses conclusions d'appel, l'ayant droit de l'employeur faisait valoir, d'une part, que, lors de la signature de « l'accord collectif du 20 août 2002 (…) les représentants du personnel avaient émis un avis favorable sur le projet de cessation d'activité et le licenciement collectif pour motif économique présenté par la direction», d'autre part, que « l'administration du travail avait autorisé le licenciement des deux déléguées du personnel (…) en date du 26 décembre 2002, en « considérant établie la réalité du motif économique du licenciement» ; qu'en omettant de répondre à ce moyen pertinent de nature à influer sur la solution du litige, en ce qu'il était contraire à l'affirmation par le salarié d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que la cour d'appel a fondé son arrêt sur une attestation de M. X..., ancien président de SPF, sans répondre aux conclusions suivantes de l'ayant droit de l'employeur se prévalant de précédentes déclarations contraires de l'intéressé ; qu'ainsi, d'une part, concernant la recherche d'un repreneur, il avait clairement indiqué le 1er août 2002 lors de la présentation du projet de cessation d'activité aux délégués du personnel que «la complexité notamment de l'organisation back-office nécessaire pour permettre à Schelcher Prince finance de poursuivre son activité dans un environnement support différent de celui de CPR et la dégradation continue des marchés financiers ont découragé les acheteurs potentiels», d'autre part, concernant la mise en place de solutions techniques permettant d'apporter à SPF une autonomie de fonctionnement, le procès-verbal du conseil d'administration du 23 juillet 2002 de SPF mentionnait «le président fait état des difficultés pour trouver rapidement des solutions administratives et informatiques de remplacement aux services fournis par la Banque CPR, services qui cesseront le 30 septembre 2002. Le contrôleur interne de Schelcher Prince Finance a d'ailleurs relevé ce fait dans son rapport du 30 avril 2002 : «A ce jour, aucune solution n'a été trouvée qui permettrait à Schelcher Prince finance de poursuivre toutes ses activités alors que la Banque CPR aura cessé de fonctionner» ; que ces déclarations de l'époque de l'ancien président de SPF justifiaient la cessation d'activité de celle-ci et, par suite, le motif économique avancé dans la lettre de licenciement du salarié ; qu'en omettant de répondre à ce moyen pertinent, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ qu'au surplus, la cour d'appel a fondé son arrêt sur l'attestation de M. X..., ancien président de SPF, affirmant que, concernant le « rapprochement SPF et CIC Bourse (…) le CAI a amené à la rupture de la négociation en demandant une réponse ferme dans le délai impératif de trois jours» ; que la cour d'appel a omis de répondre aux conclusions de l'ayant droit de l'employeur se prévalant de l'attestation contraire de M. Jean-Pierre Z..., à l'époque directeur général de Banque CPR et en relation directe avec le président de CIC, lequel n'avait «confirmé aucun intérêt» ni "déposé aucune offre de reprise" le « 6 mai 2002», après avoir évoqué « le 3 mai au soir (…) une probabilité faible de faire l'opération» pour « deux raisons : d'une part, le prix : le goodwill serait trop élevé et difficile à amortir ; d'autre part, la gouvernance : la volonté d'autonomie qu'il a sentie chez Schelcher Finance n'étant pas dans l'air du temps du Groupe (CIC Crédit mutuel» ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ qu'au surplus, la cour d'appel a fondé son arrêt sur l'attestation de M. A..., faisant état d'un « refus le 3 avril 2002 de CAI et CAI Chevreux de prendre en charge les opérations de Back Office, quelques jours plus tard, refus d'une filiale spécialisée de CAI de prendre en charge les opérations de comptabilité», sans répondre aux conclusions suivantes de l'ayant droit de l'employeur invoquant, d'une part, s'agissant de CAI Chevreux, l'attestation contraire de « M. B... (directeur général adjoint et chief operating officer de CAI Chevreux depuis 1996 » énonçant que cette société « n'est pas une société sous-traitante et ne peut offrir ce type de services dont elle ne voulait pas assurer les risques opérationnels», d'autre part, s'agissant d'une filiale spécialisée de CAI, les propres déclarations contraires de M. A... demandant dans son « mail du 13 mars 2002 (…) l'étude d'autres solutions», enfin, les motifs des premiers juges dont la confirmation était demandé et selon lesquels « les comptes rendus de réunion des 5, 7 et 13 mars 2002 démontrent que les solutions envisagées ne permettaient pas la gestion administrative et la gestion comptable, le traitement du back office étant par ailleurs incomplet, que seul, eu égard aux coûts d'investissement et aux délais de mise en place, une solution de prestation de services pouvait être envisagée ; que cette solution, après étude, a abouti à un refus du prestataire choisi, les autres ne fournissant pas la totalité des prestations requises» ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que c'est par une interprétation nécessaire des procès-verbaux du conseil d'administration de la société SPF et par une appréciation souveraine des autres éléments de preuve produits par les salariés que la cour d'appel, sans avoir à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a retenu que la cessation d'activité de la société SPF avait été décidée en avril 2002 de manière précipitée, à la demande de son principal associé et pour satisfaire aux seules exigences du groupe Crédit agricole Indosuez, sans que toutes les possibilités pouvant permettre le maintien de son activité et des emplois aient été recherchées ; qu'elle a pu en déduire que cette cessation rapide et définitive de l'activité de la société, malgré les bons résultats qu'elle avait réalisés et en dépit de la position favorable qu'elle occupait sur le marché, procédait d'une légèreté blâmable, privant les licenciements alors prononcés de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen des pourvois de l'employeur n° 07-41.984 et 07-41.985 et sur le moyen unique des pourvois incidents de MM. C... et D..., dans ces procédures :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens, qui ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principaux et incidents ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société CPR Holding à payer à MM. C..., D... et E..., la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit octobre deux mille huit.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-41984;07-41985;07-41986
Date de la décision : 28/10/2008
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 février 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 oct. 2008, pourvoi n°07-41984;07-41985;07-41986


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Blanc, SCP Tiffreau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.41984
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