LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 20 mars 2007), que soutenant être dans l'impossibilité de trouver un locataire ou un acquéreur de l'immeuble dont elle est propriétaire en raison des servitudes existant sur le site sur lequel il est situé, du fait de la présence d'une installation classée "Seveso"exploitée par la société Couronnaise de raffinage Shell, la société SMII a sollicité de celle-ci l'indemnisation du préjudice résultant de l'institution de ces servitudes, en se fondant sur les prescriptions de l'article L. 515-11, alinéa 2, du code de l'environnement ;
Attendu que la SMII fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 est d'application immédiate à la réparation des préjudices créés de façon permanente et continue par une installation classée Seveso, qui a nécessité l'instauration de servitudes d'utilité publique, si bien qu'en refusant d'indemniser un risque qui n'avait pas cessé de se manifester de manière continue après le 31 juillet 2003, et qui s'était notamment concrétisé, de manière nouvelle, par le congé donné par la locataire des locaux le 1er septembre 2004 pour des raisons tenant précisément aux contraintes Seveso, la cour d'appel, invoquant faussement la non-rétroactivité de la loi, a méconnu son effet immédiat, violant les articles 2 du code civil et L. 515-8 du code de l'environnement ;
2°/ que l'indemnisation du risque créé par l'installation classée Seveso trouvait son fondement dans une contrainte juridique postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 30 juillet 2003, à savoir le plan local d'urbanisme de décembre 2003, qui emportait création, à l'extérieur de l'établissement, d'un risque de nature nouvelle et de contraintes d'usage des terrains nouvelles, au sens de la circulaire du 2 octobre 2003, si bien qu'en refusant de faire application des dispositions de la loi du 30 juillet 2003 modifiant l'article L. 515-8 du code de l'Environnement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Mais attendu qu'ayant exactement énoncé que l'institution des servitudes d'utilité publique prévues par l'article L. 515-8 du code de l'environnement ne pouvait, jusqu'à 2003, donner lieu à indemnisation que lorsqu'elle dérivait de l'installation d'un établissement dangereux sur un site nouveau et que, depuis la loi du 30 juillet 2003, non rétroactive, l'indemnisation était devenue possible à raison des risques supplémentaires créés par une installation nouvelle sur un site existant ou par la modification d'une installation existante nécessitant la délivrance d'une nouvelle autorisation, la cour d'appel, qui a relevé que la SMII ne démontrait pas l'existence d'un préjudice résultant d'un risque supplémentaire créé par de nouvelles installations de la société Shell, en a déduit à bon droit, sans violer les conditions de l'application de la loi dans le temps, que la moins-value de l'ensemble immobilier de la SMII résultant de l'existence de servitudes d'utilité publique ne constituait pas un préjudice indemnisable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SMII aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société SMII et la condamne à payer à la société Couronnaise de raffinage Shell la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille huit.