LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été embauché le 21 août 1978 en qualité de VRP par la société Satas ; qu'en mars et avril 2002, il a été désigné délégué syndical CFDT et représentant syndical auprès du comité d'entreprise, puis élu en janvier 2003 conseiller prud'homal et membre du CHSCT et du CE ; qu'à la suite d'une réorganisation de ses services en 2003, la société lui a proposé, ainsi qu'à tous les VRP, de renoncer au statut de VRP pour devenir cadre salarié ; qu'il a refusé et, invoquant une discrimination salariale, a saisi la juridiction prud'homale le 5 octobre 2004 ; qu'en cours d'instance en appel, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 30 janvier 2006 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes tendant à voir qualifier la rupture en licenciement nul et obtenir le paiement de diverses indemnités à ce titre, alors, selon le moyen :
1°/ que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ; qu'il avait soutenu que la politique commerciale de la société Satas était délibérément discriminatoire à l'égard des VRP dans le but d'obtenir de leur part l'abandon volontaire de ce statut ; que la cour d'appel, qui a considéré, pour rejeter les demandes, que M. X... ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même du choix de conserver le statut de VRP, sans rechercher si le comportement de l'employeur ne caractérisait pas un manquement de celui-ci à l'exécution de bonne foi du contrat de travail, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 120-4 du code du travail ;
2°/ que l'employeur ne peut modifier le contrat de travail du salarié VRP et notamment sa rémunération, le taux des commissions, la composition de la clientèle ou son secteur et ainsi modifier unilatéralement l'économie et l'équilibre du contrat ; qu'en considérant que l'employeur pouvait diminuer le taux de commissionnement ou procéder à des modifications affectant le secteur du salarié, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ que surtout aucun changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé et en cas de refus par celui-ci de ce changement, l'employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de licenciement ; qu'il résulte des constatations de la cour d'appel, que l'employeur avait modifié les conditions de travail du salarié protégé ; qu'en rejetant néanmoins la demande du salarié tendant à voir juger que la rupture produisait les effets d'un licenciement nul, la cour d'appel a violé les articles 1184 du code civil et L. 425-1 du code du travail ;
4°/ qu'en ne recherchant pas si les mesures déplorées par le salarié ne constituaient pas, à tout le moins, des changements de ses conditions de travail, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 1184 du code civil et L. 425-1 du code du travail ;
5°/ que le salarié avait également déploré la baisse de rémunération des reprises de résiliation qui avait été imposée aux VRP ; qu'en ne se prononçant pas sur ce grief, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ qu'enfin, l'acceptation par le salarié protégé d'une modification de son contrat de travail ou de ses conditions de travail ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté ; qu'elle ne peut se déduire de la seule poursuite du contrat modifié sans protestation ou réserve ou du fait que le salarié a accepté d'autres modifications ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que le salarié n'avait ni signé ni approuvé le plan de rémunération variable 2005 ; qu'en rejetant néanmoins les griefs du salarié aux motifs que les objectifs étaient les mêmes que ceux de 2004 et que pendant toute l'année 2005, M. X... avait poursuivi son activité sans manifester la moindre réserve, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
7°/ sur les pratiques illicites de la société, que le salarié avait soutenu que l'employeur l'avait contraint à pratiquer des mesures illicites, ce qui justifiait la prise d'acte de rupture du contrat de travail ; que la cour d'appel a relevé, d'une part, que la sanction de ces mesures relevait de la compétence de l'administration et éventuellement des juridictions commerciales ou pénales, et, d'autre part, que le salarié avait poursuivi l'exécution de son contrat jusqu'au 31 janvier 2006, et ce après avoir sollicité la résiliation de son contrat de travail ; qu'en ne recherchant pas si les griefs invoqués par le salarié justifiaient la prise d'acte de rupture, la cour d'appel a violé les articles L. 122-4, L. 122-13 et L. 122-14-3 du code du travail ;
8°/ sur le départ en retraite, que, d'une part, lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; que d'autre part, le départ à la retraite constitue une cause autonome de résiliation du contrat de travail distincte de la démission ; qu'en affirmant que la rupture du contrat de travail de M. X... résulte de sa démission du 31 janvier 2006 et de sa mise à la retraite du 1er février 2006, la cour d'appel a violé les articles L. 122-4, L. 122-13 et L. 122-14-3 du code du travail ;
9°/ que la prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail et il appartient aux juges de se prononcer sur l'imputabilité de la rupture, peu important que le salarié ait fait valoir ses droits à la retraite postérieurement à cette prise d'acte de rupture ; qu'en prenant en considération le fait que le salarié avait fait valoir ses droits à la retraite après avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a relevé que M. X... avait choisi de conserver son statut de VRP et que la situation des cadres commerciaux était objectivement différente de celle des VRP ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a constaté que le représentant avait accepté, en signant un avenant à son contrat de travail le 30 juillet 2004, la modification du commissionnement sur les nouveaux produits et la réduction, à sa demande, de son secteur géographique et de ses objectifs ;
Attendu, de plus, que la cour d'appel a souverainement constaté que le plan de rémunération variable (PRV) de 2005 était identique à celui de 2004 accepté par le représentant, ce dont il résultait que celui-ci n'avait pas à renouveler cette acceptation ;
Attendu, ensuite, que les éventuelles pratiques illicites de la société, à les supposer réelles, n'avaient pas d'incidence sur le contrat du salarié ;
Attendu, enfin, que la cour d'appel, ayant décidé que les griefs de M. X... à l'encontre de son employeur n'étaient pas fondés, en a exactement déduit que la prise d'acte produisait les effets d'une démission, peu important que celle-ci ait été immédiatement suivie d'une prise de ses droits à la retraite par le salarié ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 17 de l'accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 ;
Attendu que, pour rejeter la demande de M. X... tendant au paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, l'arrêt retient que la cour d'appel, comme le conseil de prud'hommes, ayant rejeté la demande du salarié tendant à imputer la rupture du contrat de travail à la faute de l'employeur, M. X... ayant décidé de prendre sa retraite, ce qui constitue une démission, il lui est désormais interdit d'exercer une activité professionnelle rémunérée et il ne peut prétendre au versement d'une indemnité de non-concurrence, dont l'objet est de réparer le préjudice résultant de la perte ou de la difficulté à retrouver un emploi pour l'avenir du fait d'un licenciement, ce qui n'est pas le cas ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'obligation au paiement de l'indemnité compensatrice de non-concurrence qui est liée à la cessation d'activité du salarié, au respect de la clause de non-concurrence et à l'absence de renonciation de l'employeur, ne peut être affectée par les circonstances de la rupture du contrat de travail et la possibilité pour le salarié de reprendre ou non une activité concurrentielle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de M. X... en paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 24 octobre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la Société Satas aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Satas à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille huit.