LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen pris en sa première branche, qui est recevable :
Vu l'article 234 du Traité instituant la Communauté européenne ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 7 décembre 2006), qu'un groupe électrogène installé en 1995 par la société Wartsila à l'hôpital neuro-cardiologique de Lyon a pris feu à la suite de l'échauffement de l'alternateur fabriqué par la société Moteurs Leroy Somer ; que la société Dalkia France, chargée de la maintenance de cette installation, et son assureur, la société Ace Europe, ont réparé les dommages matériels causés à l'hôpital par cet accident puis, subrogés dans les droits de ce dernier, ont assigné la société Moteurs Leroy Somer afin d'obtenir le remboursement des sommes versées par elles ;
Attendu que la société Moteurs Leroy Somer fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle était tenue d'une obligation de sécurité et de l'avoir condamnée à payer à la société Dalkia France la somme de 320 143,03 euros et à la société Ace Europe la somme de 229 107 euros, alors, selon le moyen, que l'obligation de sécurité qui pèse sur tout vendeur professionnel ne couvre pas les dommages causés aux objets destinés à un usage professionnel et utilisés par la victime pour son usage professionnel ; qu'en condamnant la société Leroy Somer à réparer les dommages purement matériels affectant le groupe électrogène commandé par l'hôpital neuro-cardiologique de Lyon pour les besoins de son activité professionnelle, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1603 du code civil, interprétées à la lumière de la directive du 25 juillet 1985 ;
Attendu que la directive du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (85/374/CEE) devait être transposée avant le 30 juillet 1988 mais ne l'a été que le 19 mai 1998, tandis que l'alternateur litigieux a été mis en circulation par la société Moteurs Leroy Somer en 1994 ;
Attendu qu'il incombe au juge saisi d'un litige entrant dans le domaine d'application d'une directive et trouvant son origine dans des faits postérieurs à l'expiration du délai de transposition de cette dernière, lorsqu'il applique les dispositions du droit national ou une jurisprudence interne établie, de les interpréter d'une manière telle qu'elles puissent recevoir une application conforme aux objectifs de la directive (arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes C-456/98 Centrosteel, point 17) ;
Attendu que la directive du 25 juillet 1985 poursuit, sur les points qu'elle réglemente, une harmonisation totale des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres (arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes C-52/00 Commission c/ France, point 24) et qu'en conséquence, la marge d'appréciation dont disposent les États membres pour réglementer la responsabilité du fait des produits défectueux est entièrement déterminée par la directive elle-même et doit être déduite du libellé, de l'objectif et de l'économie de celle-ci (même arrêt, point 16) ;
Attendu que la référence, à l'article 13 de la directive, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive, lequel, aux termes de son article 4, permet à la victime de demander réparation dès lors qu'elle rapporte la preuve du dommage, du défaut du produit et du lien de causalité entre ce défaut et le dommage, n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute (même arrêt, point 22) ;
Attendu que l'article 9 de la directive énonce que «le terme «dommage» désigne : (...) b) le dommage causé à une chose ou la destruction d'une chose (...) à condition que cette chose : i) soit d'un type normalement destiné à l'usage ou à la consommation privés et ii) ait été utilisée par la victime principalement pour son usage ou sa consommation privés ;
Attendu que pour statuer sur le moyen, il y a lieu en conséquence de déterminer si les articles 9 et 13 de la directive s'opposent à l'interprétation d'un droit national ou d'une jurisprudence interne établie telle qu'elle permette à la victime de demander réparation du dommage causé à une chose destinée à l'usage professionnel et utilisée pour cet usage, dès lors que cette victime rapporte seulement la preuve du dommage, du défaut du produit et du lien de causalité entre ce défaut et le dommage ;
PAR CES MOTIFS :
RENVOIE à la Cour de justice des Communautés européennes
aux fins de répondre à la question suivante :
Les articles 9 et 13 de la directive du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (85/374/CEE) s'opposent-ils à l'interprétation d'un droit national ou d'une jurisprudence interne établie telle qu'elle permette à la victime de demander réparation du dommage causé à une chose destinée à l'usage professionnel et utilisée pour cet usage, dès lors que cette victime rapporte seulement la preuve du dommage, du défaut du produit et du lien de causalité entre ce défaut et le dommage ?
Sursoit à statuer sur le pourvoi jusqu'à décision de la Cour de
justice des Communautés européennes ;
Réserve les dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille huit.