La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/06/2008 | FRANCE | N°07-87445

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 juin 2008, 07-87445


- X... Pascal,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 27 septembre 2007, qui, pour opposition à l'exercice des fonctions d'enquêteurs habilités par le ministre chargé de l'économie, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis et à 3 000 euros d'amende ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 497, 498, 500, 591 et 593 du

code de procédure pénale, ensemble le principe du double degré de juridicti...

- X... Pascal,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 27 septembre 2007, qui, pour opposition à l'exercice des fonctions d'enquêteurs habilités par le ministre chargé de l'économie, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis et à 3 000 euros d'amende ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 497, 498, 500, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble le principe du double degré de juridiction, manque de base légale et défaut de motifs ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a accueilli l'intervention en appel de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ;
" alors que l'administration économique, qui a été entendue en première instance et qui n'a pas interjeté appel d'un jugement de relaxe, ne peut intervenir en instance d'appel pour appuyer l'appel du ministère public ;
Attendu que l'arrêt attaqué, qui condamne le prévenu pour opposition à l'exercice des fonctions d'enquêteurs habilités par le ministre chargé de l'économie, mentionne, comme partie intervenante, la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ;
Attendu que, si cette administration, intéressée aux poursuites, n'a pas la qualité de partie intervenante, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors qu'il n'est pas établi que l'audition de son représentant, sans prestation de serment, ait eu pour effet de porter atteinte aux intérêts du prévenu, les juges d'appel ne s'étant pas fondés sur ses déclarations, mais sur les pièces de la procédure, pour asseoir en tout ou partie leur conviction sur la culpabilité ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 66 de la Constitution, des articles 7, 8, 6 § 1 et 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, des articles L. 450-1, L. 450-2, L. 450-3, L. 450-4 et L. 450-8 du code de commerce, de l'article L. 122-3 du code pénal, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Pascal X... coupable d'obstacle au contrôle des agents de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et, en répression, l'a condamné à 3 000 euros d'amende et trois ans d'emprisonnement avec sursis ;
" aux motifs que, le 4 mai 2005 à 10 heures, Bernard Y... et Alain Z..., commissaires de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de l'Allier, régulièrement habilités, se sont présentés à l'accueil des bureaux de l'hypermarché Edouard Leclerc, avenue Charles de Gaulle à Bellerive- sur- Allier (03) où ils ont été reçus par MM. A... et B..., directeurs du magasin qui les ont conduits auprès de Pascal X..., président-directeur général de la SAS Bellerivedis, propriétaire de l'établissement, qui leur a indiqué qu'il ne voulait pas produire les documents professionnels tirés du grand livre journal comptes 609 (rabais, remises et ristournes obtenus sur achat), 706 (prestations de services) et 708 (produits des activités annexes) aux motifs qu'il estime :- que les agents ne peuvent intervenir dans son établissement que munis d'une autorisation de justice,- que la communication des comptes donne accès aux agents à d'autres renseignements que ceux relatifs à la coopération commerciale ; que les contrats analysés dans le cadre du dossier SCA Centre (Centrale d'achat Leclerc) par le tribunal de Moulins vont être requalifiés ; que, face à cette attitude, les fonctionnaires de la DDCCRF ont dressé procès- verbal sur le fondement de l'article L. 450-8 du code de commerce ; que le contrôle programmé en mai 2005 dans l'hypermarché de Bellerive-sur-Allier s'inscrivait dans un plan de contrôle national connu de la grande distribution et avait pour objet de vérifier la régularité des contrats de coopération commerciale conclus par les hypermarchés avec certains de leurs fournisseurs ; que le conseil du prévenu soulève l'irrégularité du contrôle au motif que celui- ci, qui portait sur l'ensemble des contrats fournisseurs du distributeur de la société, ne visait aucune plainte et un fondement juridique trop étendu ; qu'en agissant ainsi, les agents de la DDCCRF auraient manqué à l'obligation de loyauté mise à leur charge ; … que l'article L. 450-3, alinéa 1, du code de commerce reconnaît aux enquêteurs le droit d'accéder à tous les locaux, terrains ou moyens de transport à usage professionnel, « celui de demander la communication des livres, factures et tous autres documents professionnels et d'en obtenir ou d'en prendre copie par tous les moyens et sur tous supports » ; que cette procédure se distingue de celle de l'article L. 450- 4 du code de commerce qui requiert une autorisation de justice mais permet aux enquêteurs de procéder à des visites domiciliaires et d'agir par la contrainte ; qu'en procédant au contrôle des documents comptables sans procéder à une visite domiciliaire mais en se faisant communiquer les seuls documents professionnels utiles à la manifestation de la vérité, les agents de la DGCCRF de l'Allier ont agi conformément aux dispositions de l'article L. 450-3, alinéa 1, du code de commerce ; que, contrairement aux affirmations du prévenu, les enquêteurs n'ont pas requis communication de l'ensemble des contrats fournisseurs- distributeurs de la société, mais simplement la communication des comptes 609, 706 et 708 du grand livre journal, ainsi que cela résulte du procès-verbal d'infraction ; que la demande était suffisamment précise même si elle ne précise pas les années visées ; que Pascal X..., informé la veille du contrôle, avait manifestement laissé pour consigne à MM. A... et B... de refuser la communication et de conduire les agents à son bureau où il a manifesté son refus en invoquant non pas l'imprécision de la demande mais l'illégalité d'un contrôle sur pièces estimant qu'une autorisation de justice était nécessaire de même que le respect du secret professionnel ; que le tribunal s'est mépris en indiquant que les agents de la DDCCRF avaient invité le prévenu à produire une partie non négligeable de sa comptabilité, alors qu'ils n'ont demandé que la production de trois comptes tirés du grand livre journal et n'ont pas exigé la production des factures fournisseurs à ce stade de la procédure ; qu'en effet, seul l'examen des comptes 609, 706 et 708 allait permettre aux enquêteurs de demander dans un second temps communication de certaines factures déterminées par sondage dans les comptes et les contrats de coopération commerciale correspondants ; que, par ailleurs, Pascal X... était prévenu de l'objet de l'enquête qui consistait à vérifier les conditions d'application des règles de facturation des marges arrières et le fondement juridique du contrôle ; qu'en effet, il savait parfaitement que ce contrôle faisait suite à ceux entrepris par les agents de la DGCCRF auprès d'autres établissements à l'enseigne Leclerc et de la centrale d'achat SCA Centre dont le siège est dans l'Allier et qui venait d'être sanctionnée par jugement du tribunal correctionnel de Moulins du 9 février 2005 pour infractions aux règles de facturation et aux contrats de coopération commerciale ; qu'en effet, Pascal X... l'a très clairement exprimé devant les agents de la DGCCRF ; que c'est donc en toute connaissance de cause et afin de faire échec aux sanctions encourues pour infractions à ces règles de facturation et à celles de la coopération commerciale que Pascal X... s'est opposé aux agents de la DGCCRF qui, en toute loyauté et conformément aux dispositions de l'article L. 450-3 du code de commerce, lui demandaient communication des documents comptables précis et nécessaires à la poursuite de leur enquête » ;
" 1°) alors que ne commet pas le délit d'opposition à fonctions prévu par l'article L. 450-8 du code de commerce la personne qui refuse de déférer à une demande de communication de documents formulée par des agents enquêteurs, en vertu des pouvoirs qu'ils tiennent de l'article L. 450-3 du code de commerce, quand l'enquête dans le cadre de laquelle cette demande est formulée apparaît d'emblée comme irrégulière ; qu'il en va tout particulièrement ainsi lorsque les agents enquêteurs n'indiquent pas à la personne visée l'objet de l'enquête, avec un degré de précision suffisant permettant d'éviter que la personne en cause ne s'accuse elle- même ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que les enquêteurs cherchaient à « vérifier la régularité des contrats de coopération commerciale conclus par les hypermarchés » ; qu'ainsi, aucune pratique précisément identifiée et juridiquement qualifiée n'était soupçonnée, les enquêteurs s'apprêtant, en réalité, à procéder à un audit juridique complet des contrats conclus par l'entreprise visée ; qu'en considérant que les enquêteurs n'auraient pas manqué au principe de la loyauté dans la charge de la preuve et, par suite, que le refus du prévenu aurait caractérisé une opposition illégitime à contrôle, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
" 2°) alors que le principe de la loyauté dans la recherche de la preuve impose également aux enquêteurs qui agissent dans le cadre de l'article L. 450-3 du code de commerce de préciser les faits ou opérations économiques sur lesquels portent leurs soupçons ; qu'ils ne peuvent accéder à des locaux et demander communication et copie de documents se rapportant à un ensemble de faits et d'opérations qui ne sont pas identifiés autrement que par la catégorie abstraite auxquels ils se rattachent, ce type de démarche relevant, là encore, de l'audit et non de l'enquête ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que les agents cherchaient à réaliser un audit de toutes les opérations de coopération commerciale mises en place par l'entreprise en cause et ses fournisseurs ; qu'il est même précisé que les enquêteurs comptaient partir des informations et documents recueillis dans le cadre du droit d'accès, de communication et de copie, pour déceler si des soupçons d'infraction pourraient naître au sujet de telle ou telle opération, opération pour laquelle il serait, ensuite, demandé des précisions ; qu'en considérant que le prévenu n'aurait pas pu légitimement refuser de déférer à la demande de communication de documents présentée dans le cadre d'un contrôle aussi manifestement illégal, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 3°) alors, en tout état de cause, que ne s'oppose pas à l'exercice des fonctions des agents habilités la personne qui refuse de leur communiquer les documents demandés en motivant son refus, fût- ce par des motifs qui, à l'analyse, apparaîtraient a posteriori comme étant juridiquement erronés ; que seule l'attitude d'obstruction brutale et injustifiée caractérise le délit prévu et réprimé à l'article L. 450- 8 du code de commerce ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que le prévenu a motivé son refus de communiquer aux enquêteurs les documents requis, de sorte que ledit prévenu n'avait pas l'intention de s'opposer indûment à l'exercice de leurs fonctions par les agents ; qu'en retenant malgré tout le demandeur dans les liens de la prévention, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
" 4°) alors que les enquêteurs, qui se voient signifier un refus lors de l'exercice du droit d'accès, de communication et de copie prévu par l'article L. 450-3 du code de commerce, disposent de la faculté, quand l'enquête a été ordonnée par l'une des autorités visées à l'article L. 450-4, alinéa 1er, du code de commerce, de demander l'autorisation judiciaire d'exercer le droit de visite et de saisie prévu par ce dernier texte ; qu'ainsi, le refus de la personne manifesté face à des enquêteurs agissant en vertu de l'article L. 450- 3 ne fait pas obstacle à l'exercice, par ces derniers, de leurs fonctions, ces fonctions pouvant alors être exercées de manière contraignante et sans l'assentiment de la personne visée, dans le cadre de l'article L. 450-4 du code de commerce ; qu'au cas présent, en considérant que le simple refus de communication formulé par une personne visitée dans le cadre de l'article L. 450-3 suffirait à caractériser le délit d'opposition à l'exercice des fonctions d'enquêteur, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
" 5°) alors que constitue une atteinte à la substance même du droit de garder le silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination le fait de condamner une personne qui refuse de communiquer des documents susceptibles de conduire à son incrimination, à une peine d'une gravité supérieure à celle qui aurait été encourue au cas où l'infraction substantielle initialement recherchée aurait été caractérisée ; qu'au cas présent, Pascal X... a refusé de communiquer des documents comptables qui étaient susceptibles de constituer la preuve de la commission, par lui, d'infractions de droit pénal économique ; que ce refus a été sanctionné par une peine d'emprisonnement, assorti du sursis, lors même que les infractions de droit pénal économique qui auraient pu être caractérisées par les documents objets du refus de communication n'exposaient pas Pascal X... à une peine d'emprisonnement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » ;
Attendu que le moyen, qui se borne à reprendre l'argumentation que, par une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiciton, la cour d'appel a écartée à bon droit, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Farge conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Chaumont conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 07-87445
Date de la décision : 10/06/2008
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 27 septembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 10 jui. 2008, pourvoi n°07-87445


Composition du Tribunal
Président : M. Farge (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Nicolaý, de Lanouvelle, Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.87445
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award