LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 26 avril 2006), que, faisant l'objet de poursuites engagées par M. X... en vertu d'un arrêt irrévocable prononcé en 1998, Mme Y... qui, en sa qualité d'épouse de M. Z..., rapatrié, avait déposé une demande d'aide au désendettement auprès de la commission compétente, a saisi un juge de l'exécution pour obtenir le bénéfice de la suspension des poursuites prévue par le dispositif législatif concernant les rapatriés réinstallés dans une profession non salariée ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa contestation et d'autoriser la mesure d'exécution, alors, selon le moyen :
1°/ que la suspension des poursuites est un effet attaché de plein droit au dépôt de la demande formée auprès de la Conair dès lors qu'elle a été introduite dans les délais légaux; que la question de la recevabilité ou du bien-fondé de la demande de désendettement adressée à la Conair ne ressortit pas à la compétence du juge civil ; qu'en estimant que Mme Y..., épouse Z..., ne pouvait valablement invoquer la saisine de la Conair par son époux commun en biens, au motif qu'aucun contrôle judiciaire n'était organisé à partir du moment où l'autorité administrative se trouvait saisie, la cour d'appel a méconnu le principe de la séparation des pouvoirs et a violé la loi des 16-24 août 1790, outre l'article 100, alinéas 1 et 2, de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 portant loi de finances pour 1998, ensemble l'article 25 de la loi de finances rectificative n° 98-1267 du 30 décembre 1998, les articles 2 et 5 du décret n° 99-469 du 4 juin 1999 et l'article 77 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 ;
2°/ que les dispositions relatives au désendettement des rapatriés doivent être écartées lorsqu'elles ont pour effet, dans le litige considéré, de porter une atteinte excessive aux droits du créancier ; qu'en estimant d'emblée que Mme Y..., épouse Z..., ne pouvait invoquer les dispositions de la loi relative aux rapatriés, dans la mesure où cette prétention porterait atteinte à l'équilibre des intérêts entre les parties, cependant que l'intéressée ne faisait qu'invoquer des dispositions légales applicables à sa situation, la cour d'appel, qui s'est déterminée par une motivation inopérante, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et au regard de l'article 100, alinéas 1 et 2, de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 portant loi de finances pour 1998, ensemble de l'article 25 de la loi de finances rectificative n° 98-1267 du 30 décembre 1998, des articles 2 et 5 du décret n° 99-469 du 4 juin 1999 et de l'article 77 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 ;
Mais attendu que si l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales permet à l'Etat de limiter le droit d'accès à un tribunal dans un but légitime, c'est à la condition que la substance même de ce droit n'en soit pas atteinte et que, si tel est le cas, les moyens employés soient proportionnés à ce but ; qu'ayant exactement retenu que les dispositions relatives au désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée, résultant des articles 100 de la loi du 30 décembre 1997, 76 de la loi du 2 juillet 1998, 25 de la loi du 30 décembre 1998, 2 du décret du 4 juin 1999 et 77 de la loi du 17 janvier 2002, organisent, sans l'intervention d'un juge, une suspension automatique des poursuites, d'une durée indéterminée, portant atteinte, dans leur substance même, aux droits des créanciers, privés de tout recours alors que le débiteur dispose de recours suspensifs devant les juridictions administratives, puis relevé que le dossier était toujours soumis à l'examen de la Conair, alors que la décision de justice, dont l'exécution était demandée avait été rendue le 20 mars 1996, il y a plus de dix ans, et qu'en raison de cette suspension provisoire, dont bénéficiait Mme Y..., M. X..., âgé de 78 ans, se trouvait privé d'obtenir l'exécution de la décision de justice, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que les normes invoquées devaient être écartées ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Z... ; la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille huit.