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22/05/2008 | FRANCE | N°06-19147

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 mai 2008, 06-19147


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Palmeraie et désert de son désistement de pourvoi en ce qu'il est dirigé envers la société Arte France développement, anciennement Sept/video ;

Attendu que le film "Faits divers", porté à l'écran le 1er juin 1983, est constitué de scènes tournées lors d'interventions de policiers d'un commissariat parisien ; que l'une d'elles avait pour sujet les époux X..., alors en instance de séparation et se disputant leur fille Nelly, trois ans ; que ceux-ci avaient obtenu,

par ordonnance de référé du 17 juin 1983, l'interdiction du spectacle tant que...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Palmeraie et désert de son désistement de pourvoi en ce qu'il est dirigé envers la société Arte France développement, anciennement Sept/video ;

Attendu que le film "Faits divers", porté à l'écran le 1er juin 1983, est constitué de scènes tournées lors d'interventions de policiers d'un commissariat parisien ; que l'une d'elles avait pour sujet les époux X..., alors en instance de séparation et se disputant leur fille Nelly, trois ans ; que ceux-ci avaient obtenu, par ordonnance de référé du 17 juin 1983, l'interdiction du spectacle tant que la séquence les concernant, attentatoire à leur vie privée et leur image, n'aurait pas été supprimée, puis, par jugement au fond du 24 mars 1984, l'allocation de dommages-intérêts ; qu'à partir de l'année 1993, la société Copyright films, titulaire des droits et devenue Palmeraie et désert, ayant transmis un "master" dépourvu des modifications nécessaires, le film, non expurgé de la scène contestée, a donné lieu à constitution de cassettes vidéo et à projections diverses ; que M. X..., Mme Y..., divorcée X..., et Mme Nelly X... ont assigné la société Palmeraie et désert en dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société Palmeraie et désert fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 6 juillet 2006) d'avoir accueilli les demandes, alors, selon le moyen, d'une part, que les circonstances, postérieures à une ordonnance de référé ayant sur le fondement des articles 9 du code civil et 809 du code de procédure civile ordonné la suppression d'une scène d'une oeuvre cinématographique, résultant notamment du temps passé et de l'impossibilité d'identifier encore les personnes que la mesure ordonnée avait pour objet de protéger, prive ladite ordonnance de l'autorité de la chose jugée, sans qu'il soit nécessaire d'en demander la rétractation ; qu'en décidant le contraire la cour d'appel a violé les articles 9 et 1351 du code civil, 488 du code de procédure civile et 10 de la CEDH ; d'autre part que la censure d'une oeuvre de l'esprit, ordonnée par le juge des référés sur le fondement de l'article 9 du code civil, ne saurait s'imposer au-delà de la nécessité de protéger l'atteinte à la vie privée ; qu'en l'absence de toute limite spatio-temporelle précisée par l'ordonnance de référé interdisant la diffusion d'un film tant que n'aura pas été totalement supprimée une séquence concernant une famille, l'exploitation par cassette vidéo contenant la séquence litigieuse dix ans après l'ordonnance et la rediffusion, vingt ans plus tard à la télévision, du film comportant la scène mais avec des arrangements ne permettant plus l'identification des personnes, n'est pas de nature à caractériser une faute ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1382 du code civil et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; enfin que la liberté d'expression ne peut être soumise à des restrictions que si les mesures ordonnées sont adaptées à la nécessité de protéger les droits d'autrui ; que dès lors la faute reprochée à la société Palmeraie et désert d'avoir, après dix et vingt ans, rediffusé le film avec la séquence dont la suppression avait été ordonnée, ne pouvait être caractérisée que si cette suppression était adéquate au but poursuivi ou si au moins son maintien l'était ; qu'en se refusant à cette recherche et en déduisant la faute de la seule «violation» de l'ordonnance du 17 juin 1983, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 9, 1382 du code civil et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu, d'abord, que des circonstances nouvelles ne rendent caduque une décision de référé qu'autant qu'elle a été modifiée et rapportée ; ensuite, que l'arrêt, à titre de fautes, retient "l'erreur", reconnue par la société Palmeraie et désert, quant au "master" remis à fins de constitution des supports DVD ayant servi aux diffusions litigieuses à partir de 1993, ainsi que l'imperfection des arrangements ultérieurement mis en oeuvre pour empêcher l'identification des intéressés ; enfin, que la cour d'appel a relevé qu'ainsi les projections intervenues avaient porté à la connaissance de leur entourage social ou professionnel des passés personnels douloureux ; d'où il suit que le moyen, non fondé en sa première branche, manque en fait dans les deux autres ;

Et sur le second moyen, pris en ses trois branches, tel qu'exposé au mémoire en demande et reproduit en annexe :

Attendu que le moyen ne tend qu'à remettre en question les constatations et appréciations souveraines par lesquels les préjudices respectifs ont été constatés et évalués ; qu'il ne peut donc être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Palmeraie et désert aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Palmeraie et désert à payer la somme de 2 500 euros à la SCP Monod et Colin, avocat de Mmes Y... et X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille huit.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 06-19147
Date de la décision : 22/05/2008
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

REFERE - Ordonnance - Modification ou rapport - Conditions - Circonstances nouvelles - Survenance - Portée

Des circonstances nouvelles ne rendent caduques une décision de référé qu'autant qu'elle a été modifiée et rapportée


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 juillet 2006

Sur l'effet des circonstances nouvelles sur l'autorité de la décision de référé, à rapprocher :3e Civ., 17 juillet 1974, pourvoi n° 73-13821, Bull. 1974, III, n° 317 (rejet)

arrêt cité ;2e Civ., 25 juin 1986, pourvoi n° 85-10637, Bull. 1986, II, n° 100 (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 22 mai. 2008, pourvoi n°06-19147, Bull. civ. 2008, I, N° 146
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2008, I, N° 146

Composition du Tribunal
Président : M. Bargue
Rapporteur ?: M. Gridel
Avocat(s) : SCP Monod et Colin, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:06.19147
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