LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 24 janvier 2006) que M. X..., salarié de la société Manzoni Bouchot fonderie, a été licencié pour faute lourde le 31 juillet 2003 pour avoir, lors d'un mouvement de grève engagé pour le paiement de la prime d'intéressement de l'année 2002, personnellement entravé le 17 juillet 2003 la liberté de travail des salariés non-grévistes ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir jugé son licenciement fondé sur une faute lourde alors, selon le moyen :
1°/ que l'occupation d'une entreprise, lorsqu'elle n'a qu'un caractère symbolique et qu'aucune entrave n'a été apportée par les grévistes à la liberté du travail, ne constitue pas une faute lourde ; d'où il résulte qu'en estimant justifié le licenciement du salarié gréviste, aux motifs qu'il ressortait des constatations particulières effectuées par M. Y..., huissier, que M. X... se tenait assis à terre entre les deux fours en compagnie d'un autre salarié et que voyant arriver un chariot de métal, il s'est levé pour lui barrer le passage et l'empêcher d'accéder aux fours, cependant qu'une telle attitude était insuffisante pour caractériser l'existence d'une faute lourde imputable au salarié gréviste, d'autant que les constatations tant de l'huissier - relevant le nombre variable entre 5 et 20 de salariés participant au piquet de grève dont l'attitude "laissait supposer" un blocage des fours - que de l'inspectrice du travail - relevant que la chaleur régnant près des fours ne permettait pas raisonnablement de penser que des grévistes ont pu se tenir longtemps à proximité immédiate - démontraient que l'occupation des lieux de travail n'avait qu'une portée symbolique, les juges du fond ont violé l'article L. 521-1 du code du travail ;
2°/ que la faute lourde ne peut être sanctionnée que si l'employeur établit la participation personnelle du salarié aux faits illicites ; d'où il suit qu'en retenant, en l'espèce, la participation personnelle de M. X... à des actes illicites, constitutifs de faute lourde, sur le fondement de l'identification du salarié gréviste effectuée par l'huissier de justice, lorsque la méthode en deux temps employée par ce dernier - ayant consisté à se voir désigner les salariés grévistes par un représentant de l'employeur puis à rapprocher les noms avec le fichier photographique de l'entreprise - était par trop imprécise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 521-1 du code du travail et 1315 du code civil ;
3°/ qu'aux termes de l'article 16 de la loi du 6 janvier 1978, dans sa rédaction applicable au litige, les entreprises privées, autres que celles qui gèrent un service public, ont l'obligation, avant de mettre en place un traitement automatique d'informations nominatives, d'en faire la déclaration auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; que selon l'article 27 de la même loi, les personnes auprès desquelles sont recueillies des informations nominatives doivent être informées du caractère obligatoire ou facultatif des réponses ; des conséquences à leur égard d'un défaut de réponse ; des personnes physiques ou morales destinataires des informations ; de l'existence d'un droit d'accès et de rectification ; de sorte qu'en retenant, en l'espèce, la participation personnelle de M. X... à des actes illicites, constitutifs de faute lourde, sur le fondement de l'identification du salarié gréviste effectuée par l'huissier de justice au moyen d'un fichier photographique du personnel de l'usine, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée par le salarié, si la société Manzoni Bouchot fonderie avait bien déclaré le fichier ayant permis l'identification du salarié à la CNIL et fourni aux salariés les informations spécifiques que l'article 27 de la loi lui impose de fournir, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 521-1 du code du travail, ensemble les textes susvisés ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant estimé dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve que les faits reprochés à M. X... étaient établis par la production du constat de Me Y..., en a exactement déduit, s'agissant de faits d'entrave à la liberté du travail, que le licenciement était fondé sur une faute lourde ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mai deux mille huit.