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16/04/2008 | FRANCE | N°06-44361

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 avril 2008, 06-44361


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 31 janvier 1992 en qualité de sténo-dactylographe par la société d'avocats Eydoux Prince, à laquelle a succédé la société Eydoux Modelski ; que, le 1er août 1993, elle est devenue secrétaire, coefficient 160 de la convention collective nationale des avocats et de leur personnel du 20 février 1979 ; que Mme X... a obtenu le diplôme de fin d'études de l'Ecole nationale de droit et de procédure pour le personnel des avocats et des avoués (EN

ADEP) le 19 juin 1993 ; qu'à compter du 1er janvier 1994, elle a été promue...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 31 janvier 1992 en qualité de sténo-dactylographe par la société d'avocats Eydoux Prince, à laquelle a succédé la société Eydoux Modelski ; que, le 1er août 1993, elle est devenue secrétaire, coefficient 160 de la convention collective nationale des avocats et de leur personnel du 20 février 1979 ; que Mme X... a obtenu le diplôme de fin d'études de l'Ecole nationale de droit et de procédure pour le personnel des avocats et des avoués (ENADEP) le 19 juin 1993 ; qu'à compter du 1er janvier 1994, elle a été promue à l'échelon de personnel technicien, coefficient 185 ; qu'ayant engagé une procédure de licenciement économique le 14 mai 1998, l'employeur a, lors de l'entretien préalable tenu le 25 mai 1998, remis à la salariée les documents de la convention de conversion ; que Mme X... a été licenciée le 3 juin 1998 pour motif économique ; que le 12 juin 1998, elle a adhéré à une convention de conversion et demandé à bénéficier de la priorité de réembauchage ; que la société Eydoux Modelski a adhéré au régime de prévoyance institué par la Caisse de retraite du personnel des avocats et des avoués près les cours d'appel (CREPA) ; que Mme X... a été classée en invalidité à compter du 1er février 2002 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale le 5 mars 2002 de demandes de nature salariale et indemnitaire ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi incident de l'employeur, qui est préalable :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que Mme X... devait être classée dans la huitième catégorie du personnel technicien en qualité de "premier clerc" (coefficient 210) à dater du 19 juin 1993 et de le condamner à lui payer des sommes à titre de rappels de salaires, de complément d'indemnité de licenciement et d'indemnité de préavis, ainsi que des congés payés afférents, alors, selon le moyen :

1°/ que par application de l'article 16 de la convention collective nationale du personnel des avocats, le personnel doit être classé conformément à l'accord passé au moment de l'embauchage ; que l'obtention d'un diplôme au cours de l'exécution du contrat, à la seule initiative du salarié, et sans rapport avec les fonctions du poste pour lequel il a été recruté ne l'autorise pas à se prévaloir de la classification correspondant au diplôme ; qu'en l'espèce, Mme X... a été engagée en qualité de secrétaire, que la société Eydoux Modelski n'a jamais donné son accord à une formation diplômante en vue d'une promotion ; qu'en se fondant sur la seule circonstance que Mme X... a obtenu le diplôme de l'ENADEP le 19 juin 1993 pour faire droit à sa demande de classification au poste de "premier clerc", la cour d'appel a violé l'article 16 précité ;

2°/ que seules les fonctions réellement exercées doivent être prises en compte pour déterminer la classification du salarié au regard de la convention collective applicable ; que le "premier clerc", défini par l'article 8 de la convention collective du personnel des cabinets d'avocats du 20 février 1979, est celui qui a des connaissances approfondies de droit et de procédure, capable sous la responsabilité de l'avocat employeur, de mener une procédure et de la poursuivre jusqu'à complète exécution et de se présenter aux audiences où elle est admise ; qu'en déclarant que Mme X... devait être classée "premier clerc" du seul fait qu'elle était titulaire du diplôme de l'ENADEP le 19 juin 1993, peu important les fonctions réellement exercées, la cour d'appel a violé l'article 8 précité ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article 8 de la convention collective des avocats et de leur personnel que les titulaires du certificat de fin d'études de l'ENADEP sont obligatoirement classés dans la 8e catégorie du personnel technicien (coefficient 210) ; que la cour d'appel, qui a constaté que l'intéressée avait obtenu ce diplôme le 19 juin 1993, a fait l'exacte application des dispositions conventionnelles ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les premier, deuxième, cinquième, sixième et septième moyens du pourvoi principal de la salariée et le premier moyen du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens, qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal de la salariée :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande au titre de la violation de la priorité de réembauchage, alors, selon le moyen, que le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauchage durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat, le délai d'un an courant à compter de la fin du préavis, que celui-ci soit exécuté ou non ; qu'en considérant que (arrêt d'appel, page 5, dernier paragraphe) "la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation d'une convention de conversion ne comporte pas de préavis, mais ouvre droit au versement de l'indemnité journalière prévue (...) que le délai d'un an prévu par l'article L. 321-14 a donc couru du 16 juin 1998 au 15 juin 1999", alors même qu'il était relevé par les juges du fond qu'était applicable au licenciement de Mme X... (arrêt d'appel, page 4, paragraphe 2) l'application d'une durée de préavis de deux mois, portée à trois mois à la suite de la modification de la classification de Mme X..., ce qui prorogeait d'autant le contrat de travail, soit postérieurement au 23 août 1999, date d'embauche de Mme Y... sur un poste pour lequel Mme X... bénéficiait d'une priorité de réembauchage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 321-14 du code du travail ;

Mais attendu qu'en vertu de l'article L. 321-6, alinéa 4, du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, la rupture du contrat de travail d'un salarié ayant adhéré à une convention de conversion prend effet à l'expiration du délai de réponse de 21 jours dont dispose le salarié, sauf si l'employeur et le salarié conviennent de poursuivre le contrat, et ne comporte pas de préavis ; que la cour d'appel, qui a constaté que Mme X... avait adhéré à une convention de conversion proposée le 25 mai 1998, a retenu à bon droit que le contrat de travail avait été rompu le 15 juin 1998 et que le délai d'un an prévu par l'article L. 321-14 du code du travail avait couru à compter de cette date ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme X... des dommages-intérêts en réparation du préjudice constitué par la perte de chance de maintien de la couverture du régime de prévoyance de la CREPA, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en relevant d'office que le contrat de prévoyance de la CREPA n'aurait pas comporté une clause fixant les modalités et les conditions tarifaires des nouveaux contrats par lesquels l'organisme assureur maintient sa couverture au profit des anciens salariés bénéficiaires d'une rente d'incapacité ou d'invalidité, moyen qui n'était pas dans le débat, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé les articles 4 et 16 du code de procédure civile et les droits de la défense ;

2°/ que le contrat de prévoyance de la CREPA (article 3, titre 1) prévoyait le maintien des garanties décès et incapacité temporaire de travail et invalidité permanente en cas de rupture du contrat de travail ; qu'en décidant que ce contrat ne comportait pas une telle clause, la cour d'appel a dénaturé le contrat de prévoyance CREPA et violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ qu'en toute hypothèse, l'employeur, souscripteur d'un contrat d'assurance groupe de prévoyance, qui n'est pas un professionnel de l'assurance, a pour seule obligation de remettre au salarié la notice dont le contenu est de la responsabilité de l'organisme assureur et n'a aucune obligation de vérifier la légalité des garanties incluses par l'assureur dans le contrat de prévoyance ; qu'en considérant que la société Eydoux Modelski avait commis une faute en ce qu'elle ne se serait pas assurée de l'existence d'une clause précisant les modalités et les conditions tarifaires des nouveaux contrats par lesquels l'organisme maintient sa couverture au profit des anciens salariés bénéficiaires d'une rente d'incapacité ou d'invalidité, clause qui aurait dû figurer impérativement dans le règlement du régime de prévoyance CREPA, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

4°/ que l'employeur satisfait à son obligation d'information prévue par l'article L. 932-6 du code de la sécurité sociale par la seule remise au salarié de la notice d'information transmise par l'organisme assureur et de ses modifications éventuelles ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que la société Eydoux Modelski avait remis à Mme X... le contrat de prévoyance CREPA ; qu'en se bornant à dire que la société Eydoux Modelski aurait manqué vis-à-vis de la salariée à l'obligation d'information prévue par l'article L. 932-6 du code de la sécurité sociale sans expliquer en quoi la société Eydoux Modelski avait failli à son obligation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 932-6 précité ;

5°/ qu'elle a en outre violé l'article 455 du code de procédure civile pour défaut de motifs ;

6°/ que par application de l'article 4 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, le maintien de la couverture de l'organisme de prévoyance suppose que les anciens salariés aient été bénéficiaires d'une rente d'incapacité ou d'invalidité au moment de la rupture de leur contrat de travail ; qu'il est constant que Mme X... ne bénéficiait pas d'une telle rente lors de son licenciement en date du 3 juin 1998 et ne pouvait donc prétendre à son maintien ; qu'en décidant cependant de l'indemniser du fait qu'elle aurait perdu une chance de bénéficier du maintien des garanties du régime CREPA, la cour d'appel a violé l'article 4 précité ;

7°/ qu'en indemnisant Mme X... du fait qu'elle aurait perdu une chance de bénéficier du maintien des garanties, tout en relevant que Mme X... était en bonne santé à la date de son licenciement et que rien ne justifiait qu'elle aurait opté pour le maintien de la sa couverture par la CREPA, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en indemnisant un préjudice inexistant et a violé l'article 1147 du code civil ;

8°/ que la bonne foi doit commander les relations contractuelles entre employeur et salarié ; que la société Eydoux Modelski avait fait valoir (conclusions p. 13) que Mme X... n'avait effectué aucune démarche relative au régime de prévoyance CREPA lors de son licenciement en 1998, qu'elle ne s'en était inquiétée qu'en 2001, que dans ces conditions la société Eydoux Modelski ne pouvait être tenue pour responsable du laxisme de son ancienne salariée ; qu'en ne répondant pas à ce moyen mettant en exergue la mauvaise foi de la salariée et de nature à exonérer la société Eydoux Modelski de toute responsabilité, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que l'article 4 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 prévoit le maintien de la couverture de l'organisme de prévoyance non seulement au profit des anciens salariés bénéficiaires d'une rente d'incapacité ou d'invalidité, mais aussi des anciens salariés privés d'emploi bénéficiant d'un revenu de remplacement ;

Attendu, ensuite, que le souscripteur d'un contrat d'assurance de groupe a le devoir de faire connaître de façon précise à l'adhérent à ce contrat les droits et obligations qui sont les siens ; que débiteur envers celui-ci d'un devoir d'information et de conseil, il est responsable des conséquences qui s'attachent à une information incomplète ayant induit l'assuré en erreur sur la nature, l'étendue ou le point de départ de ses droits ; que la cour d'appel a constaté, sans dénaturation, que la société Eydoux Modelski ne s'était pas assurée de l'existence d'une clause prévoyant les modalités et les conditions tarifaires des nouveaux contrats ou conventions par lesquels l'organisme maintient sa couverture au profit de plusieurs catégories d'anciens salariés ;

Et attendu que les première, septième et huitième branches du moyen ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le quatrième moyen du pourvoi principal de la salariée :

Vu l'article L. 122-14-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu qu'en vertu de ce texte, lorsque le licenciement pour motif économique est notifié au cours du délai de réflexion, la lettre mentionne le délai de réponse dont dispose encore le salarié pour accepter ou refuser la convention de conversion ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour défaut de mention sur la lettre de licenciement du délai de réponse relatif à la convention de conversion, l'arrêt retient que la lettre de licenciement contient la mention du délai de réponse dont disposait Mme X... pour adhérer à la convention de conversion qui lui avait été proposée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la lettre de licenciement du 3 juin 1998, notifiée au cours du délai de réflexion, mentionnait le délai de 21 jours ayant couru à compter du jour de la remise des documents, sans préciser le délai dont disposait encore la salariée pour accepter ou refuser la convention de conversion, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de sa demande en dommages-intérêts pour défaut de mention sur la lettre de licenciement du délai restant pour accepter ou refuser la convention de conversion, l'arrêt rendu le 24 mai 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne la société Eydoux Modelski aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize avril deux mille huit.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 06-44361
Date de la décision : 16/04/2008
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 24 mai 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 avr. 2008, pourvoi n°06-44361


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : SCP Tiffreau, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:06.44361
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