La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/03/2008 | FRANCE | N°08-80182

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 mars 2008, 08-80182


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

-

X... Marina,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 14 décembre 2007, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre elle à la demande du Gouvernement italien, a donné un avis favorable ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 3, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 696-4, 591 et 593 du code de procédure pénale, dÃ

©faut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a don...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

-

X... Marina,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 14 décembre 2007, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre elle à la demande du Gouvernement italien, a donné un avis favorable ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 3, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 696-4, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a donné un avis favorable à la demande d'extradition de Marina X... présentée par le gouvernement de la République d'Italie ;

"aux motifs que l'extradition de Marina X..., citoyenne italienne, est demandée par les autorités italiennes pour l'exécution d'une peine d'emprisonnement supérieure à quatre mois prononcée pour des faits commis sur le territoire de la République italienne ; que la prescription de la peine prononcée le 6 mars 1992, devenue irrévocable le 10 mai 1993 n'est pas acquise en droit italien qui prévoit l'imprescriptibilité d'une telle peine, ni en droit français où la peine se prescrit par vingt années révolues ; que les conditions prévues par la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 et par les articles 696-1 et suivants du code de procédure pénale sont remplies ;
que les faits tels qu'exposés pour lesquels l'extradition est demandée sont punis et étaient punis au moment de leur perpétration tant par la loi italienne que par la loi française ; que l'argumentation de Marina X... selon laquelle les pièces communiquées par le pays requérant ne permettraient pas à la chambre de l'instruction d'exercer son contrôle, notamment au regard de la double incrimination, l'article 12 de la Convention européenne d'extradition exigeant une traduction intégrale des décisions de justice et selon laquelle le caractère collectif de l'accusation ne permettrait pas de procéder à l'ensemble des nécessaires qualifications juridiques au regard du droit du for sont dénuées de pertinence ; qu'en droit italien les faits pour lesquels Marina X... a été condamnée étaient constitutifs d'infractions pénales ; que les pièces produites par les autorités italiennes et leur traduction, qui peut ne pas être totale si les pièces produites permettent de statuer en connaissance de cause sur la demande présentée, permettent de déterminer les qualifications qui ont été retenues par les autorités italiennes et leur place dans l'arsenal législatif italien ; qu'il sera en outre relevé que deux juridictions du fond ayant déclaré Marina X... coupable et la Cour de cassation italienne ayant rejeté son pourvoi ont estimé que les faits étaient constitutifs d'infractions en droit italien ; qu'en droit français, les faits pour lesquels Marina X... a été condamnée reçoivent les qualifications de séquestrations arbitraires, violences avec arme ayant entraîné ou non une incapacité de travail ou une infirmité permanente, vols avec arme, meurtre, tentatives de meurtre ; qu'ils étaient réprimés par l'ancien code pénal en vigueur à l'époque des faits et le sont également par l'actuel code pénal ; qu'il est vainement soutenu que les infractions pour lesquelles l'extradition est demandée auraient un caractère politique dès lors que les infractions poursuivies, consistant en des actes violents commis à l'encontre tant de représentants de l'Etat que de personnes n'occupant aucune fonction officielle, étaient prévues et réprimées par les dispositions législatives de droit commun ; que le but politique revendiqué par les personnes les ayant commises ne saurait modifier la nature des infractions en raison desquelles la condamnation a été prononcée ; que l'allégation selon laquelle l'arrestation de Marina X... en France ferait suite à des déclarations politiciennes et à une instrumentalisation honteuse des victimes n'est pas de nature à modifier le caractère d'infractions de droit commun des faits pour lesquels la condamnation a été prononcée ; que les déclarations des autorités politiques, quelles qu'elles soient, au demeurant dépourvues d'effet juridique, ne suffisent pas à transformer des crimes et délits de droit commun en infractions politiques ; qu'il est encore soutenu que Marina X... aurait été condamnée à l'issue d'un procès qui n'aurait pas été équitable et qui n'aurait pas respecté les droits de la défense ; que l'absence d'équité de la procédure résulterait de ce que le parcours judiciaire de Marina X... aurait duré vingt-cinq ans et de ce que la France aurait octroyé l'asile à Marina X... qui aurait vécu publiquement ; que l'iniquité serait également due au fait que le procès aurait été régi par des lois exceptionnelles, notamment en raison de ce que la procédure reposerait sur les déclarations de repentis ; qu'il convient de relever que la durée de vingt-cinq ans sur laquelle Marina X... se fonde pour dire qu'elle subirait une procédure inéquitable lui est en grande partie imputable ; qu'il convient à cet égard de rappeler qu'elle a choisi délibérément de quitter son pays natal pour ne pas exécuter la peine à laquelle elle avait été condamnée au terme d'une procédure assurant le double degré de juridiction et de se rendre en France où les responsables politiques avaient fait savoir qu'ils ne livreraient pas, sauf exceptions, à l'Italie les personnes condamnées dans ce pays à la suite des actions des brigades rouges ; que le temps écoulé en Italie entre son arrestation et son jugement, qu'il n'appartient pas aux juridictions françaises d'approuver ou de condamner, est lié à la complexité de l'affaire dans laquelle elle était impliquée et dans laquelle de nombreuses personnes étaient poursuivies ; qu'au nombre des garanties du procès équitable figure le droit prévu par l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, pour les personnes détenues d'être jugées dans un délai raisonnable ou d'être libérées en cours de procédure ; que de ce point de vue, Marina X... ne saurait prétendre avoir été traitée de façon inéquitable puisqu'elle avait été remise en liberté en cours de procédure et qu'elle a mis cette liberté à profit pour quitter l'Italie ; que la violation du délai raisonnable défini à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, à la supposer établie, n'est pas de nature à entraîner la nullité de la procédure d'extradition ; que l'absence de mise en oeuvre de la procédure d'extradition par la France pendant un temps plus ou moins long ne donnait pas un droit acquis à Marina X... à ne pas être extradée, en l'absence de prescription de la peine prononcée ; qu'à supposer établi que la procédure italienne ait reposé pour partie sur les déclarations de repentis, ceci ne serait pas contraire à l'ordre public français qui connaît de telles procédures ; que Marina X... fait également soutenir que l'écoulement du délai de douze ans entre la première demande d'extradition et ce jour porterait atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale prévu par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et violerait les droits de l'enfant ; qu'il sera répété que les déclarations d'hommes politiques, qui n'ont pas été concrétisées par l'octroi d'un statut juridique de réfugié politique, étaient dépourvues de tout effet juridique ; que le fait que Marina X... ait pu s'installer en France sans se cacher, en recevant un titre de séjour, ne pouvait lui donner un droit acquis et définitif à échapper à l'extradition demandée par les autorités italiennes ; que le fait qu'elle ait donné naissance en France à un enfant relève d'un choix personnel qu'elle a fait alors qu'elle savait avoir été condamnée en Italie à une peine perpétuelle et ne saurait être mis en avant pour tenter d'échapper à la demande d'extradition ; que si l'extradition a, de ce point de vue, des répercussions importantes, force est de constater que Marina X... en est à l'origine ; que Marina X... soutient encore que son extradition aurait des conséquences d'une gravité exceptionnelle pour elle, notamment en raison de son âge et de celui de sa plus jeune fille ; qu'il sera encore répété que Marina X... a fait le choix de fuir l'Italie et de donner naissance à un enfant alors qu'elle était sous le coup de la condamnation prononcée en Italie ; que c'est donc de son fait si les conséquences de l'extradition sont pour elle d'une gravité exceptionnelle et qu'il s'ensuit qu'elle ne peut utilement se prévaloir du temps qu'elle a passé libre en France pour obtenir du pays requérant qu'il renonce à faire exécuter la peine prononcée ; qu'il sera en outre relevé que l'atteinte portée au droit à la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme trouve sa justification dans la nature même de la procédure d'extradition qui est, entre autre, destinée à permettre, dans le respect des textes, de ramener à exécution une peine prononcée dans un pays étranger ; qu'il est subsidiairement soutenu que la production des textes de loi italienne est incomplète de sorte que la chambre de l'instruction ne pourrait contrôler l'application du principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère et de la rétroactivité in mitius ;
que les autorités italiennes n'ont pas expliqué ce qu'elles entendaient par imprescriptibilité de la peine laquelle serait contraire à l'ordre public français ; qu'il conviendrait de demander aux autorités italiennes des précisions quant à l'isolement diurne de six mois attaché à la peine perpétuelle prononcée et des garanties qu'elles n'appliqueront pas les dispositions de l'article 41 bis du règlement pénitentiaire italien ; que les pièces jointes à la demande d'extradition et notamment les textes de la législation italienne communiqués permettent de s'assurer que les faits reprochés étaient punis par la loi italienne à l'époque de leur perpétration ; que c'est sans en justifier en aucune manière qu'il est allégué que ces textes auraient changé et que la chambre de l'instruction ne serait pas en mesure de contrôler la non rétroactivité des peines plus sévères et la possibilité d'appliquer la rétroactivité in mitius ; que la notion d'imprescriptibilité, contrairement à ce qui est soutenu, n'est pas contraire à l'ordre public français dès lors que le droit français prévoit à l'article 213-5 du code pénal cette imprescriptibilité pour des condamnations prononcées pour des infractions certes différentes mais sans enfreindre son ordre public ; qu'enfin, il n'est pas précisé dans le mémoire déposé pour Marina X... en quoi l'isolement attaché à la peine perpétuelle devrait conduire la chambre de l'instruction à demander des informations complémentaires aux autorités italiennes ni pour quelle raison il devrait être envisagé l'application de l'article 41 bis du règlement pénitentiaire italien ; qu'il sera cependant relevé que la Cour européenne des droits de l'homme n'a condamné l'Italie dans l'affaire Gallico, invoquée dans le mémoire, que pour violation de l'article 6 mais pas pour violation des articles 3 et 8 et qu'elle a retenu qu'en l'espèce, l'application du régime de l'article 41 bis pendant douze ans n'était pas contraire aux dispositions des articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme relatifs à la prohibition de la torture et des traitements inhumains ou dégradants et au droit au respect de la vie privée et familiale ; que la chambre de l'instruction s'estimant suffisamment informée, il n'y a pas lieu d'ordonner un complément d'information ; qu'il peut être donné, en l'état des pièces communiquées à la cour, un avis favorable à la demande d'extradition de Marina X... présentée par le gouvernement de la République d'Italie ;

"1°) alors que l'extradition n'est pas accordée soit lorsque le crime ou le délit a un caractère politique soit lorsqu'il résulte des circonstances que l'extradition est demandée dans un but politique ;
qu'il s'ensuit que l'extradition est refusée soit lorsque l'infraction pour laquelle la personne est réclamée a un caractère politique, soit lorsque l'infraction pour laquelle la personne est réclamée a un caractère de droit commun mais que l'Etat requérant sollicite cette extradition dans un but politique ; que Marina X... soutenait, dans son mémoire régulièrement déposé, que l'extradition était demandée par l'Etat italien dans un but politique ; que si la chambre de l'instruction s'est prononcée sur la nature non politique des infractions commises, elle s'est abstenue de toute réponse au moyen de la requérante relatif au but politique de la demande de l'Etat italien ; que, dès lors, l'arrêt n'a pas satisfait aux conditions essentielles de son existence légale ;

"2°) alors que le délai raisonnable s'apprécie en fonction de la complexité de l'affaire, du comportement du requérant, et également du comportement des autorités compétentes ; que la chambre de l'instruction qui a constaté que, pendant un temps relativement long, aucune procédure d'extradition n'avait été mise en oeuvre ce dont se déduit la carence des autorités compétentes, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

"3°) alors que Marina X... soulevait que l'isolement diurne était contraire à l'ordre public français et à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et demandait à la chambre de l'instruction de solliciter des informations complémentaires quant au régime de peine à laquelle elle risquait d'être soumise en Italie ; qu'en rejetant cet argument aux motifs qu'il n'est pas précisé en quoi l'isolement diurne devrait conduire la chambre de l'instruction à demander des informations complémentaires aux autorités italiennes, la chambre de l'instruction a dénaturé le mémoire de la requérante et s'est abstenue de se prononcer sur la violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme" ;

Attendu que le moyen, qui se borne à reprendre l'argumentation que, par une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiction, la chambre de l'instruction a écartée à bon droit, ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt a été rendu par une chambre de l'instruction compétente et composée conformément à la loi, et que la procédure est régulière ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, Mme Koering-Joulin conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 08-80182
Date de la décision : 27/03/2008
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, 14 décembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 mar. 2008, pourvoi n°08-80182


Composition du Tribunal
Président : M. Cotte (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:08.80182
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award