LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° Y 07-40.437 à n° N 07-40.450 ;
Sur le moyen unique commun aux pourvois :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Riom, 5 décembre 2006), que Mme X... et 13 autres salariés, engagés par la société la Montagne Centre France en qualité de journalistes ou de photographes après le 1er janvier 1992, ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de sommes au titre de "la prime du dimanche", résultant d'un usage instauré depuis 1958 ;
Attendu que la société la Montagne Centre France fait grief aux arrêts de l'avoir condamnée à payer aux salariés des rappels de "primes du dimanche" sur cinq ans, alors, selon le moyen :
1°/ que la dénonciation d'un usage d'entreprise relève d'une décision unilatérale de l'employeur et n'est donc pas subordonnée à la conclusion d'un accord collectif ; qu'en l'espèce, pour dire que l'usage en vigueur au sein de la société la Montagne portant sur le paiement d'une prime dimanche n'avait pas valablement été dénoncé, la cour a relevé que le procès verbal de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 12 décembre 1991 n'établissait nullement l'existence d'un accord collectif sur ce point ; qu'elle a ainsi violé les règles régissant la dénonciation des usages ;
2°/ que la dénonciation d'un usage par l'employeur doit, pour être régulière, être précédée d'un préavis suffisant pour permettre d'éventuelles négociations, et être notifiée aux représentants du personnel et individuellement à chaque salarié concerné ; qu'ainsi, en l'espèce, en se bornant à relever que le procès verbal de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 12 décembre 1991 faisait référence à la suppression de la prime dimanche, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée par les conclusions de la société la Montagne, s'il ne résultait pas de ce document qu'au plus tard lors de cette réunion, celle-ci avait purement et simplement informé les membres du comité d'entreprise de la dénonciation de l'usage, la cour a privé sa décision de base légale au regard des règles régissant la dénonciation des usages ;
3°/ que la dénaturation par le juge du sens d'un écrit clair et précis entraîne nécessairement la censure de sa décision ; qu'en l'espèce, pour dire que l'usage en vigueur au sein de la société la Montagne portant sur le paiement d'une prime dimanche n'avait pas valablement été dénoncé, la cour s'est notamment fondée sur le procès verbal de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 12 décembre 1991 ; que cette pièce énonçait notamment :« La solution passe maintenant par des décisions d'ordre structurel », « Le Président : (…) il convient de prendre un certain nombre de décisions pour redresser la situation », « Monsieur Y... : (…) Vous dites, c'est une décision, c'est comme cela et pas autrement » ; qu'il en résultait qu'au plus tard, lors de cette réunion du 12 décembre 1991, la société La Montagne avait purement et simplement informé les membres du comité d'entreprise de la dénonciation de l'usage ; qu'ainsi, à supposer même qu'en relevant que ce procès verbal faisait référence à la suppression de la prime dimanche, la cour ait implicitement constaté qu'il n'en résultait pas que l'employeur avait informé les représentants du personnel au sens exigé par les règles de dénonciation des usages, la cour a dénaturé cette pièce essentielle et ainsi violé l'article 1134 du code civil ;
4°/ que pour dire que l'usage en vigueur au sein de la société la Montagne portant sur le paiement d'une prime dimanche n'avait pas valablement été dénoncé, la cour s'est également fondée sur le protocole d'accord du 21 octobre 1991 et son avenant du 18 mars 1992 ; que ces pièces avaient été invoquées par la société la Montagne comme preuve du contexte général de restructuration de l'entreprise et des modifications des conditions de rémunération des salariés embauchés à partir du 1er janvier 1992 ; qu'elles énonçaient notamment : « Les six embauches prévues pour 1992 se feront (…) aux conditions salariales en vigueur dans l'entreprise à la date du 21 octobre 1991 » ; qu'ainsi, en relevant que ces documents ne faisaient aucunement mention de la prime litigieuse, sans constater qu'ils établissaient de manière certaine que les représentants du personnel avaient été régulièrement informés de la modification des conditions de rémunération dans l'entreprise, et donc nécessairement de la dénonciation de l'usage relatif au paiement d'une prime dimanche, la cour a dénaturé ces pièces par omission, et a ainsi de nouveau violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que la dénonciation par l'employeur d'un usage doit, pour être régulière, être précédée d'un préavis suffisant pour permettre les négociations et être notifiée aux représentants du personnel et à tous les salariés individuellement s'il s'agit d'une disposition qui leur profite ; qu'un usage non régulièrement dénoncé demeure en vigueur et qu'il en résulte que les salariés peuvent réclamer l'avantage résultant de cet usage jusqu'à la dénonciation régulière de celui-ci ou la conclusion d'un accord d'entreprise ayant le même objet que cet usage ;
Et attendu qu'analysant sans les dénaturer l'ensemble des documents qui lui étaient soumis, la cour d'appel a retenu que, s'il avait été envisagé parmi les mesures de redressement lors de l'élaboration d'un plan social à la fin de l'année 1991 de supprimer l'avantage afférent à la prime du dimanche, l'employeur n'établissait pas avoir régulièrement dénoncé l'usage ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société la Montagne Centre France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société la Montagne Centre France à payer aux salariés la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille huit.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre