LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé en qualité de chauffeur ambulancier par la société Ambulances des Volcans en 1996 ;qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappel de salaires relatifs à des astreintes et heures supplémentaires effectuées, des indemnités de repas, des indemnités de dépassement d'amplitude journalière ainsi que d'une demande de dommages-intérêts pour non-respect des repos hebdomadaires et journaliers ;
Sur les premiers et cinquième moyens :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le deuxième moyen pris en sa première branche :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré bien fondée la demande du salarié relative au décompte des heures supplémentaires par semaine civile et de l'avoir condamnée à lui payer une somme à ce titre, alors, selon le moyen, que les heures d'astreinte à domicile doivent être décomptées et indemnisées de manière forfaitaire indépendamment des heures de travail effectif, de même que les heures de permanence effectuées par le salarié dans les locaux de l'entreprise peuvent être soumises à un horaire d'équivalence lorsque celui-ci a été régulièrement institué ; en décidant dès lors que les heures de garde devaient être prises en compte intégralement pour déterminer si M. X... dépassait la durée maximale de 48 heures par semaine et en déduisant que ce dépassement interdisait à la société Ambulances des Volcans de calculer la durée hebdomadaire du travail sur deux semaines consécutives, la cour d'appel a violé les articles L. 212-2, L. 212-4 du code du travail, ensemble l'article 22 bis paragraphe 7 de l'annexe I de la convention collective des transports routiers ;
Mais attendu qu'il ne peut être tenu compte d'un système d'équivalence, au sens de l'article L. 212-4 5e alinéa, du code du travail, pour vérifier, en matière de temps de travail effectif, le respect des seuils et plafonds communautaires fixés par la directive n° 93/104/CE du Conseil, telle qu'interprétée par la Cour de justice des communautés européennes (1er décembre 2005, aff C-14/04, Abdelkader Y...), dont celui de la durée hebdomadaire maximale de 48 heures ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a exactement distingué les périodes d'astreinte réalisées à domicile des permanences effectuées dans les locaux de l'entreprise, a estimé à bon droit, faisant application de la directive n° 93/104/CE au litige, que les heures de permanence effectuées par le salarié dans les locaux de l'entreprise devaient être prises en compte intégralement pour apprécier le respect de la durée hebdomadaire maximale de 48 heures ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer au salarié une somme à titre d'indemnités de repas, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article 8 du protocole du 30 avril 1974, intitulé «déplacement comportant normalement un seul repas hors du lieu de travail», stipule que «dans le cas où, à la suite d'un dépassement de l'horaire régulier, la fin de service se situe après 21 h 30, le personnel intéressé reçoit pour son repas du soir une indemnité de repas» ; que l'indemnité de repas en question étant prévue dans l'hypothèse d'un déplacement, viole le texte susvisé et les articles L. 131-1 et suivants du code du travail, l'arrêt attaqué qui retient que le salarié y avait systématiquement droit pendant ses permanences au bureau ou à son domicile, en dehors de tout déplacement ;
2°/ que nul ne peut se constituer un titre à soi-même ; que viole l'article 1315 du code civil, l'arrêt attaqué qui condamne la société Ambulances des Volcans à payer à M. X... la somme de 1 144,58 à titre d'indemnités de repas, sur le seul fondement «des décomptes effectués par le salarié» et «des relevés des heures de travail» de l'intéressé sans préciser la situation concrète dans laquelle se serait trouvé le salarié et sans expliquer en quoi cette situation aurait justifié pour lui le versement d'une indemnité spécifique de repas ;
Mais attendu qu'il ne ressort ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que l'employeur ait soutenu en cause d'appel que le salarié ne remplissait pas la condition relative au déplacement pour bénéficier de l'indemnité ; que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit, et donc irrecevable ;
Et sur le quatrième moyen :
Attendu que la société fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer au salarié une somme à titre de dépassements de l'amplitude journalière maximale, alors, selon le moyen :
1°/ que ne met pas la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, la cour d'appel qui alloue une indemnité globale au titre de prétendus dépassements d'amplitude journalière sans indiquer quels auraient été les jours pendant lesquels, pendant la période considérée, M. X... dépassait l'amplitude journalière de douze heures, cependant que l'existence même d'un dépassement était contestée par la société Ambulances des Volcans qui produisait tous justificatifs en ce sens ; qu'en statuant dès lors comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 6 du décret du 26 janvier 1983 applicable en la cause ;
2°/ que ne met pas la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle la cour d'appel qui omet de vérifier si le décompte établi par le salarié en ce qui concerne les prétendus dépassements d'amplitude journalière n'était pas faussé par le fait que les astreintes étaient comptabilisées par ce dernier comme du temps de travail effectif, sans application d'un forfait ou d'un horaire d'équivalence, ce qui lui permettait de conclure à l'existence de dépassements d'amplitude journalière qui, en réalité, étaient fictifs ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 du décret du 26 janvier 1983 applicable en la cause, ensemble les articles L. 212-2, L. 212-4 du code du travail, ensemble l'article 22 bis, paragraphe 7, de l'annexe I de la convention collective des transports routiers ;
3°/ que, selon l'article 455 du code de procédure civile, le jugement doit être motivé et que les juges du fond ne peuvent justifier leurs décisions par de simples affirmations ; que viole ce texte l'arrêt attaqué qui condamne la société Ambulances des Volcans à payer à M. X... la somme de 3 260,33 à titre d'indemnité de dépassement d'amplitude journalière, sur la seule considération que «les heures de travail effectuées au cours des années 1999 à 2002 font apparaître des dépassements d'amplitude journalière justifiant la somme réclamée, soit 3 206,33 », ce qui ne représente qu'une simple affirmation ; qu'il en va d'autant plus ainsi qu'en l'espèce, les décomptes de M. X... étaient contestés par la société Ambulances des Volcans qui soumettait au juge ses propres décomptes desquels il ressortait que ce dernier avait été intégralement rempli de ses droits ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a, sans encourir les griefs du moyen, établi la réalité des dépassements de l'amplitude journalière et octroyé en conséquence les indemnités prévues par l'article 6 du décret du 26 janvier 1983 ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :
Sur la recevabilité des deux branches du moyen contestée par le mémoire en défense :
Attendu que, selon l'arrêt la société a fait valoir que les conditions prévues par l'article 4 du décret du 26 janvier 1983 concernant le respect de la durée hebdomadaire de 48 heures et celui des trois jours de repos par quatorzaine, n'avaient pas été respectées pour neuf quatorzaines seulement sur l'ensemble de la période litigieuse, donnant dès lors lieu à décompte des heures supplémentaires par semaine civile ; qu'ainsi, le deuxième moyen pris en ses deuxième et troisième branches est recevable ;
Et sur le moyen :
Vu l'article 4 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 relatif à la durée du travail dans les transports routiers ;
Attendu que, selon cet article la durée hebdomadaire de travail peut être calculée sur deux semaines consécutives à condition que cette période comprenne au moins trois jours de repos et que soit respectée pour chacune des semaines la durée maximale pouvant être accomplie au cours d'une même semaine telle que définie à l'article L. 212-7 du code du travail ; qu'il en résulte que le dépassement de la durée hebdomadaire maximale de 48 heures sur une semaine ou le non respect des trois jours de repos par quatorzaine interdisent un décompte par période de deux semaines de la durée du travail pour les deux semaines considérées ;
Attendu que pour accepter la demande du salarié de décompter les heures supplémentaires par semaine civile sur l'ensemble de la période litigieuse, l'arrêt retient qu'à de nombreuses reprises entre 1999 et 2002, le salarié a dépassé la durée maximale de 48 heures de travail par semaine et qu'il n'a pas bénéficié de trois jours de repos par quatorzaine et que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a estimé que l'employeur n'était pas en droit de calculer la durée hebdomadaire du travail sur deux semaines consécutives ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'il lui appartenait de faire le décompte des heures supplémentaires par quatorzaine pour chacune des périodes de deux semaines pendant lesquelles la durée hebdomadaire maximale de 48 heures et l'octroi des trois des jours de repos avaient été respectés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a décidé de décompter les heures supplémentaires par semaine civile sur l'ensemble de la période litigieuse, l'arrêt rendu le 12 septembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille huit.