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19/03/2008 | FRANCE | N°07-84522

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 mars 2008, 07-84522


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

-de Z... de X... Philippe,
-LA SOCIÉTÉ EGEE NORMANDIE, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 12 avril 2007, qui a condamné le premier, pour abus de biens sociaux, banqueroute et détournement de gage, à trente mois d'emprisonnement, dont vingt-quatre mois avec sursis,45 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, cinq ans d'interdiction de gérer, et a prononcé

sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexit...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

-de Z... de X... Philippe,
-LA SOCIÉTÉ EGEE NORMANDIE, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 12 avril 2007, qui a condamné le premier, pour abus de biens sociaux, banqueroute et détournement de gage, à trente mois d'emprisonnement, dont vingt-quatre mois avec sursis,45 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, cinq ans d'interdiction de gérer, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par Me Y... pour Philippe de Z... de X..., pris de la violation des articles L. 241-3, L. 241-9 du code de commerce,591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Philippe de Z... de X... coupable d'abus de biens sociaux au préjudice de la société Egee Normandie en procurant de la trésorerie à la société Delta Sam par mise en place d'un stratagème ;

" aux motifs que, par un protocole signé le 6 juillet 1992 à une date où Philippe de Z... de X... gérait la société Egee Coignières, a été prévue la cession par la Sagem des machines et des équipements de l'atelier tôlerie ; que le matériel avait été cédé par la Sagem à une société Delta Sam dont M. A... était le dirigeant et laquelle avait convenu avec la société Egee Normandie d'une location du matériel pour cinq ans ; que la société Egee Normandie s'était acquittée en 1993 et en 1994 entre les mains de la Société Delta Sam, du montant du loyer correspondant à ce matériel, soit une somme totale de 3. 120. 000 francs ; que ce montage avait permis à la société Delta Sam de s'enrichir ; que les modalités du protocole d'accord avaient pour but de procurer à la société Egee Normandie les fonds suffisants pour investir dans du matériel ; que la société Quintus disposait dans la société Egee d'un compte courant créditeur au 31 décembre 1992 d'une somme de 2. 200. 000 francs ; que l'acquisition par la société Delta Sam de l'atelier de tôlerie de la Sagem et sa location à la société Egee n'a été qu'un stratagème visant à procurer de la trésorerie à la société Delta Sam au détriment de la société Egee en raison des liens financiers avec M. A... ;

" alors que l'abus de biens sociaux suppose que le gérant ait fait, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société un usage qu'il savait contraire à son intérêt pour favoriser une autre société dans laquelle il est directement ou indirectement intéressé ; que faute d'avoir caractérisé l'intérêt direct ou indirect qu'aurait pu avoir Philippe de Z... de X... à favoriser, de mauvaise foi, la société Delta Sam dont il ne détenait aucune part sociale, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par Me Y... pour Philippe de Z... de X..., pris de la violation des articles L. 241-3, L 241-9 du code de commerce,591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Philippe de Z... de X... coupable d'abus de biens sociaux en permettant à la société Quintus d'opérer sur son compte courant dans la société Egee Normandie des décaissements à hauteur de la somme de 1 899 000 francs ;

" aux motifs que la cession de matériel par la société Egee Coignières à Egee Normandie se traduisait par le transfert d'une créance de 2 965 000 francs de la société Egee Coignières sur le compte courant détenu par la société Quintus dans la société Egee Normandie, déjà créditeur au 31 décembre 1992 d'une somme de 2 200 000 Francs trouvant sa justification dans une avance effectuée par Egee Normandie ; que les deux sommes allaient permettre à la société Quintus de souscrire, en octobre 1993, à l'augmentation de capital de Egee Normandie et de bénéficier d'importants décaissements ; qu'il était établi que le transfert de la créance de 2 965 000 francs sur le compte courant de la société Quintus au sein de Egee Normandie serait injustifié à hauteur de 2 148 000 francs ; que, selon les déclarations du prévenu, ce matériel n'avait jamais été utilisé par Egee Normandie ; que le prévenu avait fait bénéficier la société Quintus d'avantages injustifiés ;

" alors, d'une part, que la cour d'appel, qui a constaté (p. 15 § 1) que la poinçonneuse Strippitt, achetée pour 680 000 francs, avait été cédée à une société Ravel pour 2 990 000 francs et que la plieuse et la planeuse avaient été mises à disposition d'une société Equip Industrie, ce qui montrait la volonté de la société Egee Normandie de tirer profit du matériel, ne pouvait, sans se contredire, énoncer qu'il n'avait jamais été utilisé par la société Egee Normandie ;

" alors, d'autre part, que la mauvaise foi suppose que soit spécialement établie la conscience du dirigeant du caractère contraire à l'intérêt de la société de l'acte qui lui est imputé ; qu'en ayant énoncé que Philippe de Z... de X... ne pouvait « ignorer cette situation » et avait accepté un transfert indu d'une créance de 2 965 000 francs sur le compte courant de la société Quintus au sein de la société Egee Normandie, la cour d'appel a procédé par voie de simple affirmation sur l'élément intentionnel de l'infraction ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé par Me Y... pour Philippe de Z... de X..., pris de la violation des articles L. 241-3, L. 241-9 du code de commerce,591 et 593 du code de procédure pénale,

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Philippe de Z... de X... coupable d'abus de biens sociaux en procédant sur le compte bancaire de la société Egee Normandie à des prélèvements à hauteur de 914 000 francs, injustifiés et excessifs,

" aux motifs qu'une somme totale de 1 084 000 francs en provenance de la société Egee Normandie avait été portée au crédit personnel du prévenu ; que, sur cette somme,170 000 francs représentaient les salaires et remboursement de frais perçus par lui ; que la somme de 914 000 francs n'était pas justifiée par les pièces du dossier ; qu'il n'était pas démontré par le prévenu que la société Egee, bénéficiaire de la somme de 220 000 francs, soit Egee Normandie et qu'aucune circonstance ne pouvait expliquer que des sommes provenant de la société Egee Normandie transitent par son compte personnel ; qu'en l'absence de preuves susceptibles de justifier les remises de fonds en provenance de la société Egee Normandie sur le compte personnel de Philippe de Z... de X..., il était établi que la somme de 914 000 francs représentait des prélèvements injustifiés ;

" alors qu'il appartient à la partie poursuivante de rapporter la preuve des éléments constitutifs de l'abus de biens sociaux ; qu'en énonçant qu'il incombait au prévenu de justifier les remises de fonds sur son compte personnel, la cour d'appel a méconnu la présomption d'innocence et renversé la charge de la preuve ;

Sur le quatrième moyen de cassation proposé par Me Y... pour Philippe de Z... de X..., pris de la violation des articles L. 626-1, L. 626-2, L. 626-3 du code de commerce,591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Philippe de Z... de X... coupable de banqueroute par détournement ou dissimulation de l'actif en faisant procéder sur le site de production à l'enlèvement de divers matériels d'une valeur de 422 100 francs,

" aux motifs que divers éléments démontraient que Philippe de Z... de X... avait organisé en décembre 1995 le déménagement de matériels et outillages ainsi que de commandes en cours, constituant partie des actifs de la société Egee Normandie et représentant une valeur minimum de 422. 100 francs à destination d'une autre société dans laquelle il avait des intérêts ;

" alors que la banqueroute par dissimulation d'actif suppose le détournement ou la dissipation d'éléments d'actif d'une société en redressement judiciaire au moment du détournement ; que la cour d'appel qui a constaté que Philippe de Z... de X... avait organisé le déménagement du matériel de la société Egee Normandie en décembre 1995 et que cette société n'avait été mise en redressement judiciaire que le 19 janvier 1996, n'a pas légalement justifié sa décision ;

Sur le cinquième moyen de cassation proposé par Me Y... pour Philippe de Z... de X..., pris de la violation des articles 314-5 du code pénal,388,591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt a déclaré Philippe de Z... de X... coupable de détournement de gage ;

" aux motifs que la poinçonneuse de marque Pega nantie au profit du C. E. P. M. E. avait été vendue à la société Unopak le 31 décembre 1994 ; que la cour, requalifiant les faits, déclarait le prévenu coupable de détournement de gage ; que la présence de la machine sur la liste des matériels vendus aux enchères le 23 juillet 1996 par le liquidateur était seulement due au fait que la société Unopak avait renoncé à ce matériel nanti au profit du C. E. P. M. E. ;

" alors que le détournement de gage suppose la destruction, l'abandon ou la dissipation volontaire de l'objet gagé ; que la cour d'appel, qui a constaté que le matériel prétendument détourné figurait sur la liste des objets vendus aux enchères le 23 juillet 1996 par le liquidateur de la société Egee Normandie, ne pouvait retenir ce délit à l'encontre de Philippe de Z... de X... ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits d'abus de biens sociaux, de banqueroute par détournement d'actif et de détournement de gage dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que les moyens, le quatrième manquant en fait, la date de cessation des payements ayant été fixée au 1er janvier 1995, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé par la société civile professionnelle Delaporte, Briard et Trichet, pour la société Egee Normandie, agissant pas son liquidateur judiciaire, pris de la violation des articles 2,3,591,593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt a limité la réparation du préjudice subi par la société Egee Normandie à la somme de 1 200 000 euros ;

" aux motifs qu'« il n'est pas contestable que la société Egee Normandie a subi un préjudice matériel important en relation directe avec les infractions dont est déclaré coupable Philippe de Z... de X... et la constitution de partie civile de Me B..., ès-qualités, est donc recevable ; (…) ; que, néanmoins, Me B... n'est pas fondé à solliciter en réparation de ce préjudice la différence, que constitue la somme de 2 488 257,60 euros, entre le passif proposé à l'admission et l'actif recouvré ; que l'action civile, dont bénéficie aux termes de l'article 2 du code de procédure pénale la société Egee Normandie qui a souffert d'un dommage directement causé par ces infractions, est en effet distincte de l'action en comblement de passif, la gérance, de droit ou de fait, d'une société n'étant pas nécessairement la seule cause du passif déclaré et Me B..., ès-qualités, ne peut donc prétendre qu'à la réparation du préjudice résultant directement des infractions dont est déclaré coupable Philippe de Z... de X... ; que, se référant aux évaluations effectuées comme caractérisant l'élément matériel des infractions dont le prévenu est déclaré coupable et représentant au total un montant détourné de l'ordre de 5 235 000 francs, soit 798 000 euros, la cour, tenant aussi compte des conséquences financières et des manques importants à gagner que ces détournements de fonds ont nécessairement engendré dans l'activité de la société Egee Normandie, fixe la réparation du préjudice matériel et financier subi par cette société du fait des agissements du prévenu à la somme de 1 200 000 euros, au paiement de laquelle Philippe de Z... de X... est condamné » (arrêt, p. 23, ult. al. à p. 24, al. 2) ;

" alors que, si le fondement et l'objet de l'action civile sont distincts de ceux de l'action en comblement de passif, les dommages et intérêts alloués par le juge répressif en réparation des délits commis par le dirigeant d'une société en liquidation peuvent s'élever au montant de l'insuffisance d'actif lorsque ces infractions sont, à elles seules, à l'origine de l'insuffisance d'actif constatée ; qu'en refusant de fixer le préjudice subi par la société Egee Normandie au montant de son insuffisance d'actif, sans rechercher si les infractions commises n'étaient pas, à elles seules, à l'origine de l'insuffisance d'actif constatée et sans constater l'existence de fautes de gestion distinctes des infractions commises, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

" alors, en tout état de cause, que le dommage résultant d'une infraction doit être intégralement réparé, sans perte ni profit pour chacune des parties ; qu'en se bornant à énoncer, pour fixer le préjudice subi par la société Egee Normandie à la somme de 1 200 000 euros, qu'outre le montant des sommes détournées par le prévenu à hauteur de 798 000 euros, il y avait lieu de tenir compte des conséquences financières et des manques à gagner importants engendrés dans l'activité de la société Egee Normandie par les infractions constatées, sans examiner concrètement l'étendue des préjudices subis par la société Egee Normandie et sans préciser d'où il ressortait que ces conséquences financières et manques à gagner ne s'élevaient qu'à la somme de 402 000 euros, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;

Attendu qu'en prononçant par les motifs repris au moyen, la cour d'appel, qui a apprécié souverainement, dans les limites des conclusions dont elle était saisie, l'indemnité propre à réparer le préjudice résultant directement pour la partie civile des infractions dont elle a déclaré le prévenu coupable, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 2 500 euros la somme que Philippe de Z... de X... devra payer à Me B..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Egee-Normandie, au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 07-84522
Date de la décision : 19/03/2008
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 12 avril 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 mar. 2008, pourvoi n°07-84522


Composition du Tribunal
Président : M. Cotte (président)
Avocat(s) : Me Blanc, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.84522
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