LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles L. 122-32-5, R. 241-51 et L. 122-14-3 du code du travail ;
Attendu que, selon les deux premiers de ces textes, si le salarié n'est pas reclassé dans l'entreprise à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de la seconde visite médicale de reprise du travail ou, s'il n'est pas licencié, l'employeur est tenu de lui verser, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension de son contrat de travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée du 19 novembre 1990, en qualité de chauffeur de poids lourds par l'Union des coopératives agricoles des aliments de Picardie (UCALPI) ; qu'il a été victime d'un accident du travail le 24 octobre 1994, au terme duquel il a été reclassé au poste de mécanicien puis de nouveau autorisé par le médecin du travail à conduire un camion ; qu'ayant été victime le 19 juillet 2001 d'un nouvel accident de travail, le salarié a, le 5 septembre 2001, passé une visite médicale qualifiée de visite de reprise par le médecin du travail qui l'a déclaré inapte au poste de chauffeur poids lourds ; que le 12 septembre 2001, ce médecin a adressé à l'employeur un courrier l'informant de cette première visite et de cette inaptitude et du fait qu'il convenait d'envisager pour lui un reclassement ; que cet avis a été confirmé par le médecin du travail ; que M. X..., invoquant le non-respect par son employeur des dispositions de l'article L. 122-32-5 du code du travail et prenant acte de la rupture de son contrat de travail à l'initiative de celui-ci, a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que pour débouter M. X... de l'intégralité de ses demandes tant en paiement des salaires qu'en paiement des indemnités résultant de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, la cour d'appel, après avoir constaté que le salarié avait contesté dès le 27 septembre 2001 la décision d'inaptitude définitive au poste de chauffeur auprès du service départemental de l'inspection du travail, que le médecin du travail avait indiqué sur l'avis relatif à la première visite du 5 septembre 2001 qu'il s'agissait d'une visite de reprise et l'avait déclaré inapte au poste de chauffeur poids lourds, que le 12 septembre 2001, le médecin du travail avait adressé à l'employeur un courrier l'informant que le salarié avait passé une première visite de reprise et qu'il avait été déclaré inapte, qu'il entendait contester cette décision, qu'il devait être revu dans quinze jours et qu'il convenait d'envisager pour lui un reclassement dans l'entreprise, a retenu que l'employeur contestait avoir reçu l'avis du médecin du travail du 5 septembre 2001 et le courrier du 12 septembre 2001, que la lettre ayant été envoyée par courrier simple, il n'était pas démontré que l'employeur l'avait reçue, que ce dernier reconnaissait avoir été destinataire de l'avis de la seconde visite de reprise qui comportait la mention "deuxième visite à quinze jours" et indiquait "Inapte au poste de chauffeur poids lourd. Il serait souhaitable de le reclasser à un poste ne comprenant pas de travail en hauteur", que la simple mention "Reprise - deuxième visite à quinze jours" était ambiguë dans la mesure où elle semblait aussi bien suggérer qu'il s'agissait de la deuxième visite de reprise ou qu'une deuxième visite devait être effectuée quinze jours après, qu'il n'avait en conséquence pas été valablement porté à la connaissance de l'employeur l'existence des deux visites de reprise et qu'en outre l'employeur avait pu être d'autant plus induit en erreur que l'avis d'inaptitude n'était pas définitif puisqu'il était toujours contesté devant la juridiction administrative et qu'il avait payé, ainsi que cela ressort de l'attestation de la MSA, l'intégralité de son salaire à M. X... du 20 juillet 2001 au 17 octobre 2001 les prestations en espèces de l'assurance accident du travail lui étant adressées, que du 18 octobre 2001 au 1er septembre 2002 les prestations avaient été directement versées au salarié par la MSA, et que lorsque les deux visites qualifiées par le médecin du travail de visite de " reprise " étaient intervenues, le contrat de travail de M. X... était toujours suspendu et qu'il ne pouvait donc s'agir que de visites de pré-reprise et qu'en conséquence, le délai d'un mois imparti à l'employeur à compter de la seconde visite de reprise pour procéder soit au reclassement du salarié soit à son licenciement n'avait pas couru ;
Qu'en statuant comme elle a fait, par des motifs inopérants tirés de l'ignorance dans laquelle se trouvait l'employeur du premier avis médical d'inaptitude et du recours administratif en cours alors qu'elle avait constaté que le médecin du travail avait lui-même qualifié l'avis du 5 septembre 2001 de visite de reprise et que le second avis du 26 septembre 2001 confirmait l'inaptitude du salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les quatre dernières branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a mis hors de cause la Mutualité sociale agricole, l'arrêt rendu le 28 juin 2006, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur cet autre point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne l'Union des coopératives agricoles des aliments de Picardie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Union des coopératives agricoles des aliments de Picardie à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille huit.