La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2008 | FRANCE | N°06-44126

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 mars 2008, 06-44126


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 23 mai 2006), que Mme X... a été engagée le 8 novembre 1999, en qualité de chauffeur livreur-employée de reprographie, par la société Alsace Info services (AIS) ; que par courriers des 28 janvier et 6 mars 2002, l'employeur a fait savoir à la salariée qu'à la suite d'une restructuration de la société, le poste de chauffeur-livreur qu'elle avait jusque là occupé, était supprimé et qu'elle serait désormais affectée à ses fonctions d

'employée de reprographie, conformément à son contrat de travail ; que par lettre...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 23 mai 2006), que Mme X... a été engagée le 8 novembre 1999, en qualité de chauffeur livreur-employée de reprographie, par la société Alsace Info services (AIS) ; que par courriers des 28 janvier et 6 mars 2002, l'employeur a fait savoir à la salariée qu'à la suite d'une restructuration de la société, le poste de chauffeur-livreur qu'elle avait jusque là occupé, était supprimé et qu'elle serait désormais affectée à ses fonctions d'employée de reprographie, conformément à son contrat de travail ; que par lettre du 8 mars 2002, Mme X... a accepté sa nouvelle affectation ; qu'elle a pris acte de la rupture du contrat de travail du fait de l'employeur, par lettre recommandée du 19 janvier 2005 ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la rupture du contrat de travail de Mme X... lui était imputable et de l'avoir condamné à lui verser diverses indemnités de rupture, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en vertu de son pouvoir de direction, l'employeur a la faculté de modifier unilatéralement les conditions de travail du salarié, notamment en changeant son affectation, la circonstance que la nouvelle tâche soit différente de celle que l'intéressé exécutait antérieurement ne caractérisant pas une modification du contrat de travail dès l'instant où elle correspond à sa qualification ; qu'en l'espèce, ayant constaté que Mme X... avait été embauchée par la société Alsace Info services "en qualité de chauffeur-livreur - employé de reprographie", ce dont il résultait que les tâches d'employée de reprographie correspondaient, au même titre que celles de chauffeur-livreur, à la qualification en laquelle la salariée avait été engagée, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations, qualifier de modification du contrat de travail la décision de la société Alsace Info services d'affecter Mme X... aux fonctions d'employée de reprographie à la suite de la suppression de celles de chauffeur-livreur que l'intéressée occupait précédemment ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 121-1 du code du travail ;

2°/ que, Mme X... ayant été embauchée en qualité à la fois de chauffeur-livreur et d'employée de reprographie et la société Alsace Info services étant en conséquence en droit, dans l'exercice de son pouvoir de direction, de l'affecter aux seule tâches d'employée de reprographie après l'avoir employée aux seules tâches de chauffeur-livreur, la circonstance que ce changement d'affectation ait résulté de la suppression du poste de chauffeur-livreur était indifférente ; qu'en conséquence, la procédure de licenciement engagée lorsque la salariée avait dans un premier temps refusé son changement d'affectation n'était pas motivée par son refus de la modification d'un élément substantiel de son contrat de travail, mais par son refus d'exercer des fonctions prévues par son contrat de travail, ainsi qu'il était d'ailleurs précisé dans la lettre de convocation à un entretien préalable ; que, dès lors, en se fondant sur le postulat erroné selon lequel le changement d'affectation avait constitué une modification du contrat de travail et sur la circonstance inopérante que cette modification avait résulté de la suppression du poste de chauffeur-livreur, pour en déduire que l'employeur s'était placé sur le terrain de l'article L. 321-1, alinéa 1, du code du travail, et qu'il s'était donc agi d'une modification d'un élément essentiel du contrat de travail, la cour d'appel, qui a ainsi raisonné par tautologie, a privé sa décision de base légale au regard tant du texte susvisé que de l'article L. 121-1 du même code et de l'article 1134 du code civil ;

3°/ que le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, laquelle ne peut résulter que de l'existence d'actes positifs en ce sens que les juges du fond doivent relever ; qu'en l'espèce, en déduisant l'acceptation par la société Alsace Info services de la condition à laquelle Mme X... aurait subordonné sa propre acceptation de son changement d'affectation, de la seule circonstance que ladite société ne s'y était pas opposée, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

4°/ qu'au surplus, lorsque l'employeur, en vertu de son pouvoir de direction, change l'affectation d'un salarié en lui confiant des tâches correspondant comme les précédentes à sa qualification, ce salarié n'a pas d'autre choix qu'accepter ou refuser ce changement d'affectation, en sachant que son refus est de nature à constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, voire une faute grave, sans pouvoir soumettre son acceptation à des conditions posées par lui ; qu'en l'espèce, Mme X... ayant été embauchée en qualité à la fois de chauffeur-livreur et d'employée de reprographie, la société Alsace Info services était en droit, dans l'exercice de son pouvoir de direction, de l'affecter aux seules tâches d'employée de reprographie après l'avoir employée aux seules tâches de chauffeur-livreur, les unes et les autres correspondant pareillement à sa qualification ; que, dès lors, en déduisant un manquement de la société Alsace Info services à ses obligations contractuelles de ce que celle-ci n'avait pas confié à cette salariée les fonctions de chauffeur-livreur lors de leur rétablissement, comme celle-ci l'avait demandé lorsqu'elle avait accepté son changement d'affectation, la cour d'appel, qui s'est ainsi déterminée par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 121-1 du même code ;

5°/ que, en définitive, Mme X... n'étant fondée à reprocher à la société Alsace Info services ni d'avoir modifié un élément substantiel de son contrat de travail en lui confiant les fonctions d'employée de reprographie au lieu de celles de chauffeur-livreur qu'elle exerçait jusque là, dès lors que son contrat de travail précisait qu'elle avait été embauchée pour exercer les unes et les autres et que le changement d'affectation motivé par la suppression des fonctions de chauffeur-livreur n'avait résulté que de la mise en oeuvre par l'employeur de son pouvoir de direction, ni par conséquent de ne pas l'avoir réaffectée aux fonctions de chauffeur-livreur quand celles-ci avaient été ultérieurement rétablies, peu important à cet égard que l'intéressée eût fait savoir, quand elle avait accepté son changement d'affectation, qu'elle entendait se voir à nouveau confier les fonctions de chauffeur-livreur si celles-ci venaient à être rétablies, la prise d'acte de la rupture par la salariée ne pouvait produire que les effets d'une démission ; qu'en jugeant au contraire que la prise d'acte avait produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 122-4, L. 122-13 et L. 122-14-3 du code du travail ;

Mais attendu qu'abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième et troisième branches du moyen, la cour d'appel qui, appréciant la qualification de la salariée au regard des fonctions réellement exercées par elle et non en considération des seules mentions figurant sur le contrat de travail, a constaté que, sous le couvert d'une prétendue restructuration de la société jamais justifiée, la réaffectation de la salariée aux seules fonctions d'employée de reprographie alors qu'elle exerçait depuis plus de deux ans celles de chauffeur-livreur, caractérisait une modification du contrat de travail, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société AIS aux dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, la condamne à payer à la SCP Monod et Colin la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille huit.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 06-44126
Date de la décision : 19/03/2008
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 23 mai 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 mar. 2008, pourvoi n°06-44126


Composition du Tribunal
Président : Mme Quenson (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Monod et Colin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:06.44126
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award