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20/02/2008 | FRANCE | N°07-87871

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 février 2008, 07-87871


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

-

X... André,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 26 septembre 2007, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de détournement de fonds publics, recel de faux et prise illégale d'intérêts, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 février 2008 où étaient présents : M. Cotte président, M. Rognon

conseiller rapporteur, M. Dulin, Mmes Thin, Desgrange, Ract-Madoux, M. Bayet, Mme Canivet-B...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

-

X... André,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 26 septembre 2007, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de détournement de fonds publics, recel de faux et prise illégale d'intérêts, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 février 2008 où étaient présents : M. Cotte président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Dulin, Mmes Thin, Desgrange, Ract-Madoux, M. Bayet, Mme Canivet-Beuzit, M. Finidori conseillers de la chambre, Mmes Slove, Degorce, Labrousse conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Mouton ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

Sur le rapport de M. le conseiller Y..., les observations de Me SPINOSI, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 11 décembre 2007, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 1er juillet 2003, Bertrand Z..., comptable salarié de la société Liseclaire, dont le gérant est Jean A..., s'est présenté au service départemental de police judiciaire pour y dénoncer les opérations comptables irrégulières qu'aurait commises son employeur dans la gestion des nombreuses sociétés qu'il contrôlait ; qu'il révélait, notamment, que des fonds publics avaient été détournés sous le couvert du Syndicat mixte de l'Île Saint Germain (SMISG), constitué entre le conseil général des Hauts-de- Seine et la ville d'Issy les Moulineaux, dont André X... était respectivement le vice-président et le maire ; qu'ainsi, le SMISG, auquel la société Liseclaire avait sous-loué partie des bâtiments occupés par Jean A..., avait supporté des loyers et charges surévalués du montant de prestations fictives facturées par la société Art et concept, également dirigée par Jean A..., qui, sur l'insistance d'André X..., avait procuré un emploi fictif à François B... ; qu'une information a été ouverte le 26 août 2003, contre personne non dénommée, des chefs de faux, usage, abus de confiance et escroquerie ; que des réquisitions supplétives ultérieures ont été suivies de la mise en examen de plusieurs personnes, dont Jean A..., notamment des chefs d'abus de biens sociaux, détournement de fonds publics, faux, usage, escroquerie, et recel ; qu'à la suite d'un réquisitoire supplétif du 26 avril 2006, André X... a été mis en examen des chefs de détournement de fonds publics, recel de faux et prise illégale d'intérêts ; que, le 30 novembre 2006, il a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en annulation d'actes de la procédure ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 242-6 3° du code de commerce, 314-1, 432- 12, 441-1 du code pénal, 80-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la chambre de l'instruction a rejeté sa demande en nullité tirée du dépassement de sa saisine initiale ;

"aux motifs que, "dans ses dénonciations à l'origine de la procédure, Bertrand Z... indiquait que des abus de biens sociaux étaient commis au sein de la société Art et Concept, notamment par la prise en charge par cette société d'emplois qui pouvaient ne pas être effectifs ; qu'il émettait des doutes quant à la réalité d'un emploi à temps plein de François B... dont il signalait la proximité avec André X..., maire d'lssy les Moulineaux et vice-président du Conseil général ; que l'information ouverte du chef d'abus de biens sociaux et qui englobait ce fait a révélé les conditions dans lesquelles François B... avait été engagé par Art et Concept et mis à jour des éléments pouvant recevoir la qualification de prise illégale d'intérêts ; que si le juge d'instruction n'a été saisi des faits qualifiés prise illégale d'intérêts que par réquisitoire supplétif du 26 avril 2006, il n'en était pas moins saisi, sous la qualification d'abus de biens sociaux, dès l'ouverture de l'information de la question de savoir si l'emploi de François B... au sein d'Art et Concept était réel ou fictif ; qu'il pouvait dans ce cadre, rechercher si une personne et notamment André X... avait pu par dons, menaces, promesses, ordres, abus d'autorité ou de pouvoir, inciter Jean A... à commettre ces faits ;
qu'en effet, le juge d'instruction saisi de faits d'abus de biens sociaux relatifs à l'irrégularité des opérations passées avec un tiers, se trouve saisi de l'ensemble des conséquences financières de cette opération de même qu'il est en droit de déterminer l'utilisation des sommes provenant d'abus de biens sociaux et de rechercher le mobile de ces abus de biens sociaux ; que s'il découvre, ce faisant, que les faits ne constituent pas un abus de biens sociaux, l'emploi étant effectif, mais peuvent caractériser une prise illégale d'intérêts, aucune nullité n'est encourue ; qu'ainsi les investigations du juge d'instruction n'ont pas été réalisées à propos de faits dont il n'était pas saisi ; qu'il s'ensuit que la requête sera rejetée de ce chef" ;

"alors qu'il est non contesté qu'avant le réquisitoire supplétif du 27 novembre 2006, saisi uniquement des chefs de faux, usage, abus de bien sociaux et escroquerie qui auraient été commis par Jean A... au préjudice des sociétés dont il est le gérant, le juge d'instruction n'était pas saisi des faits de prise illégale d'intérêts prétendument commis par André X... sur lesquels il ne pouvait dès lors pas instruire ; qu'en rejetant cependant la requête en nullité présentée de ce chef, sans démontrer l'existence d'un lien d'indivisibilité entre ces faits nouveaux et ceux objet de la saisine aux motifs injustifiés tirés d'une lecture erronée de la décision du 1er décembre 1998 (Bull. crim. n° 323 puis 20 décembre 2000, Bull. crim. n° 275) que cette infraction serait la conséquence financière de l'abus de bien social reproché, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée de l'article 80-1 du code de procédure pénale" ;

Attendu que, pour écarter l'exception de nullité de pièces de la procédure, tirée de ce que les faits de prise illégale d'intérêts n'étaient pas inclus dans la saisine initiale du juge d'instruction, l'arrêt retient, notamment, que la dénonciation de Bernard Z..., à l'origine de la procédure, visait des abus de biens sociaux commis au préjudice de la société Art et concept, en particulier la prise en charge par celle-ci de l'emploi de François B... dans des conditions permettant de suspecter une prise illégale d'intérêts ; que les juges en déduisent que la qualification d'abus de biens sociaux initialement retenue permettait de rechercher le caractère réel ou fictif de cet emploi et les circonstances dans lesquelles il avait été procuré, éventuellement par dons, menaces, promesses, ordres ou abus de pouvoir ou d'autorité ; qu'ils ajoutent que, saisi de faits d'abus de biens sociaux, le juge d'instruction l'est de l'ensemble des conséquences financières de l'opération, de l'utilisation des fonds et des mobiles qui l'ont inspirée ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dépourvues d'insuffisance comme de contradiction, la chambre de l'instruction, qui analyse souverainement les pièces ayant déterminé la saisine du magistrat instructeur, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 241-2-1 du code des juridictions financières, préliminaire, 31, 49, 82, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la chambre de l'instruction a rejeté sa demande en nullité tirée de la saisine de la chambre régionale de la cour des comptes par le parquet ;

"aux motifs que, "l'article L. 241-2-1 du code des juridictions financières autorise le procureur de la République à transmettre au commissaire du gouvernement d'une chambre régionale des comptes, d'office ou à la demande de ce dernier, la copie de toute pièce d'une procédure judiciaire relative à des faits de nature à constituer des irrégularités dans les comptes ou dans la gestion des collectivités ou organismes relevant de la compétence de cette chambre ; que ces dispositions législatives ne sont aucunement contraires aux autres dispositions législatives que sont les articles préliminaire, 80, 82 du code de procédure pénale ;qu'elles ne sont pas plus contraires au droit à un procès équitable ; que dès lors que l'avis du commissaire du gouvernement de la chambre régionale des comptes pourra être soumis à la libre discussion des parties, il n'y a pas lieu de considérer que la demande et la délivrance d'un tel avis pourrait méconnaître les droits conventionnellement garantis ; que, contrairement à ce qui est soutenu, l'avis du commissaire du gouvernement quant à la régularité au regard de la réglementation des marchés publics des opérations passées entre les collectivités publiques et les sociétés animées par Jean A..., ne se situe pas en dehors de la saisine du juge d'instruction mais, au contraire, entre parfaitement dans son office dès lors qu'il lui appartient de déterminer si les membres du SMISG et du Conseil général ont agi de façon habituelle et régulière en procédant au contrôle des factures adressées au syndicat par les sociétés animées par Jean A... ; qu'enfin lorsque le juge d'instruction a besoin d'être éclairé sur une question technique il n'a nulle obligation de recourir à une expertise mais peut entendre un spécialiste ou, comme en l'espèce, se faire communiquer un avis que des dispositions législatives autorisent une autre autorité publique à formuler ;considérant qu'enfin les conditions de forme et délai dont la méconnaissance est alléguée ne sont pas précisées ; qu'il y a lieu de noter que les dispositions de forme de l'article L. 241-2-1 et de délai de l'article L. 231-3 du code des juridictions financières ont en l'espèce été respectées ; que la requête sera rejetée également de ce chef" ;

"alors que, d'une part, délimitées par le code de procédure pénale, les attributions du procureur de la République ne l'autorisent pas à saisir pour avis la chambre régionale des comptes sur des faits objet d'une instruction dont il n'a, en tout état de cause, pas la charge ; qu'en décidant le contraire, la chambre de l'instruction a violé l'article 82 du code de procédure pénale ;

"alors que, d'autre part, seul le juge d'instruction peut désigner un expert pour examiner des questions d'ordre technique, notamment financières, le principe de séparation des autorités de poursuite et d'instruction interdisant formellement et en toute hypothèse à la partie poursuivante d'effectuer des actes d'information; qu'en jugeant que la saisine pour avis de la chambre régionale des comptes par le procureur de la République était régulière, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée du principe ci-dessus rappelé et, partant, l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de la procédure que, par ordonnance du 18 octobre 2005, le juge d'instruction a demandé au procureur de la République de solliciter une demande d'avis de la chambre régionale des comptes sur la conformité à la réglementation des marchés publics des conventions conclues par le SMISG avec Jean A..., les sociétés contrôlées par ce dernier, et de la facturation en résultant ; que l'avis du commissaire du gouvernement près cette juridiction financière, communiqué le 14 février 2006, a été versé au dossier de la procédure d'information ;

Attendu que, pour dire régulière cette procédure, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui établissent que le procureur de la République n'a pas excédé ses pouvoirs et qu'aucune atteinte n'a été portée aux droits du demandeur, et dès lors que l'avis contesté ne constitue pas une expertise au sens de l'article 156 du code de procédure pénale, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelles invoquées ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 157, 160, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la chambre de l'instruction a rejeté sa demande en nullité de l'expertise ;

"aux motifs que , "il résulte de l'examen des pièces de la procédure que Joël C..., expert comptable, qui ne semble pas être inscrit sur une liste dressée par une cour d'appel ou sur celle de la Cour de cassation, a prêté serment le 30 mars 2004 comme l'établit le document coté D 261 ; que, selon les dispositions de l'article 160 du code de procédure pénale, lorsqu'un expert non inscrit sur une liste est désigné, il doit, soit prêter serment devant le juge d'instruction, le procès-verbal étant signé par le magistrat, l'expert et le greffier, soit, en cas d'empêchement dont les motifs doivent être précisés, le faire par écrit, la lettre de serment étant annexée au dossier de la procédure ; qu'en l'espèce, il ne peut être considéré que l'une ou l'autre des formalités prévues par l'article 160 du code de procédure pénale ont été totalement remplies ; que le document écrit où il est indiqué que l'expert prête serment ne porte pas trace de la signature du juge et du greffier et qu'il n'est pas précisé les causes qui auraient empêché l'expert de prêter serment devant le juge d'instruction et lui auraient permis de le faire par écrit ; cependant que ni l'absence de signature du juge et du greffier ni le défaut d'explications des raisons ayant empêché l'expert de prêter serment devant le juge ne sont de nature à causer un grief à la personne mise en examen alors qu'il est établi que la formalité fondamentale de la prestation de serment et l'engagement de l'expert de procéder à sa mission en son honneur et en sa conscience ont été satisfaits ; qu'il y a donc lieu d'écarter ce moyen de nullité et de rejeter la requête en annulation" ;

"alors que, d'une part, le procès-verbal de prestation de serment d'un expert hors liste prévu à l'article 160 du code de procédure pénale doit être daté et signé par l'expert, le greffier et le juge d'instruction, ces prescriptions substantielles ayant pour objet de garantir la réalité du serment et la valeur de l'expertise ; que le document mentionnant le serment de Joël C..., expert non inscrit, en date du 30 mars 2004 (D 261), n'est signé ni du juge ni du greffier ; qu'en refusant cependant de constater la nullité de l'expertise et de tirer de cette constatation les conséquences légales qu'elle comportait, la chambre de l'instruction a violé l'article 160 du code de procédure pénale ;

"alors que, d'autre part, la mention des motifs de l'empêchement de l'expert de prêter serment devant le juge d'instruction est une formalité d'ordre public dont l'inobservation entraîne la nullité de la prestation de serment par écrit ; que le document écrit mentionnant le serment de Joël C... ne contient aucun motif d'empêchement ; qu'en refusant cependant de constater la nullité de l'expertise et de tirer de cette constatation les conséquences légales qu'elle comportait, la chambre de l'instruction a de plus fort violé l'article 160 du code de procédure pénale" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt que, par ordonnance du 19 mars 2004, le juge d'instruction a désigné, pour analyser la comptabilité des sociétés dirigées par Jean A..., Joël C..., expert-comptable non inscrit sur l'une des listes prévues par l'article 157 du code de procédure pénale, dont le serment a été reçu par écrit, la lettre de serment étant annexée au dossier de la procédure ;

Attendu qu'en écartant, par les motifs repris au moyen, la demande d'annulation du rapport d'expertise présentée par André X..., qui relevait que la lettre contenant le serment ne comportait ni la signature du juge d'instruction et du greffier ni les motifs de l'empêchement justifiant la réception de ce serment par écrit, la chambre de l'instruction, qui a souverainement constaté que l'irrégularité invoquée ne mettait en cause ni la réalité du serment prêté ni sa spécificité et ne portait pas atteinte aux intérêts de la partie concernée, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt février deux mille huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 07-87871
Date de la décision : 20/02/2008
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, 26 septembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 fév. 2008, pourvoi n°07-87871


Composition du Tribunal
Président : M. Cotte (président)
Avocat(s) : Me Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.87871
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