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06/02/2008 | FRANCE | N°07-83871

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 février 2008, 07-83871


-LA SOCIÉTÉ ARCALIA,
contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de VERSAILLES, en date du 30 avril 2007, qui a autorisé l'administration des impôts à effectuer des opérations de visite et saisie de documents en vue de rechercher la preuve d'une fraude fiscale ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1,8 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 16-B, L. 13 B, L. 47 du Livre des procédures fiscales,591 et 593 du code de

procédure pénale ;
" en ce que les ordonnances attaquées ont autoris...

-LA SOCIÉTÉ ARCALIA,
contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de VERSAILLES, en date du 30 avril 2007, qui a autorisé l'administration des impôts à effectuer des opérations de visite et saisie de documents en vue de rechercher la preuve d'une fraude fiscale ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1,8 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 16-B, L. 13 B, L. 47 du Livre des procédures fiscales,591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que les ordonnances attaquées ont autorisé des inspecteurs principaux à procéder ou à faire procéder dans les locaux et dépendances sis..., susceptibles d'être occupés par la SAS Arcalia, demanderesse, et / ou la SARL ING Environnement Energie – sigle ING 2 E et / ou Philippe K... et / ou Guy X... et / ou Claude Y..., dans les locaux et dépendances sis..., susceptibles d'être occupés par Jean-Jacques F... et / ou Sylvie Z..., épouse F..., et / ou Maxime F... et / ou Jean-Claude F... et / ou Thierry A... et / ou la SCI société civile les 4 Tours, dans les locaux et dépendances sis... susceptibles d'être occupés par la société Arcalia à des opérations de visite et de saisie de tous les documents nécessaires à la recherche de la preuve des agissements présumés et a désigné pour assister aux opérations de visite et de saisie des officiers de police judiciaire ;
" aux motifs que les pièces présentées à l'appui de la requête ont une origine apparemment licite et qu'elles peuvent être utilisées pour la motivation de la présente ordonnance ; que Guy B... et la société Groupe européen de construction immobilière et de promotion (GECIP) Ltd, présumés se soustraire et s'être soustraits à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés (IS), de l'impôt sur le revenu (BNC) et de la TVA, en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, ont fait l'objet d'une procédure de visite et de saisie prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, par ordonnance délivrés le 26 avril 2006, par le juge des libertés et de la détention au tribunal de grande instance de Nanterre ; que cette ordonnance autorisait la visite des locaux sis... / ou..., susceptibles d'être occupés par la société GECIP Ltd, et / ou Media Ware Ventures Ltd et / ou First Perspective Group Ltd et / ou Guy B... et / ou Mme C... et / ou Alain D..., qui ont fait l'objet, le 27 avril 2006 d'une visite au cours de laquelle des documents et supports d'information ont été saisis ; que les documents et supports d'information saisis au cours de la visite n'ont pu être restitués, Guy B... ne s'étant pas présenté aux convocations de l'administration fiscale et ne s'étant par ailleurs nullement manifesté ; que Bernard E..., inspecteur des impôts en poste à la direction nationale d'enquêtes fiscales, en résidence à la brigade d'intervention interrégionale de Paris Ouest a, dans un courrier du 30 juin 2006, informé le juge des libertés et de la détention près du tribunal de grande instance de Nanterre, signataire de l'ordonnance, pour l'informer des démarches effectuées par l'administration fiscale afin de restituer les documents ; que les copies de certains documents saisis en exécution de l'ordonnance précitée, se rapportent à la fraude présumée dont la preuve était recherchée, en ce qu'ils concernent le client dénommé F... – entreprise Arcalia ; que dès lors ces pièces, régulièrement détenues par l'administration fiscale, peuvent être utilisées pour la motivation de la présente ordonnance ; que la SAS Arcalia, représentée par son président, Jean-Jacques F..., né le 20 décembre 1955 à Paris, et demeurant...,78510, Triel-sur-Seine, a son siège... et pour objet social toutes opérations se rapportant au secteur du bâtiment et des travaux publics avec fabrication et montage par sous-traitance ; que la SAS Arcalia dispose d'un établissement sis... ; que les déclarations souscrites par la SAS Arcalia au titre de l'impôt sur les sociétés font apparaître des produits d'exploitation et bénéfices fiscaux respectifs de 1 698 663 euros et 86 483 euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2004 et de 1 925 943 euros et 91 183 euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2005 et de 2 164 403 euros pour la période janvier à décembre 2006 ; que la SAS Arcalia fait actuellement l'objet d'une procédure de vérification de comptabilité de l'ensemble de ses déclarations fiscales, ou opérations susceptibles d'être examinées, portant sur les exercices clos en 2003,2004 et 2005, diligentée par M. G..., inspecteur des impôts en poste à la direction du contrôle fiscal Ile de France Ouest et en résidence à la 27ème brigade de vérifications,... cedex ; que parmi les documents saisis le 27 avril 2006, figure une fiche dite de renseignements personnels, ouverte au nom de Jean-Jacques F... et accompagnée des photocopies de ses passeport et permis de conduire ; que le document saisi côté 024966 fait apparaître que le numéro confidentiel JJO 201255 correspond à la SARL Arcalia dont le responsable est Jean-Jacques F... ; que parmi les documents saisis figure un document intitulé Lettre de mission en date du 12 novembre 2001, paraphée et signée par Guy B... et une personne dont le code confidentiel est JJ201255 ; qu'ont été aussi saisis un document intitulé Résumé d'entretien du 16 janvier 2004 et un document dit Commande de deux structures, en date du 07 avril 2004 ; qu'il ressort de ces trois documents que Jean-Jacques F... a donné pour mission à Guy B... de constituer deux structures juridiques sises à l'étranger afin de lui permettre d'y délocaliser tant son patrimoine personnel que les profits réalisés en France par la société Arcalia ; qu'il ressort du document Commande de deux structures ainsi que d'échanges de courriers électroniques entre Jean-Jacques F... et Guy B... que ces deux structures juridiques ont été créées au cours de l'année 2004 et sont dénommées Sanitary et Laboratory Methodologies Ltd (SLM Ltd) et Financial Trust Investment SA (FTI SA) ; qu'il ressort de courriers adressés à Sylvie F... et à FTI, des statuts de SLM Ltd ainsi que des informations d'ordre public obtenues par l'attaché fiscal près l'ambassade de France au Royaume Uni, que cette société enregistrée le 30 avril 2004 a son siège à Londres et est détenue par FTI SA sise aux Seychelles, Jean-Jacques F... et Sylvie F... ; qu'il ressort des statuts de FTI SA et des certificats d'actions au porteur que cette société, enregistrée le 20 avril 2004 a son siège aux Seychelles et est détenue par Jean-Jacques F... ; qu'il ressort des documents saisis, que des comptes bancaires ont été ouverts aux noms de Jean-Jacques F..., SLM Ltd et FTI Financial SA auprès de la Natwest Bank à Londres (Royaume-Uni) pour les deux premiers et de la Lateko Banka JSC à Riga (Lettonie) pour le dernier ; que l'ensemble de ces éléments permet de présumer que Jean-Jacques F... est le dirigeant de fait et le bénéficiaire économique de SLM Ltd et FTI SA et que la constitution de ces deux sociétés, ainsi que l'ouverture de ces trois comptes bancaires ont été réalisés pour tout ou partie dans le but de délocaliser à l'étranger les profits réalisés en France par la SAS Arcalia ; que parmi les documents saisis, figure un contrat de sous-traitance signé les 5 janvier 2003 et 10 février 2003 entre la SARL Arcalia, représentée par Jean-Jacques F... et la société de droit britannique Pull Project Partners Ltd,... W 1 R 8QD ; que ce contrat porte sur l'exécution de prestation de diagnostic technique de bâtiment dans le cadre de missions d'expertise de polluants de bâtiment que réalise Arcalia ; que la prestation se limite à la partie visite et prélèvements des missions de diagnostic, le rapport, les cartographies et la facturation restant à la charge d'Arcalia ; qu'ainsi, Arcalia sous traite une partie des travaux qu'elle réalisait elle-même antérieurement à la signature du contrat, ce qui a pour conséquence de lui générer de nouvelles charges venant diminuer ses résultats imposables ; qu'une demande d'assistance administrative prévue à l'article 27 de la Convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968 a été transmis le 19 juillet 2006 aux autorités fiscales britanniques ; que selon les renseignements transmis, Pull Project Partners Ltd, dirigée par la société Abyssal Corporation, société enregistrée aux Bahamas, et Pacific Ventures Ltd, société enregistrée à Niue, est connue du service britannique « HM Revenue et Customs » et a son siège à Londres ; que l'adresse du siège social de Pull Project Partners Ltd correspond à une adresse de domiciliation ; que les derniers états financiers souscrits par cette société correspondent à ceux de l'année 2000 ; que la société a déclaré ne pas avoir commercé au cours de l'année 2000 et être sans activité pour les années suivantes ; qu'ainsi cette société est présumée ne pas disposer au Royaume Uni des moyens matériels et humains lui permettant d'exercer une activité dans le domaine de l'expertise des polluants du bâtiment ; dès lors qu'il peut être présumé que la société Pull Project Partners n'a pas pu matériellement réaliser les prestations prévues dans le contrat signé le 05 janvier 2003 et 10 février 2003 ; que parmi les documents saisis, figure le dossier de facturation de Jean-Jacques F..., précisant les dates, numéros et montants facturés à la société Arcalia pour la période du 30 octobre 2001 au 7 septembre 2005 ainsi que les modalités de règlement et de reversement au client ; que parmi les documents saisis figurent également des factures de prestations en matière d'expertises établies par Pull Project Partners Ltd à destination de la société Arcalia au cours des années 2003,2004 et 2005 ; que toujours parmi les documents saisis, figurent des courriers établis par Guy L...-Pull Project Partners Ltd à l'attention de JJO / 201255, code qui correspond à la société Arcalia dont le responsable est Jean-Jacques F..., et concernant les modalités d'encaissement de ces factures ainsi que les éventuelles modalités de reversement ; que les documents saisis correspondent à des virements ordonnés par Arcalia en règlement de factures de sous-traitance émise par Pull Project Partners sur le compte bancaire de cette dernière ; que d'autres documents saisis correspondent à des virements du compte bancaire détenu par SLM Ltd à la Natwest Bank à Londres vers le compte bancaire détenu par FTI SA à la Lateko Banka JSC à Riga ; que d'autres documents saisies correspondent à des virements du compte Pull Project Partners en faveur de Jean-Jacques F... sur son compte bancaire ouvert à la Natwest à Londres ; qu'ainsi sont corroborées les présomptions selon lesquelles Jean-Jacques F... et / ou les sociétés SLM ltd et FTI SA ont encaissé sur des comptes à l'étranger ouverts à leurs noms, une partie du montant des factures émises par Pull Project Partners ; que l'ensemble de ces éléments laisse présumer que les prestations de service facturées par la société Pull Project Partners Ltd à la société Arcalia sont fictives et ont pour seul objectif de délocaliser à l'étranger tout ou partie des bénéfices réalisés par cette dernière ; qu'ainsi la SAS Arcalia est présumée minorer ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés et à la TVA et ainsi ne pas satisfaire à la passation régulière de ses écritures comptables ; que Jean-Jacques F... est le président de la société Arcalia et qu'en raison des fonctions qu'il occupe dans la SAS Arcalia est susceptible de détenir à son domicile des documents ou supports d'informations relatifs à la fraude présumée ; que Maxime F... né le 2 décembre 1986 est titulaire de comptes bancaires à l'adresse du...,78624, Triel-sur-Seine ; que cette adresse correspond à celle du domicile des époux F... ; qu'ainsi Maxime F... est susceptible de détenir des documents ou supports d'informations relatifs à la fraude présumée ; que Jean-Claude F..., né le 20 décembre 1955 est titulaire d'un compte bancaire à l'adresse du...,78624, Triel-sur-Seine ; que cette adresse correspond à celle du domicile des époux F... ; qu'ainsi Jean-Claude F... est susceptible de détenir des documents ou supports d'informations relatifs à la fraude présumée ; que Thierry A..., né le 25 mars 1965 est titulaire d'un compte bancaire à l'adresse du...,78624, Triel-sur-Seine ; que cette adresse correspond à celle du domicile des époux F... ; qu'ainsi Thierry A... est susceptible de détenir des documents ou supports d'informations relatifs à la fraude présumée ; que la SCI société civile les 4 Tours, représentée par son gérant, Jean-Jacques F..., est immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Versailles depuis le 16 avril 1999 et a son siège social sis...,78624, Triel-sur-Seine ; que cette adresse correspond à celle du domicile des époux F... ; qu'ainsi la SCI société civile les 4 Tours est susceptible de détenir des documents ou supports d'informations relatifs à la fraude présumée ; que la SARL ING 2 E, représentée par Philippe K... est immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris depuis le 17 octobre 2000 et a son siège... ; que cette société est titulaire d'un compte bancaire à l'adresse du... ; que cette adresse correspond à celle du siège social de la SAS Arcalia ; qu'ainsi cette société est susceptible de détenir des documents ou supports d'informations relatifs à la fraude présumée ; que M. J... est immatriculé en tant qu'associé – gérant de société, à l'adresse du... ; que cette adresse correspond à celle du siège social de la SAS Arcalia ; qu'ainsi Philippe K... est susceptible de détenir des documents ou supports d'informations relatifs à la fraude présumée ; que Guy X... est immatriculé en tant que profession libérale à l'adresse du... ; que cette adresse correspond à celle du siège social de la SAS Arcalia ; qu'ainsi Guy X... est susceptible de détenir des documents ou supports d'informations relatifs à la fraude présumée ; que Claude Y... est immatriculé en tant que profession libérale à l'adresse du... ; que cette adresse correspond à celle du siège social de la SAS Arcalia ; qu'ainsi Claude Y... est susceptible de détenir des documents ou supports d'informations relatifs à la fraude présumée ;
" alors que, d'une part, en application des dispositions combinées des articles 6,8 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial et que toute personne qui se prétend victime d'une violation des droits et libertés reconnus dans la Convention, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ; que le recours en cassation, voie de recours extraordinaire prévue par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales à l'encontre d'une ordonnance d'autorisation de visites et saisies domiciliaires rendue sur requête et suivant une procédure non contradictoire, n'offre pas à la personne visée par ces visites, un recours effectif au sens de l'article 13 précité, dès lors que le juge de cassation ne contrôle pas l'existence des présomptions et des faits retenus par le premier juge ni le détournement de procédure éventuellement commis par l'administration ; que son contrôle est, en conséquence, trop limité pour assurer le respect des libertés individuelles telle l'inviolabilité du domicile, si bien qu'il n'est pas satisfait aux exigences des articles 6,8 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que les ordonnances attaquées sont elles-mêmes violées ;
" alors que, d'autre part, le juge qui autorise des visites domiciliaires à la requête de l'administration fiscale, doit vérifier de manière concrète, par l'appréciation des éléments d'information, que cette administration est tenue de lui fournir, que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; que le contrôle effectif du juge et sa vérification personnelle, exigés par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, sont destinés à assurer la protection des droits de l'homme au sens des articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; que si les motifs et le dispositif de l'ordonnance rendue sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales sont réputés être établis par le juge qui l'a signée, il en est autrement lorsque la preuve contraire s'établit à la lecture des pièces du dossier officiel et notamment des propres mentions de la décision entreprise ; qu'en l'espèce, il résulte des ordonnances attaquées, rendues le 30 avril 2007, que les juges des libertés et de la détention au tribunal de grande instance de Paris et à celui de Versailles, saisis d'une requête présentée le même jour, ont dû examiner et analyser dix-sept pièces représentant quatre cents feuillets ; que les magistrats signataires de ces ordonnances n'ont donc pu, en quelques heures, prendre connaissance de l'ensemble de ces documents et vérifier le bien-fondé de la mesure sollicitée, ce qui permet d'établir que ces ordonnances n'ont pas été rédigées par les magistrats qui les ont rendues mais par l'auteur de la requête et qu'ils n'ont pas exercé leur pouvoir de contrôle ; qu'en l'état, les ordonnances sont privées de toute base légale ;
" alors que, de troisième part, les mesures de visite et de saisie prévues à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne peuvent être effectuées qu'à la condition d'être strictement nécessaires à la preuve des infractions suspectées ; que, lorsque l'administration a pu procéder à une vérification de comptabilité sans que le contribuable ne cherche à s'y opposer, à se dérober ou à dissimuler certains éléments, elle ne peut se voir autoriser des visites et saisies qu'à la condition d'établir qu'aucune procédure contradictoire ne serait suffisante pour rapporter la preuve des infractions suspectées ; que lorsque cette condition n'est pas remplie, la mise en oeuvre d'une perquisition constitue un véritable détournement de procédure destiné à s'affranchir des règles protectrices de la vérification de comptabilité ; qu'en l'occurrence, l'administration a procédé à une vérification de comptabilité auprès de la société Arcalia à la suite d'une visite domiciliaire diligentée à l'encontre de Monsieur B... et de la société GECIP à l'occasion de laquelle des documents ont été saisis et opposés à la société Arcalia, laquelle, dans le cadre de cette vérification, a émis des observations sur la proposition de rectification mais n'a obtenu aucune réponse de l'administration qui n'a jamais prétendu rencontrer de difficultés ; que, dès lors que ces pièces saisies chez un tiers étaient utilisées dans le cadre d'une vérification de comptabilité en cours mais n'établissaient pas de présomption de fraude, elles ne pouvaient justifier le recours à une visite domiciliaire, prévu à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, les procédures contradictoires prévues par le livre des procédures fiscales, notamment l'article 47 de ce livre, étant suffisantes à rapporter les preuves recherchées ; qu'en autorisant les perquisitions, les juges des libertés ont excédé leurs pouvoirs ;
" alors que, de quatrième part, détourne la procédure de visite domiciliaire de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales le juge qui l'ordonne en cas de suspicion de transfert de bénéfices, dès lors que peut être mise en oeuvre la procédure prévue par l'article L. 13 B du livre de procédures fiscales ; que l'article L. 13 B dispose en effet que lorsque, au cours d'une vérification de comptabilité, l'administration a réuni les éléments faisant présumer qu'une entreprise a opéré un transfert indirect de bénéfices, au sens des dispositions de l'article 57 du code général des impôts, elle peut demander à cette entreprise des informations et documents prévus par l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales, et que lorsque l'entreprise a répondu de façon insuffisante, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ; qu'en l'espèce, au cours d'une vérification de comptabilité, les juges ont ordonné une visite domiciliaire aux motifs qu'il était présumé que Jean-Jacques F... serait le dirigeant de fait des sociétés Sanitary et Laboratory Methodologies Ltd et FTI SA, que la constitution de ces deux sociétés aurait été réalisée dans le but de délocaliser à l'étranger les profits réalisés en France par la société Arcalia et que les prestations de service facturées par la société Pull Project Partners Ltd à la société Arcalia seraient fictives et auraient pour seul objectif de délocaliser à l'étranger tout ou partie des bénéfices réalisés par cette dernière ; qu'en ordonnant la visite domiciliaire pour suspicion de transfert de bénéfices, quand la procédure spéciale prévue par l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales pouvait être mise en oeuvre, les juges des libertés et de la détention ont violé les textes susvisés ;
" alors que, de cinquième part, en ne recherchant pas si les pièces 5-1 à 5-6 (pièces de la procédure de vérification de comptabilité à l'encontre de la SAS Arcalia) n'établissaient pas par elle-même l'inutilité des perquisitions, les ordonnances ont violé les textes visés au moyen ;
" alors que, de sixième part, il appartient au juge des libertés et de la détention de procéder à une vérification concrète du bien fondé de la demande en se référant avec précision aux éléments d'information fournis par l'administration sur lesquels il fonde son appréciation et en s'assurant que ces informations sont exactes ; que l'inexactitude des informations peut résulter de la contradiction entre les pièces produites par l'administration au soutien de sa requête qui sont de nature à écarter l'existence de présomptions de fraude ; qu'en l'espèce, l'ordonnance du 30 avril 2007 relève qu'il ressort des pièces présentées par l'administration à l'appui de sa requête, qu'il existe des présomptions de fraude et que la preuve des agissements présumés peut, compte tenu des procédés mis en place, être apportée par la mise en oeuvre du droit de visite et de saisie, (ordonnance p. 12) tout en constatant dans le même temps, en se référant à la pièce 1-4, que les copies des documents saisis en exécution de l'ordonnance du 26 avril 2006 (ayant autorisé la visite des locaux susceptibles d'être occupés par la société GECIP et Monsieur B...) « se rapportent à la fraude présumée dont la preuve était recherchée, en ce qu'ils concernent le client dénommé F...-entreprise Arcalia » (ordonnance p. 7, alinéa 2) ; qu'en autorisant des visites et perquisitions dans ces conditions et en l'état de cette contradiction, les ordonnances ont violé l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;
" alors que, de septième part, si l'administration fiscale, se prévalant des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, peut invoquer à l'appui d'une demande d'autorisation de visite et de saisie domiciliaires des éléments qu'elle estime probants recueillis à l'encontre des tiers, voire du contribuable, objet de la mesure sollicitée, elle ne peut, sans méconnaître les obligations que lui imposent les dispositions propres aux procédures de redressement contradictoire, et plus généralement le principe des droits de la défense, se prévaloir d'éléments de fait ou de droit recueillis dans le cadre d'une procédure de redressement qui n'aurait pas fait l'objet d'une discussion contradictoire ; que dès lors en autorisant les visites et saisies domiciliaires sur la base de pièces saisies chez Guy B... qui n'ont pas été communiquées dans le cadre de la procédure de vérification de comptabilité de la société Arcalia et qui n'ont donc pas fait l'objet d'un débat contradictoire, les ordonnances ont violé les textes visés au moyen ;
" alors que, de huitième part, seules des présomptions suffisantes que des contribuables se soustraient à leurs obligations fiscales peuvent justifier que soit donnée aux agents de l'administration l'autorisation de pratiquer des visites et saisies domiciliaires ; que les circonstances que la société Sanitary et Laboratory Methodologies et la société Financial Trust Investment, sises respectivement à Londres et aux Seychelles, soient détenues pour partie par Jean-Jacques F..., président de la société Arcalia, que des comptes bancaires aient été ouverts au nom de ces sociétés et de Jean-Jacques F... et qu'un contrat de sous-traitance ait été conclu entre la société Arcalia et la société de droit britannique Pull Project Partners ne sauraient caractériser un telle présomption ; qu'à défaut de tout autre élément précis permettant de mettre en cause la société Arcalia et son président, Jean-Jacques F..., les ordonnances attaquées sont dépourvues de toute base légale ;
" alors que, de neuvième part, la demande d'autorisation de procéder à des visites et perquisitions doit comporter tous les éléments d'information en possession de l'administration, à charge et à décharge, afin que le juge soit pleinement informé des éléments de fait avant d'arrêter sa décision ; que le magistrat ne s'étant prononcé que sur les seuls documents à charge, les ordonnances attaquées sont privées de toute base légale ;
" alors que, de dixième part, l'administration des impôts ne peut produire, au soutien de sa demande, des renseignements tirés de bases de données informatiques qu'elle a elle-même élaborées dans des conditions que le contribuable ne peut contrôler et qui ne sont soumises au contrôle d'aucune autorité ; que l'ordonnance attaquée a été rendue au visa des pièces 4-1,4-2,4-3 comprenant copie du résultat de la consultation du fichier informatisé « compte fiscal des professionnels », de la pièce 8 comprenant la copie des résultats de la consultation du fichier informatisé « compte fiscal des particuliers » et des pièces 10,11 et 14 comprenant copie du résultat de l'interrogation du fichier informatisé des comptes bancaires « FICOBA », toutes trois étant des bases de données créées, gérées et exploitées par la direction générale des impôts pour ses propres besoins ; que le contribuable n'ayant aucun accès à celles-ci et nulle autorité n'exerçant de contrôle sur leur contenu, les décisions attaquées, fondées sur ces pièces, sont irrégulières ;
" alors que, de onzième part, la procédure de visites domiciliaires constitue une ingérence dans la protection du domicile protégé par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et le juge judiciaire doit exercer un contrôle de proportionnalité sur la nécessité de l'atteinte au droit à la protection du domicile ainsi sollicitée au regard des exigences de l'intérêt général ; qu'en se bornant, pour autoriser l'administration des impôts à effectuer des visites et saisies dans le domicile privé de Jean-Jacques F... personne physique, à constater qu'il existe une probabilité, en raison des fonctions exercées par Jean-Jacques F..., de détention de documents ou supports d'informations relatifs à la fraude présumée sans s'assurer de la proportionnalité et de la nécessité de telles mesures, les ordonnances ont violé les textes visés au moyen ;
" alors qu'enfin, l'étendue des mesures ordonnées doit être en rapport avec l'objet précis des recherches ; que les juges des libertés et de la détention ne pouvaient légalement autoriser les visites et saisies de manière extrêmement large, sans préciser ni délimiter dans le temps les recherches autorisées " ;
Attendu que les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, qui assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle et des nécessités de la lutte contre la fraude fiscale, ne contreviennent pas à celles des articles 6,8 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors que le droit à un procès équitable est garanti tant par l'intervention du juge, qui vérifie le bien-fondé de la requête de I'administration des impôts, que par le contrôle effectif exercé par la Cour de cassation ;
Attendu que, ensuite, aucun texte ne subordonne la saisine de l'autorité judiciaire par l'administration fiscale, pour l'application des dispositions de l'article L. 16 B susvisé, au recours préalable à d'autres procédures et que la réalité d'un détournement de procédure n'est pas démontrée ;
Attendu que, par ailleurs, les motifs et le dispositif de l'ordonnance sont réputés avoir été établis par le juge qui l'a rendue et signée ; que la circonstance que la requête a été déposée le jour même du prononcé de la décision et qu'une décision distincte, visant les mêmes contribuables, a été rendue par un autre magistrat, dans les limites de sa compétence, est sans incidence sur la régularité de l'ordonnance attaquée ;
Attendu que, enfin, le juge s'étant référé, en les analysant, aux éléments d'information fournis par l'administration, a souverainement apprécié l'existence des présomptions d'agissements frauduleux justifiant les mesures autorisées, sans que soit rapportée la preuve ni que les pièces produites n'auraient pas été licites ni que n'auraient pas été fournis des éléments à décharge de nature à remettre en cause cette appréciation ; que toute contestation au fond sur ces points relève du contentieux dont peuvent être saisies les juridictions éventuellement appelées à statuer sur les résultats des mesures autorisées ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 07-83871
Date de la décision : 06/02/2008
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Versailles, 30 avril 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 fév. 2008, pourvoi n°07-83871


Composition du Tribunal
Président : M. Cotte (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.83871
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