LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
-Y... Larbi,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 19 octobre 2006, qui, pour infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive, l'a condamné à six ans d'emprisonnement ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme,2 du code civil,112-1,112-2 4° du code pénal dans sa rédaction antérieure à la loi du 9 mars 2004,706-31, dans sa rédaction antérieure à la loi du 8 février 1995,591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a écarté l'exception de prescription soulevée par Larbi Y..., l'a déclaré coupable d'avoir détenu, offert, acquis, transporté et importé des stupéfiants, a constaté son état de récidive légale et l'a, en conséquence, condamné à six ans d'emprisonnement et à verser à l'administration des douanes 390 000 francs pour tenir lieu de confiscation des marchandises et 390 000 francs, valeur des objets de fraude ;
" aux motifs que « la prescription portant sur le trafic de stupéfiants, comme en l'espèce, est fixée à vingt ans par l'article 706-31 du code de procédure pénale résultant de la loi du 8 février 1995 ; que s'agissant d'une loi de procédure elle s'applique à toute infraction non définitivement jugée ce qui est le cas en l'espèce-et par voie de conséquence, (en regard des dates relevées dans la procédure) la prescription n'est pas acquise à l'intéressé qui doit donc répondre de ses actes ; que l'opposition à une décision de défaut interrompt la prescription de la peine et constitue le point de départ d'un nouveau délai de prescription de l'action publique, la poursuite ayant repris son cours ; que l'intéressé ne peut donc soutenir là non plus, qu'en regard des dates relevées dans la procédure, la prescription de l'action publique lui serait acquise ; que pour ce second motif, complétant le premier, il doit également répondre de ses actes tels que visés dans le jugement objet de l'appel du ministère public, l'opposition mettant à néant l'arrêt de défaut ;
" 1°) alors qu'une loi relative à la prescription est une loi de fond, inapplicable à des faits commis avant son entrée en vigueur, sauf si elle est plus favorable au prévenu ; qu'à la date des faits reprochés au prévenu, la prescription de l'action publique était de dix ans, de sorte, que le dernier acte interruptif de prescription étant l'arrêt de la cour d'appel d'Agen du 21 juillet 1993, elle était acquise le 21 juillet 2003 ; qu'en se fondant sur l'entrée en vigueur de la loi du 8 février 1995 portant la prescription à vingt ans pour déclarer l'action publique non prescrite, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble le principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère ;
" 2°) alors qu'en vertu du principe de supériorité du traité sur la loi doivent être écartés les textes contraires à une convention internationale ; qu'il en résulte que les juges ne peuvent appliquer des textes plus sévères, tels la loi du 8 février 1995 ou celle du 9 mars 2004 à des faits commis avant l'entrée en vigueur, sans violer l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme " ;
Vu l'article 112-2,4° du code pénal ;
Attendu que, selon ce texte, dans sa rédaction antérieure à la loi du 9 mars 2004, les lois de prescription ne s'appliquent pas à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur, lorsqu'elles ont pour effet d'aggraver le sort de l'intéressé ;
Attendu que, par jugement contradictoire du tribunal correctionnel, du 24 février 1993, Larbi Y...a, pour infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive et contrebande de marchandises prohibées, été condamné à six ans d'emprisonnement, cinq ans d'interdiction de séjour et à des pénalités douanières ; que, sur le seul appel du ministère public, la cour d'appel a confirmé le jugement, par arrêt de défaut du 21 juillet 1993 ; que, sur opposition formée par le prévenu, le 14 avril 2006, un premier arrêt, devenu définitif le 19 avril 2006, a, après avoir annulé l'acte de signification du 15 septembre 1993, déclaré recevable l'opposition et renvoyé l'examen de l'affaire à une audience ultérieure où la cour d'appel, par l'arrêt attaqué, a mis à néant sa décision du 21 juillet 1993 et condamné le prévenu à six ans d'emprisonnement ;
Attendu que, pour écarter la prescription de l'action publique, prise de ce que plus de dix ans s'étaient écoulés entre l'arrêt du 21 juillet 1993 et la date de l'opposition, l'arrêt énonce que la loi du 8 février 1995, qui a porté à vingt ans la prescription en matière de trafic de stupéfiants, s'applique à toutes les infractions non définitivement jugées ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'article 112-2,4° du code pénal, dans sa rédaction applicable lors de l'entrée en vigueur de la loi du 8 février 1995, s'opposait à l'allongement du délai de prescription pour les faits commis antérieurement et que l'article 72-III de la loi du 9 mars 2004, qui a modifié l'article 112-2,4° dudit code, n'a pas eu d'effet sur la prescription acquise le 22 juillet 2003, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle sera limitée aux dispositions pénales de l'arrêt, dont la cour d'appel était seulement saisie en l'absence de recours de l'administration des douanes et du prévenu ;
Et attendu que la Cour de cassation est en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation :
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Agen, en date du 19 octobre 2006, en ses seules dispositions ayant déclaré Larbi Y...coupable d'infractions à la législation sur les stupéfiants et l'ayant condamné à six ans d'emprisonnement ;
CONSTATE la prescription de l'action publique ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Agen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Thin conseiller rapporteur, M. Dulin, Mme Desgrange, M. Rognon, Mmes Nocquet, Ract-Madoux, M. Bayet, Mme Canivet-Beuzit, M. Finidori conseillers de la chambre, Mmes Slove, Degorce, Labrousse conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Mouton ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;