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29/01/2008 | FRANCE | N°06-17748

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 janvier 2008, 06-17748


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 14 juin 2006), que par lettres du 19 septembre 2002, la société General Motors France (société GMF) a résilié, avec préavis abrégé d'un an, les deux contrats à durée indéterminée de concession exclusive sur le territoire de Martigues, Port de Bouc et Marignane, l'un pour les véhicules et pièces Opel et l'autre pour les véhicules utilitaires, la liant à la société Centre d'activités automobiles (société C2A) au motif qu'elle éta

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 14 juin 2006), que par lettres du 19 septembre 2002, la société General Motors France (société GMF) a résilié, avec préavis abrégé d'un an, les deux contrats à durée indéterminée de concession exclusive sur le territoire de Martigues, Port de Bouc et Marignane, l'un pour les véhicules et pièces Opel et l'autre pour les véhicules utilitaires, la liant à la société Centre d'activités automobiles (société C2A) au motif qu'elle était dans la nécessité de réorganiser son réseau à la suite de la publication du règlement CE n° 1400/ 2002 de la Commission européenne du 31 juillet 2002 concernant l'application de l'article 81, § 3 du Traité ; que, les parties ne s'étant pas accordées sur les conditions de nouveaux contrats, la société C2A a pris acte de la rupture par lettre du 9 décembre 2003, puis a assigné la société GMF afin de voir juger irrégulière la résiliation des contrats et entendre dire que la société GMF avait abusé de la relation de dépendance dans laquelle elle la tenait et de sa puissance de vente pour tenter de lui imposer des conditions commerciales injustifiées ;
Attendu que la société C2A reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société GMF à lui payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la résiliation par cette dernière des contrats de concession qui les liaient avec un préavis réduit d'un an au lieu du préavis ordinaire de deux ans dont elle devait normalement bénéficier aux termes des dits contrats, qui reprenaient sur ce point , les dispositions du règlement d'exemption communautaire n° 1475/95 du 28 juin 1995, alors, selon le moyen :
1°) que saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit, par arrêt du 7 septembre 2006 (affaire C 125/05) d'abord que "l'existence de la nécessité de réorganiser l'ensemble ou une partie substantielle du réseau" présuppose une modification significative, tant sur le plan matériel que géographique des structures de distribution du fournisseur concerné", en indiquant qu'une telle réorganisation implique nécessairement une modification de l'organisation des structures de distribution de ce fournisseur, laquelle peut porter, notamment, sur la nature ou la forme de ces structures, leur objet, la répartition des tâches internes au sein de telles structures, les modalités de fourniture des produits et des services concernés, le nombre ou la qualité des participants aux dites structures ainsi que leur couverture géographiques" et que "la modification des structures de distribution en question doit dès lors revêtir un caractère significatif, tant sur un plan matériel que géographique" et, ensuite, que "l'entrée en vigueur du règlement CE n° 1400/2002 de la Commission du 31 juillet 2002 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à ces catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile... a pu, en fonction de l'organisation spécifique du réseau de distribution de chaque fournisseur rendre nécessaire des changements d'une importance telle qu'ils constituent une véritable réorganisation du réseau au sens de cette disposition" et qu'"il appartient aux juridictions nationales et aux instances arbitrales d'apprécier si tel est le cas en fonction de l'ensemble des éléments concrets du litige dont elles sont saisies" , en indiquant qu'il y avait lieu de se référer, à cet effet, "aux indications fournies aux points 28 à 38 du présent arrêt ; qu'en relevant à l'appui de sa décision , après avoir rappelé l'obligation faite aux constructeurs automobiles de se mettre en conformité au plus tard le 1er octobre 2003, avec le nouveau règlement communautaire susmentionné n° 1400/2002, celui-ci instaurant une séparation entre les activités de vente et d'après-vente des véhicules neufs et celles de réparation et supprimant le modèle de contrat unique antérieur comportant à la fois une exclusivité de revente et une sélectivité des distributeurs et obligeant , de ce fait même, à une nécessaire modification du système de distribution précédent où les concessionnaires exerçaient leurs activités sur un territoire déterminé préalablement", que "la circonstance que la réorganisation litigieuse porte directement sur les accords mêmes de distribution qui régissent le réseau est sans influence sur l'appréciation du caractère substantiel de celle-ci, les motifs juridiques de conformité avec le règlement communautaire étant, tout comme les motifs économiques, de nature à justifier la restructuration prononcée", la cour d'appel, qui a considéré que la réorganisation du réseau au sens du règlement CE n° 1475/95 et des stipulations contractuelles était nécessairement remplie, même si la modification portait uniquement sur les contrats de distribution, dès lors que cette modification était fondée sur un motif juridique, la mise en conformité des contrats de distribution avec le règlement CE n° 1400/2002, a violé les articles 1134 du code civil et 5, § 3 du règlement CE n° 1475/95 du 28 juin 1995 ;
2°) qu'en relevant "qu'à compter du 1er octobre 2003, la société GMF a pris la décision de cesser de distribuer les produits portant sa marque par l'intermédiaire de deux réseaux de concession exclusive afférents aux véhicules professionnels et utilitaires pour y substituer la mise en place de quatre réseaux de distribution sélective relatifs à la même double catégorie de véhicules", "que cette réorganisation d'ensemble fut induite par l'obligation faite aux constructeurs automobiles de se mettre en conformité , au plus tard le 1er octobre 2003, avec le nouveau règlement communautaire susmentionné n° 1400/2002, celui-ci instaurant une séparation entre les activités de vente et d'après-vente des véhicules neufs et celles de réparation et supprimant le modèle de contrat unique antérieur comportant à la fois une exclusivité de revente et une sélectivité des distributeurs et obligeant, de ce fait même, à une nécessaire modification du système de distribution précédent où les concessionnaires exerçaient sur un territoire déterminé préalablement", et qu'il convenait de tenir compte de cette "suppression de la concession de territoires exclusifs", sans répondre aux conclusions de la société C2A dans lesquelles celle-ci soutenait que loin de substituer un système de distribution sélectif à un système exclusif, la société GMF avait "en fait maintenu, à compter du 1er octobre 2003, le système sélectif quantitatif qu'elle avait toujours pratiqué" en expliquant qu'"en effet, même si les contrats conclus entre la société GMF et son réseau, dans le cadre du règlement n° 1475/95, étaient intitulés "contrat de concession et de service", il s'agissait en fait de contrats sélectifs quantitatifs, également exemptés en vertu de l'article 1 de ce règlement ; c'est ainsi que : -le droit accordé au concessionnaire en vertu de l'article 2.1 de ces contrats n'était pas un droit de vente exclusif, mais un simple droit non exclusif "d'acheter des véhicules neufs" ; -parallèlement, l'article 4.1 des contrats réservait à la société GMF la possibilité de nommer plusieurs concessionnaires à l'intérieur de la "zone principale de responsabilité" définie en annexe, la société GMF s'étant seulement engagée, pendant la durée du contrat, à "ne pas modifier la zone principale de responsabilité et à ne pas augmenter le nombre des concessionnaires Opel sur cette zone principale de responsabilité sans l'accord préalable du concessionnaire", de sorte "qu'aucun changement fondamental des contrats Opel n'est intervenu entre le 30 septembre 2003 et le 1er octobre 2004 ; avant comme après le 1er octobre 2003, la société GMF a -continué d'accorder à ses distributeurs un droit non exclusif de vente sur une zone de responsabilité déterminée ; -conservé la maîtrise du nombre de ses distributeurs et de leur implantation jusqu'au 1er octobre 2005, compte tenu de l'exemption de la clause de localisation", la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
3°) qu'en se bornant à relever l'existence d'une modification des contrats, sans mettre en évidence une modification des structures de distribution, tant sur le plan matériel que géographique, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé la réorganisation du réseau qui aurait pu justifier l'application du préavis réduit à un an, a en toute hypothèse, privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et 5, § 3, du règlement CE n° 1475/95 du 28 juin 1995 ;
4°) que saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit, par arrêt du 7 septembre 2006 (affaire C 125/05 VW Audi Forhandlerforeningen/Skandinavisk motor co. A/S), que "l'entrée en vigueur du règlement CE n° 1400/2002 de la Commission du 31 juillet 2002 concernant l'article 81, paragraphe 3, du traité à ces catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile ne rendait pas, par elle-même, nécessaire la réorganisation du réseau de distribution d'un fournisseur au sens de l'article 5, paragraphe 3, du premier alinéa, premier tiret du règlement n° 1475/95", mais que, "toutefois, cette entrée en vigueur a pu, en fonction de l'organisation spécifique du réseau de distribution de chaque fournisseur, rendre nécessaires des changements d'une importance telle qu'ils constituent une véritable réorganisation du dit réseau au sens de cette disposition" et qu'il "appartient aux juridictions nationales et aux instances arbitrales d'apprécier si tel est le cas en fonction de l'ensemble des éléments concrets du litige dont elles sont saisies", en indiquant qu'il y avait lieu de ses référer, à cet effet, "aux indications fournies aux points 28 à 38 du présent arrêt" ; qu'en considérant que, nonobstant l'opinion contraire manifestée par la Commission européenne dans sa brochure explicative, l'entrée en vigueur du règlement CE n° 1400/2002 dispensait le juge d'avoir à se prononcer sur la condition tirée de la nécessité de réorganiser le réseau, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et 5, § 3, du règlement CE n° 1475/95 du 28 juin 1995 ;
5°) qu'en relevant que "le nouveau règlement communautaire instaurant une séparation entre les activités de vente et d'après-vente des véhicules neufs et celles de réparation et supprimant le modèle de contrat unique antérieur comportant à la fois une exclusivité de revente et une sélectivité des distributeurs... oblige, de ce fait même, à une nécessaire modification du système de distribution précédent où les concessionnaires exerçaient leurs activités sur un territoire déterminé préalablement" et que "la circonstance que la réorganisation litigieuse porte directement sur les accords mêmes de distribution qui régissent le réseau est sans influence sur l'appréciation du caractère substantiel de celle-ci, les motifs juridiques de conformité avec le règlement communautaire étant, tout comme les motifs économiques, de nature à justifier la restructuration prononcée", cependant que l'entrée en vigueur du règlement n° 1400/2002 ne rendait pas, par elle-même, nécessaire la réorganisation du réseau, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et 5, § 3, du règlement CE n° 1475/95 du 28 juin 1995 ;
6°) que saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice des communautés européennes a indiqué, dans son arrêt précité du 7 septembre 2006 (affaire C 125/05 VW Audi Forhandlerforeningen/Skandinavisk motor co. A/S), que "les changements susceptibles d'être apportés par les fournisseurs à leurs réseaux de distribution à la suite de l'entrée en vigueur du règlement n° 1400/2002 pouvaient dès lors résulter, compte tenu du caractère dérogatoire de l'article 5, paragraphe 3, premier alinéa, premier tiret du règlement n° 1475/95, d'une simple adaptation des contrats en vigueur à la date à laquelle celui-ci a cessé d'être applicable pendant la période transitoire prévue à cet effet, sans qu'une telle adaptation entraîne automatiquement... la nécessité, au regard du droit national applicable, de résilier ces contrats, non plus que, en tout état de cause, celle de renégocier l'ensemble ou une partie substantielle du réseau de distribution" ; qu'en se prononçant de la sorte, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'article 7.2 des contrats de concession, en ce qu'il énonce que "si une disposition quelconque de ce contrat devient nulle à la suite d'une modification d'un texte de loi... le concessionnaire et OPEL s'efforceront, de bonne foi, de remplacer la disposition nulle par une disposition valide qui respectera dans toute la mesure du possible l'esprit de la disposition nulle et ce contrat restera en vigueur à tous autres égards", ne permettait pas de procéder à l'adaptation des contrats conclus entre les parties à la modification du droit communautaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et 5, § 3, du règlement CE n° 1475/95 du 28 juin 1995 ;
7°) que l'article 8.9 des "dispositions supplémentaires" aux contrats de concession énonce précisément que "Le concessionnaire et OPEL reconnaissent que des modifications à ce contrat peuvent être exigées si le règlement de la Commission n° 1475/95 du 28 juin 1995 en l'application de l'article 85/3 du Traité de Rome à certaines catégories de contrats de distribution de véhicules à moteur et de services est modifié , remplacé ou expire. Si ce Règlement est remplacé, modifié ou expire, OPEL pourra modifier ce contrat pour se conformer à la modification, au remplacement ou à l'expiration à condition qu'Opel donne au concessionnaire un préavis qui ne saurait être inférieur à trois mois" ; que cette clause doit être lue à la lumière de l'arrêt précité rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 7 septembre 2006, dont il résulte que, dans cette hypothèse, le contrat doit donner lieu à une simple adaptation, sauf circonstances particulières, qu'il incombe au fournisseur d'établir s'il estime nécessaire de procéder à sa résiliation avec un préavis réduit d'un an ; qu'en considérant que la société GMF bénéficiait d'une simple faculté, laissée à son appréciation, d'adapter les contrats de concession en cours à la suite de l'entrée en vigueur du règlement n° 1400/2002, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et 5, § 3, du règlement CE n° 1475/95 du 28 juin 1995;
Mais attendu que la Cour de justice des Communautés européennes (7 septembre 2006, affaire C 125/05 VW Audi Forhandlerforeningen/Skandinavisk motor co. A/S a dit pour droit que : -l'existence de la "nécessité de réorganiser l'ensemble ou une partie substantielle du réseau" présuppose une modification significative, tant sur le plan matériel que géographique, des structures de distribution du fournisseur concerné, qui doit être justifiée d'un manière plausible par des motifs d'efficacité économique fondés sur des circonstances objectives internes ou externes à l'entreprise du fournisseur, lesquelles, compte tenu de l'environnement concurrentiel dans lequel opère ce fournisseur seraient susceptibles, à défaut d'une réorganisation du réseau de distribution de ce dernier, de porter atteinte à l'efficacité des structures existantes de ce réseau. Les éventuelles conséquences économiques défavorables que serait susceptible de subir le fournisseur dans l'hypothèse où il procéderait à la réalisation de l'accord de distribution avec un préavis de deux ans sont à cet égard pertinentes. Il appartient aux juridictions nationales et aux instances arbitrales d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments concrets du litige dont elles sont saisies, si ces conditions sont remplies ; -l'entrée en vigueur du règlement CE n° 1400/ 2002 de la Commission du 31 juillet 2002 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile, ne rendait pas, par elle-même, nécessaire la réorganisation du réseau de distribution du fournisseur au sens de l'article 5, paragraphe 3, premier alinéa, premier tiret, du règlement n° 1475/95. Toutefois, cette entrée en vigueur a pu, en fonction de l'organisation spécifique du réseau de distribution de chaque fournisseur, rendre nécessaires des changements d'une importance telle qu'ils constituent une véritable réorganisation du dit réseau au sens de cette disposition. Il appartient aux juridictions nationales et aux instances arbitrales d'apprécier si tel est le cas en fonction de l'ensemble des éléments concrets du litig ; -s'il n'appartient pas aux juridictions nationales de remettre en cause les considérations économiques et commerciales au regard desquelles un fournisseur a pris la décision de réorganiser son réseau de distribution, il n'en demeure pas moins que la nécessité d'une telle réorganisation ne saurait, sous peine de priver les distributeurs de toute protection juridictionnelle effective sur ce point, relever de l'appréciation discrétionnaire du fournisseur, dès lors que, selon l'article 5, paragraphe 3, premier alinéa, premier tiret, du règlement n° 1475 /95 c'est cette nécessité qui permet au fournisseur, tout en conservant le bénéfice de l'exemption par catégorie prévue par ce règlement en application de l'article 81, paragraphe 3 CE, de procéder à la résiliation d'un accord sans être tenu de respecter le délai ordinaire de préavis de deux ans prévu au paragraphe 2, point 2 dudit article ;-eu égard tant à la finalité qu'au caractère dérogatoire de l'article, la nécessité d'une réorganisation aux fins de l'exercice du droit de résiliation avec un préavis d'au moins un an doit pouvoir être justifiée d'une manière plausible par des motifs d'efficacité économique fondés sur des circonstances objectives internes ou externes à l'entreprise du fournisseur qui, à défaut d'une réorganisation rapide du réseau, de distribution, seraient susceptibles, compte tenu de l'environnement concurrentiel dans lequel opère ce fournisseur, de porter atteinte à l'efficacité des structures existantes du dit réseau ; que la Cour a précisé (30 novembre 2006, C-376/05 et C-377/05 Brünsteiner c/ BMW, § 35) que si rien ne l'impose, rien n'exclut non plus qu'une réorganisation substantielle puisse résulter de la modification des clauses d'un accord de distribution à la suite de l'entrée en vigueur d'un nouveau règlement d'exemption et a ajouté (ordonnance du 26 janvier 2007 Auto Peter Petschenig c/ Toyota, C8273/06) que le règlement CE 1400/2002 a introduit des modifications substantielles par rapport au régime d'exemption par catégorie institué par le règlement n° 1475/95 en prévoyant des règles plus strictes que celles instaurées par celui-ci pour l'exemption de certaines restrictions de concurrence relevant de l'interdiction énoncée à l'article 81, §1 CE, qu'en particulier, le nouveau règlement n'accorde pas l'exemption par catégorie aux restrictions de territoires sur lesquels les membres d'un système de distribution sélective peuvent vendre les produits contractuels, interdisant de ce fait, dans le cadre de l'exemption par catégorie, la combinaison de la distribution exclusive et de la distribution sélective exemptée par le règlement n° 1475/95, de même, alors que l'exemption par catégorie prévue par le règlement n° 1475/95 n'était acquise qu'à condition que le distributeur s'engage à assurer les services de réparation et d'entretien ainsi que celui consécutif à des actions de rappel, le règlement n° 1400/2002 n'accorde pas l'exemption par catégorie à la restriction de la capacité du distributeur de sous-traiter la fourniture de services de réparation et d"entretien à des réparateurs agréés ni à celle de ces derniers de se limiter à de telles activités, que compte tenu de ces modifications substantielles du régime d'exemption par catégorie introduites par le nouveau règlement, la Cour a jugé que l'entrée en vigueur de ce dernier a pu amener certains fournisseurs à apporter des changements à leurs accords de distribution afin de s'assurer que ceux-ci continuent de relever de l'exemption par catégorie prévue par ce règlement, qu'en particulier, tel a pu être le cas si les accords conclus sous le régime du règlement n° 1475/95 et en conformité avec ce dernier contenaient des restrictions "caractérisées" au sens de l'article 4, § 1, du règlement n° 1400/2002 ; que la Cour ajoute, qu'une réorganisation pouvait s'avérer nécessaire au sens de l'article 5, § 3, premier alinéa, premier tiret, du règlement n° 1400/2002 si, en vue de continuer à bénéficier de l'exemption par catégorie, un fournisseur combinant, avant l'entrée en vigueur du règlement n° 1400/2002, la distribution exclusive et la distribution sélective, choisissait d'organiser son réseau de distribution uniquement selon un système de distribution sélective ; que la Cour conclut qu'il résulte de cette jurisprudence que la mise en place par un tel fournisseur, après l'entrée en vigueur du règlement n° 1400/2002, d'un système de distribution sélective qui remplit les conditions d'exemption par catégorie prévue par le dit règlement, à savoir, notamment, ainsi qu'il ressort des points 32 et 33 de la présente ordonnance, dans le cadre duquel, d'une part, les distributeurs ne font plus l'objet d'une restriction du territoire sur lequel ils peuvent vendre les produits contractuels et, d'autre part, les réparateurs agréés peuvent limiter leurs activités à la seule fourniture de services de réparation et d'entretien, est susceptible de constituer une réorganisation du réseau au sens de l'article 5, § 3, premier alinéa, premier tiret, du règlement n° 1475/95 ;
Attendu, en premier lieu, que, constatant que la société C2A était la seule sur les territoires mentionnés à son contrat à pouvoir vendre activement les véhicules neufs et pièces de rechange de la marque Opel et à disposer de l'agrément de ce constructeur pour le service après-vente tandis qu'elle pouvait vendre en dehors de son territoire des véhicules neufs de manière passive, l'arrêt relève qu'à compter du 1er octobre 2003, la société GMF a opté pour la mise en place d'un système de distribution sélective quantitative, qui permet de préserver l'étanchéité du réseau en interdisant aux distributeurs agréés la revente hors de celui-ci mais conduit également à la suppression de la notion de territoire exclusif, tout revendeur pouvant vendre tant activement que passivement hors de son territoire ; qu'il relève encore que la société GMF a pris la décision de cesser de distribuer les produits portant sa marque par l'intermédiaire de deux réseaux de concession exclusive afférents aux véhicules particuliers et utilitaires et de les remplacer par quatre réseaux de distribution sélective relatifs à la même double catégorie de véhicules ; qu'il retient que la modification du mode de distribution et la suppression de la concession de territoires exclusifs sont, en elles-mêmes, révélatrices du caractère substantiel de la modification intervenue, peu important qu'elle porte directement sur les accords même de distribution qui régissent le réseau; qu'ainsi, la cour d'appel, écartant les conclusions prétendument délaissées, a apprécié, en fonction de l'ensemble des éléments concrets du litige, l'existence objective d'une modification substantielle de l'ensemble des structures de distribution du fournisseur ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que cette réorganisation d'ensemble a été nécessitée par l'obligation faite aux constructeurs automobiles de se mettre en conformité, au plus tard au 1er octobre 2003, avec le nouveau règlement communautaire , celui-ci instaurant une séparation entre les activités de vente et d'après-vente des véhicules neufs et celle de réparation et supprimant le modèle de contrat unique antérieur comportant à la fois une exclusivité de revente et une sélectivité des distributeurs et obligeant, de ce fait même, à une nécessaire modification du système de distribution précédent où les concessionnaires exerçaient leurs activités sur un territoire déterminé ; que la cour d'appel a ainsi vérifié que la réorganisation décidée par le fournisseur était justifiée d'une manière plausible par des motifs juridiques de conformité au nouveau règlement afin de relever de l'exemption par catégorie prévue par ce règlement ;
Attendu, enfin, qu'ayant retenu l'existence de la réorganisation substantielle du réseau et sa nécessité, la cour d'appel a justement écarté l'application des articles 7-2 et 8-9 des contrats de concession, le premier ne prévoyant une adaptation des contrats qu'en cas de nullité d'une clause et non lorsque l'objet même de ceux-ci avait été modifié du fait de l'existence de nouvelles règles régissant la distribution automobile, et le second ne créant nullement une obligation d'adaptation des engagements en vigueur mais une simple faculté contractuelle laissée à la libre appréciation de la société GMF ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et attendu que le second moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société C2A aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la condamne à payer à la société GMF la somme de 2 000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille huit.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 06-17748
Date de la décision : 29/01/2008
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

COMMUNAUTE EUROPEENNE - Concurrence - Entente et position dominante - Entente - Exemption par catégorie - Distribution automobile - Règlement n° 1475/95 du 28 juin 1995 - Article 5 § 3 - Résiliation de l'accord par le fournisseur - Portée - Effets à l'égard des stipulations contractuelles du contrat de concession

Ayant retenu l'existence de la réorganisation substantielle du réseau et sa nécessité, la cour d'appel a justement écarté l'application des articles 7-2 et 8-9 des contrats de concession, le premier ne prévoyant une adaptation des contrats qu'en cas de nullité d'une clause et non lorsque l'objet même de ceux-ci avait été modifié du fait de l'existence de nouvelles règles régissant la distribution automobile, et le second ne créant nullement une obligation d'adaptation des engagements en vigueur mais une simple faculté contractuelle laissée à la libre appréciation de la société concédante


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 juin 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 29 jan. 2008, pourvoi n°06-17748, Bull. civ. 2008, IV, N° 19
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2008, IV, N° 19

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Main
Rapporteur ?: Mme Tric
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:06.17748
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