LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les demandes de mise hors de cause du Crédit lyonnais sur le premier moyen et des époux X... sur la seconde branche du second moyen :
Dit n'y avoir lieu à mise hors de cause ;
Attendu que M. Cédric Y..., né le 24 octobre 1977, a été confié à la garde de sa mère, Mme Z..., par le jugement de divorce de ses parents du 23 octobre 1984 ;qu'à compter de février 1994, il a travaillé en qualité d'apprenti et perçu des salaires, des indemnités journalières de la caisse primaire d'assurance maladie, une allocation de formation professionnelle et un capital rente accident du travail ; que ces revenus ont été déposés sur un compte bancaire "multilion junior", ouvert le 19 mai 1994, à son nom, auprès du Crédit lyonnais par sa mère, qui exerçait seule l'autorité parentale à son égard ; que par acte du 7 juin 2000, M. Cédric Y... a fait assigner sa mère, le second mari de celle-ci, M. X..., son frère aîné, M. Jean-Cyril Y..., et la banque Crédit lyonnais aux fins d'obtenir le remboursement d'une somme de 90 300 francs (soit 13 766 euros) correspondant à divers prélèvements, selon lui abusifs, effectués sur son compte bancaire par sa mère, tant durant sa minorité qu'après sa majorité, entre mai 1994 et septembre 1997 ;
Sur le premier moyen pris en ses trois branches :
Attendu que M. Cédric Y... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à la condamnation de Mme Z... épouse X..., M. X... et M. Jean-Cyril Y... à lui rembourser la somme de 5 863,19 euros prélevée sur son compte bancaire durant sa minorité, outre la somme de 3 048,98 euros en réparation de son préjudice moral alors, selon le moyen :
- 1°/ que le droit de jouissance des parents sur les biens de leur enfant, ne s'étend pas aux biens que l'enfant peut acquérir par son travail et cesse dès qu'il a seize ans accomplis ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Mme Z... a effectué divers prélèvements sur le compte ouvert au nom de son fils mineur né en 1977 et alimenté par ses salaires, et ce au moins jusqu'au mois de septembre 1997 ; qu'en déboutant cependant M. Cédric Y... de ses demandes en remboursement des sommes ainsi prélevées, la cour d'appel a violé les articles 384 et 387 du code civil ;
- 2°/ que l'obligation alimentaire de l'enfant à l'égard de ses ascendants n'existe qu'à l'égard des ascendants dans le besoin ; qu'en se bornant à relever la modicité des revenus de Mme Z..., pour en déduire le bien-fondé des prélèvements effectués sur le compte de son fils, sans constater que Mme Z... et son second mari n'étaient pas en mesure d'assurer leur subsistance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 205 du code civil, ensemble les articles 212 et 214 du même code ;
- 3°/ que l'enfant n'a pas d'obligation alimentaire envers le second mari de sa mère ; qu'en retenant cependant le bien fondé des prélèvements opérés par Mme Z... sur le compte de son fils au profit de son second mari, la cour d'appel a violé l'article 205 du code civil ;
Mais attendu d'abord, que l'absence de droit de jouissance légale sur les gains et salaires de l'enfant mineur n'interdit pas aux administrateurs légaux d'affecter tout ou partie de ces revenus à son entretien et à son éducation, seul l'excédent devant revenir au mineur ; ensuite, que l'arrêt relève par motifs propres et par une appréciation souveraine qu'il résulte des différentes pièces versées aux débats que Mme Z..., dont les ressources étaient modiques et qui hébergeait son fils sous son toit, a effectué divers prélèvements sur le compte ouvert au nom du mineur afin de satisfaire aux nécessités de son entretien ; que le moyen qui manque en fait en ses deux dernières branches pour critiquer des motifs du jugement que la cour d'appel n'a pas adoptés, ne peut être accueilli ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 371-1, 382, 383, 488 et 1147 du code civil ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que l'administration légale des biens de l'enfant mineur par ses parents cesse de plein droit à sa majorité ; que le banquier ne peut exécuter un ordre de paiement émis par une personne qui n'a pas qualité pour représenter le titulaire du compte;
Attendu que pour débouter M. Cédric Y... de sa demande tendant à la condamnation de Mme Z... épouse X..., M. X... et M. Jean-Cyril Y... "solidairement" avec le Crédit lyonnais à lui rembourser la somme de 7 896,86 euros prélevée sur son compte bancaire après sa majorité et pour juger que la banque n'avait commis aucune faute, les juges du fond ont retenu que le compte avait été ouvert par Mme Z..., représentante légale de son fils alors mineur, que les prélèvements effectués visaient à satisfaire aux nécessités de l'entretien de M. Cédric Y..., que celui-ci n'avait manifesté aucun désaccord jusqu'à son courrier du 10 septembre 1997 et qu'il n'existait aucune clause expresse interdisant de faire fonctionner le compte par le représentant légal à partir de la majorité ;
Qu'en statuant par des motifs impropres à justifier sa décision, alors qu'à la majorité de l'enfant, les pouvoirs de l'administrateur légal avaient cessé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. Cédric Y... de sa demande tendant au remboursement des sommes prélevées sur son compte bancaire après sa majorité, l'arrêt rendu le 3 juin 2004, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, déboute les époux X... de leur demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille huit.