Attendu qu'au mois de juillet 1991, et à deux reprises, M. Z..., médecin esthéticien, a pratiqué sur le visage de Mme X..., désireuse de suivre un traitement d'effacement de rides et imperfections cutanées, des injections de Dermalive, produit fabriqué et vendu à ces fins par la société Dermatech ; que des nodules inflammatoires étant ultérieurement apparus sur le visage de la patiente, et en lien certain de causalité avec les interventions opérées, le praticien et la société ont été condamnés in solidum à dommages-intérêts envers elle ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses trois branches :
Attendu que la société Dermatech fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1° / que l'expert, M.Y..., n'a pas été consulté sur l'existence d'un éventuel défaut du produit Dermalive injecté à Mme X... ; que dans son rapport, il a conclu que " le produit utilisé, en l'occurrence le Dermalive, était conforme à la législation et à la réglementation en vigueur puisqu'il avait satisfait à toutes les exigences de sécurité et de fiabilité édictées par les normes européennes. Il était agréé par la CEE (produit bénéficiait du marquage CE) " (p. 14, point 4), et également que " d'un point de vue scientifique, il n'est pas possible de savoir si une injection unique de Dermalive de 0,8 ml aurait entraîné la survenue de tels granulomes ou bien si celle-ci est la conséquence du fait que le docteur Z... a réalisé une deuxième injection, même quantitativement minime, trois semaines environ après la première injection, sans respecter le délai d'au moins trois mois qui est préconisé par le Laboratoire Dermatech " (p. 22, point 5 et p. 14, point 5) ; qu'en retenant que l'expert aurait établi " une association directe et certaine entre le défaut du produit et le dommage subi ", la cour d'appel a méconnu les termes du rapport d'expertise, en violation de l'article 1134 du code civil ;
2° / que la responsabilité du producteur est soumise à la condition que le demandeur prouve, outre le dommage, le défaut du produit et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ; que le défaut du produit, qui doit être précisément caractérisé, ne peut se déduire de la seule survenance du dommage ; qu'en retenant que le dommage subi par Mme X... aurait mis en évidence une absence de sécurité du produit à laquelle son utilisateur pouvait légitimement s'attendre et, ainsi démontré la défectuosité de celui-ci, la cour d'appel s'est bornée à déduire l'existence d'un défaut du produit du seul dommage subi par Mme X..., sans aucunement caractériser ce défaut ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les articles 1386-4 et 1386-9 du code civil ;
3° / que dans l'appréciation du caractère défectueux d'un produit, il doit être tenu compte " de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit " ; que cette présentation ne peut s'entendre de la simple plaquette publicitaire, mais doit être étendue à la notice d'utilisation de celui-ci ; que la brochure publicitaire du Dermalive comportait la mention expresse " un impératif : demander conseil à votre médecin " ; que ce produit n'était distribué qu'à des médecins ; que la notice d'utilisation du produit indiquait " le praticien doit informer le patient qu'il existe des effets secondaires potentiels …. Parmi ceux-ci : … quelques cas de granulomes inflammatoires … " ; que la cour d'appel a constaté que M. Z..., praticien auquel la notice d'utilisation était destinée, " n'avait pas informé Mme X... de la possible survenue de complications à type de granulomes inflammatoires au décours des injections qui étaient envisagées " ; qu'en retenant néanmoins que l'existence d'une défectuosité du Dermalive aurait été établie au regard du seul contenu de la " brochure d'information à caractère publicitaire " remise à Mme X..., la cour d'appel a violé l'article 1386-4 du code civil ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 1386-4, alinéa 2, du code civil, le défaut d'un produit, au sens de ses articles 1386-1 et suivants, s'apprécie en tenant compte de toutes les circonstances, et notamment de sa présentation ; que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a relevé que, si la notice d'utilisation du Dermalive, remise aux seuls médecins, mentionnait le risque d'effets indésirables tels que ceux survenus, la plaquette d'information, communiquée préalablement à Mme X..., n'en faisait aucun état, malgré leur présence dans la littérature médicale et leur incidence sur un éventuel renoncement de la patiente aux soins ; que par ces seuls motifs, qui rendent surabondantes les critiques des deux premières branches, et mal fondées celles de la troisième, elle a légalement justifié sa décision ;
Sur les deux premiers moyens du pourvoi incident :
Attendu que la cour d'appel a relevé, à la charge de M. Z..., d'après le rapport d'expertise et l'appréciation qu'elle en a faite, une méconnaissance de son obligation d'informer sa patiente sur la possibilité des inflammations effectivement apparues et, par ailleurs, une injection excessive du produit ; que par ces seuls motifs, sa décision de retenir sa responsabilité est légalement justifiée ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal et le troisième moyen, du pourvoi incident, qui sont identiques :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que la réparation d'un dommage, qui doit être intégrale, ne peut excéder le montant du préjudice ; qu'en retenant la perte de la chance d'éviter le dommage, alors qu'elle venait de réparer les conséquences de sa survenance, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 1, du nouveau code de procédure civile, la cassation encourue n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Z... et la société Dermatech à verser à Mme X... la somme de 2 500 euros en réparation du préjudice subi du fait de la perte de chance inhérente au non-respect de l'obligation d'information, l'arrêt rendu le 10 février 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles, le dispositif de la décision étant maintenu pour le surplus ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Laisse à chaque partie à l'instance la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la société Dermatech et M. Z... à payer, chacun, à Mme X... la somme de 1 500 euros ; rejette la demande de la société Dermatech ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille sept.