Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 21 mars 2005), que l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Eria (l'EURL) a entrepris l'édification d'un immeuble proposé à la vente en l'état futur d'achèvement, une garantie d'achèvement étant souscrite auprès de la société Compagnie européenne de garanties immobilières (la CEGI), dans les termes des articles R. 261-17 et suivants du code de la construction et de l'habitation ; que des appartements ont été acquis par les consorts X..., Y..., Z..., A..., B..., C..., D..., E... et F... ; que l'EURL a été placée en liquidation judiciaire, avec la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Bouffard-Mandon comme liquidateur, alors que les travaux n'étaient pas achevés et que les acquéreurs avaient réglé 85 % du prix ; que la CEGI a fait procéder à l'achèvement des ouvrages par la Société européenne de travaux et services, l'une de ses filiales ; que devant le refus des acquéreurs de lui régler le solde du prix d'achat de leur bien, la CEGI les a assignés en paiement de ce solde entre ses mains tandis que les acquéreurs ont sollicité l'allocation de dommages-intérêts pour retards ;
Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu que la CEGI fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des sommes aux acquéreurs, en raison du retard fautif dans l'exécution de l'obligation d'achèvement des travaux, alors, selon le moyen :
1°/ que le garant au sens de l'article R. 261-21 du code de la construction et de l'habitation doit seulement payer les sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble et ne saurait supporter la responsabilité du retard pris par les travaux si celui-ci n'est pas la conséquence d'un manquement à ses propres obligations financières ; qu'en qualifiant l'attitude de la société CEGI de fautive tout en constatant que, dès l'ouverture de la procédure collective matérialisant la défaillance du vendeur, cette dernière avait fait évaluer le coût des travaux dont elle devait financer le coût, la cour d'appel, qui n'a pas fait ressortir en quoi le retard pris par les travaux après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire en décembre 2001 était imputable à l'inexécution en temps utile de ses obligations financières par le garant, a violé le texte susvisé, ensemble l'article 1147 du code civil ;
2°/ qu'en déclarant la société CEGI responsable d'un retard de livraison de vingt-deux mois, de septembre 2002 à juin 2004, tout en constatant que les travaux avaient été terminés et proposés à la réception en avril 2003, la cour d'appel a en toute hypothèse violé l'article R. 261-21 du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la demande d'intervention de la CEGI au titre de l'achèvement des travaux avait été effectuée par courrier du 20 juin 2000, réitéré le 15 novembre 2000, et que le garant n'était intervenu que postérieurement à janvier 2001, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, pu retenir que le retard initial pris par le garant dans l'exécution de ses obligations était fautif ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a souverainement retenu, par motifs propres et adoptés, que le retard avait couvert une période de vingt-deux mois, de septembre 2002 au jour du jugement, compte tenu de la rétention par le garant des clés des appartements, faisant l'objet d'une injonction de remise sous astreinte ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, réunis, après avis de la chambre commerciale :
Vu l'article R. 261-21 du code de la construction et de l'habitation ;
Attendu que la garantie d'achèvement donnée par les établissements financiers prend la forme soit d'une ouverture de crédit, soit d'une convention de cautionnement aux termes de laquelle la caution s'oblige envers l'acquéreur, solidairement avec le vendeur, à payer les sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble ;
Attendu que pour rejeter la demande de la CEGI en paiement à son profit du solde du prix de vente des appartements dû par les acquéreurs, l'arrêt retient qu'aucune disposition légale ne donne au garant d'achèvement un droit au paiement à son profit du solde du prix, et que si l'alinéa final de l'article R. 261-21 du code de la construction et de l'habitation dispose que les versements effectués par le garant sont réputés faits dans l'intérêt de la masse des créanciers, ce texte n'institue pas un droit du garant à percevoir directement le solde du prix d'achat du bien, mais lui permet seulement de s'adresser au liquidateur de la société cautionnée pour procéder sur les fonds dont il dispose au paiement de la créance du garant sur la liquidation, le solde devant dès lors être versé entre les mains du liquidateur ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le garant d'achèvement d'une construction vendue en l'état futur d'achèvement prévu par l'article R. 261-21 du code de la construction et de l'habitation, qui achève ou fait achever en les payant les travaux abandonnés par le constructeur défaillant, est seul fondé à exiger des acquéreurs le solde du paiement du prix de vente encore éventuellement dû par ces derniers, le constructeur en procédure collective n'étant titulaire d'aucune créance à ce titre contre l'acquéreur, la cour d'appel, qui a relevé, par motifs propres et adoptés, que les travaux d'achèvement de l'immeuble avaient été exécutés par la filiale du garant, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la CEGI de ses demandes en paiement des soldes des prix de vente des appartements acquis par Mme C..., Mme Y..., M. A..., M. Z..., M. B..., M. X..., M. E... et Mme F..., en ce qu'il constate que les acquéreurs sont redevables à l'égard de la liquidation judiciaire de l'EURL de sommes au titre de leur achat d'appartement, en ce qu'il les condamne à payer des sommes, après compensation, au mandataire-liquidateur de l'EURL, et en ce qu'il dit irrecevable la demande de la CEGI à l'encontre de la SELARL, l'arrêt rendu le 21 mars 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne la société CEGI aux dépens exposés par les époux D... ;
Condamne, ensemble, les consorts X..., B..., A..., Z..., Y..., C..., Lemaitre et F... et la société Bouffard et Mandon, ès qualités, aux autres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille sept.