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10/07/2007 | FRANCE | N°05-17208

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 juillet 2007, 05-17208


Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 28 avril 2005), que, par lettre du 16 avril 2002, la société Les Moulins de Courteuil a demandé au receveur principal des douanes et droits indirects de Compiègne le remboursement d'une partie de la taxe instituée au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles et portant sur les quantités de farines, semoules et gruaux de blé tendre livrées ou mises en oeuvre en vue de la consommation humaine, qu'elle avait acquittée entre le 1er janvier et le 16 avril 2002, en application de l'article 1618 septies du co

de général des impôts ; que la société invoquait la non-confo...

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 28 avril 2005), que, par lettre du 16 avril 2002, la société Les Moulins de Courteuil a demandé au receveur principal des douanes et droits indirects de Compiègne le remboursement d'une partie de la taxe instituée au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles et portant sur les quantités de farines, semoules et gruaux de blé tendre livrées ou mises en oeuvre en vue de la consommation humaine, qu'elle avait acquittée entre le 1er janvier et le 16 avril 2002, en application de l'article 1618 septies du code général des impôts ; que la société invoquait la non-conformité de la conversion en euros du montant de cette taxe avec les Règlements (CE) n° 1103/97 du Conseil, du 17 juin 1997, fixant certaines dispositions relatives à l'introduction de l'euro et n° 974/98 du Conseil, du 3 mai 1998, concernant l'introduction de l'euro ; qu'elle faisait valoir qu'une conversion stricte des francs en euros aurait dû conduire l'administration à limiter le montant de la taxe à la somme de 15,24 euros représentant 100 francs et non de 16 euros ; que sa réclamation ayant été rejetée, elle a fait assigner le receveur principal aux mêmes fins devant le tribunal grande d'instance ;
Attendu que le directeur général des douanes et droits indirects reproche à l'arrêt d'avoir accueilli la demande, alors, selon le moyen :
1°/ que dès lors qu'aux termes de la loi n° 2001-1276 du 28 décembre 2001, le législateur a modifié la teneur et étendu le champ d'application des dispositions de l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, il doit être réputé avoir ratifié implicitement l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 dans son ensemble, y compris dans ses dispositions n'ayant pas fait l'objet de modification ou d'extension ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 34 et 38 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
2°) que si le Règlement (CE) n° 1103/97 du 17 juin 1997 fixait les modalités de la conversion du franc en euro et si, dès lors, un texte national à caractère réglementaire ayant pour objet d'opérer la conversion ne pouvait s'écarter de ces règles de conversion, en revanche, le législateur, compétent en matière fiscale, était autorisé, à l'occasion de la conversion, à procéder à une modification du montant de l'impôt ; que la ratification produisant des effets rétroactifs, les dispositions résultant de l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 devaient être regardées comme ayant valeur législative du jour de l'intervention de l'ordonnance, et que s'agissant par suite d'un texte ayant pour objet, non seulement d'opérer la conversion, mais également de majorer le montant de l'impôt, les juges du fond ne pouvaient légalement décider que les dispositions ainsi arrêtées étaient contraires au droit communautaire ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 34 et 38 de la Constitution du 4 octobre 1958 ainsi que l'article 4-1 du Règlement (CE) n° 1103/97 du 17 juin 1997 ;
Mais attendu que, par arrêt du 18 janvier 2007 (C-359/05, Estager), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que les Règlements (CE) n° 1103/97 du Conseil, du 17 juin 1997, fixant certaines dispositions relatives à l'introduction de l'euro, et n° 974/98 du Conseil, du 3 mai 1998, concernant l'introduction de l'euro, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui, lors de l'opération de conversion en euros du montant d'une taxe portant sur les quantités de farines, de semoules et de gruaux de blé tendre livrées ou mises en oeuvre en vue de la consommation humaine, a porté celui-ci à un montant supérieur à celui qui aurait résulté de l'application des règles de conversion prévues par ces règlements, à moins qu'une telle augmentation ne respecte les exigences de sécurité juridique et de transparence garantis par les mêmes Règlements, ce qui implique que les textes en cause permettent de distinguer clairement la décision des autorités de l'État membre d'augmenter ce montant de l'opération de conversion en euros du même montant ; que la Cour de justice a ajouté qu'il appartenait à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est le cas dans le litige dont elle est saisie ;
Attendu que l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000, prise en application de la loi d'habilitation n° 2000-517 du 15 juin 2000, porte adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs ; qu'après avoir fixé, en son article 1er, le principe selon lequel, conformément à l'article 14 du Règlement du 3 mai 1998, les montants exprimés en francs figurant dans les textes législatifs autres que ceux relatifs à la Nouvelle-Calédonie, aux territoires d'Outre-mer et aux collectivités territoriales de Saint-Pierre et Miquelon et de Mayotte, sont remplacés, le 1er janvier 2002, par des montants en euros, par application du taux officiel et des règles d'arrondissement communautaires, l'ordonnance précise, en son article 2, qu'afin de faciliter l'application de la législation, les dispositions des chapitres II à VI ont pour objet d'adapter certains montants en euros résultant des règles de conversion mentionnées à l'article 1er ; qu'il résulte de la combinaison de l'article 7, placé sous le chapitre IV relatif à l'adaptation des dispositions en matière fiscale, comptable et douanière, et de l'annexe IV de l'ordonnance du 19 septembre 2000, que le montant en francs figurant dans l'article 1618 septies du code général des impôts, soit 100 francs, est remplacé par 16 euros ;
Attendu qu'en l'état des références faites, tant par l'intitulé que par le contenu de la loi d'habilitation et de l'ordonnance prise en application de cette loi, à l'adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs ainsi qu'aux règles de conversion résultant des dispositions communautaires applicables en l'espèce, à l'exclusion de toute référence claire à la décision des autorités de l'Etat de procéder à une augmentation simultanée du montant de la taxe litigieuse, la cour d'appel a décidé à bon droit que la société était fondée à demander le remboursement de la partie excédentaire des sommes versées, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le directeur général des douanes et droits indirects aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Les Moulins de Courteuil la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par Mme Garnier, conseiller doyen qui en a délibéré, en remplacement du président, en l'audience publique du dix juillet deux mille sept.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 05-17208
Date de la décision : 10/07/2007
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

COMMUNAUTE EUROPEENNE - Politique économique et monétaire - Règlements (CE) n° 1103/97 et 974/98 - Introduction de l'euro - Conversion entre unités monétaires nationales et unité euro - Application par l'Etat membre - Modalités - Détermination

IMPOTS ET TAXES - Contributions indirectes - Recouvrement - Taxe instituée au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles - Augmentation lors de la conversation du franc en euros - Violation des Règlements communautaires - Effet

Par arrêt du 18 janvier 2007 (C-359/05, Estager), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que les Règlements (CE) n° 1103/97 du Conseil, du 17 juin 1997, fixant certaines dispositions relatives à l'introduction de l'euro, et n° 974/98 du Conseil, du 3 mai 1998, concernant l'introduction de l'euro, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui, lors de l'opération de conversion en euros du montant d'une taxe portant sur les quantités de farines, de semoules et de gruaux de blé tendre livrées ou mises en oeuvre en vue de la consommation humaine, a porté celui-ci à un montant supérieur à celui qui aurait résulté de l'application des règles de conversion prévues par ces règlements, à moins qu'une telle augmentation ne respecte les exigences de sécurité juridique et de transparence garanties par les mêmes Règlements, ce qui implique que les textes en cause permettent de distinguer clairement la décision des autorités de l'État membre d'augmenter ce montant de l'opération de conversion en euros du même montant. La Cour de justice a ajouté qu'il appartenait à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est le cas dans le litige dont elle est saisie. En l'état des références faites, tant par l'intitulé que par le contenu de la loi d'habilitation n° 2000-517 du 15 juin 2000 et de l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000, prise en application de cette loi, à l'adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs ainsi qu'aux règles de conversion résultant des dispositions communautaires susvisées, à l'exclusion de toute référence claire à la décision des autorités de l'Etat de procéder à une augmentation simultanée du montant de la taxe litigieuse, une cour d'appel a décidé à bon droit qu'une société était fondée à demander le remboursement de la partie des sommes versées à l'administration des douanes et droits indirects, au titre de la taxe instituée au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles et portant sur les quantités de farines, semoules et gruaux de blé tendre livrées ou mises en oeuvre en vue de la consommation humaine, qui excède le montant qui aurait résulté de l'application des règles de conversion prévues par les dispositions communautaires en cause


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 28 avril 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 jui. 2007, pourvoi n°05-17208, Bull. civ. 2007, IV, N° 187
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2007, IV, N° 187

Composition du Tribunal
Président : M. Tricot
Avocat général : M. Main
Rapporteur ?: M. Truchot
Avocat(s) : Me Foussard, Me Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:05.17208
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