Sur les trois moyens réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 mars 2005), que la société indonésienne PT Putrabali Adyamulia a vendu à la société française Est épices (devenue Rena Holding) du poivre blanc, marchandise qui a été perdue lors d'un naufrage au cours du transport ; que, conformément à la clause d'arbitrage stipulée dans le contrat, se référant au règlement d'arbitrage de l'International general produce association (IGPA), la société Putrabali a saisi cet organisme ; que l'IGPA a mis en place à Londres un arbitrage qui a donné lieu à une sentence, rendue le 10 avril 2001, par laquelle le collège d'arbitres, statuant au second degré, a jugé que la société Rena était fondée à refuser de payer le prix ; que, sur le recours exercé "sur un point de droit" par la société Putrabali devant la High Court de Londres en vertu de l'Arbitration Act de 1996, le juge a partiellement annulé la sentence, et jugé que le défaut de paiement du prix constituait une violation du contrat ; que, sur renvoi à l'arbitrage, une nouvelle sentence est intervenue le 21 août 2003, portant condamnation de la société Rena Holding à payer à la société Putrabali la somme de 163 086,04 euros ;
Attendu que la sentence du 10 avril 2001 ayant été revêtue de l'exequatur par le président du tribunal de grande instance de Paris à la demande de la société Rena Holding, la société Putrabali fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'appel de la décision d'exequatur, alors, selon les moyens :
1°/ que l'obligation de loyauté s'oppose à ce qu'une partie puisse solliciter l'exequatur d'une sentence arbitrale dès lors que, conformément à la volonté des parties quant au déroulement de l'arbitrage, une seconde sentence s'est substituée au document présenté à l'exequatur préalablement à la saisine du juge et l'a privé de toute valeur juridique ; qu'en présentant à l'exequatur un document présenté comme "sentence du 10 avril 2001", quand le collège arbitral du second degré, qui avait d'abord rendu cette sentence, avait ensuite réexaminé l'affaire en conséquence de la remise en cause par le juge anglais de ce premier acte et avait substitué à cet acte du 10 avril 2001 une seconde sentence en date du 21 août 2003 et portant le même numéro, la société Est épices, aujourd'hui Rena Holding, a manqué à son obligation de loyauté ; qu'en accueillant sa demande comme recevable, les juges du fond ont violé l'article 30 du nouveau code de procédure civile, ensemble le principe de loyauté qui régit toute procédure, y compris la procédure d'exequatur ;
2°/ que caractérise un abus de droit le fait pour une partie de solliciter l'exequatur d'une sentence arbitrale dès lors que, conformément à la volonté des parties quant au déroulement de l'arbitrage, une seconde sentence s'est substituée au document présenté à l'exequatur préalablement à la saisine du juge et l'a privé de toute valeur juridique ; qu'en requérant l'exequatur d'un document présenté comme "sentence du 10 avril 2001" alors que, conformément à la volonté des parties, le collège arbitral, après avoir réexaminé l'affaire, avait rendu une seconde sentence le 21 août 2003, portant le même numéro et privant de toute valeur juridique la première, la société Est épices, devenue société Rena Holding, a abusé du droit de solliciter l'exequatur ; qu'en accueillant la demande comme recevable en dépit de cet abus de droit, les juges du fond ont violé l'article 30 du nouveau code de procédure civile et les règles régissant l'abus de droit ;
3°/ que la règle suivant laquelle l'annulation d'une sentence arbitrale dans un Etat étranger ne tient pas en échec le droit pour la partie intéressée de solliciter en France son exequatur n'avait pas vocation à s'appliquer en l'espèce ; qu'en effet, après remise en cause par le juge anglais de la sentence du 10 avril 2001, le collège arbitral qui avait rendu cette sentence a réexaminé l'affaire et rendu le 21 août 2003 une autre sentence portant le même numéro, se substituant à la première et la privant de toute valeur juridique, et ce conformément à la volonté des parties ; qu'à cet égard également, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 30 du nouveau code de procédure civile, du principe d'autonomie, des articles 1494, 1498, 1499 et 1502 du nouveau code de procédure civile ;
4°/ que seul mérite la qualification de sentence et peut dès lors donner lieu à exequatur l'acte qui, dans le processus arbitral voulu par les parties, est destiné à fixer définitivement leurs droits et obligations ; qu'en décidant que le document présenté comme une "sentence" du 10 avril 2001 pouvait recevoir l'exequatur quand, conformément au processus arbitral voulu par les parties, le collège arbitral ayant rendu la première décision avait substitué à celle-ci une seconde décision portant le même numéro, désormais seule constitutive d'une sentence et qui seule fixait définitivement la situation des parties, les juges du fond ont violé la règle suivant laquelle seule une décision susceptible de lier les parties peut être qualifiée de sentence arbitrale dans le cadre des règles de l'exequatur, ensemble les articles 1498, 1499 et 1502 du nouveau code de procédure civile ;
5°/ que la règle suivant laquelle l'annulation d'une sentence dans un Etat étranger ne tient pas en échec le droit pour la partie intéressée de solliciter en France son exequatur n'avait pas vocation à s'appliquer en l'espèce ; qu'en effet, après remise en cause de la sentence du 10 avril 2001, le collège arbitral, qui avait rendu cette décision, a réexaminé l'affaire et rendu une autre sentence le 21 août 2003, se substituant à la première, portant le même numéro et la privant de toute valeur juridique, et ce conformément à la volonté des parties ; qu'à cet égard également, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 30 du nouveau code de procédure civile, du principe d'autonomie et des articles 1494, 1498, 1499 et 1502 du nouveau code de procédure civile ;
6°/ que la reconnaissance ou l'exécution forcée d'un document présenté comme "sentence arbitrale" est contraire à l'ordre public international chaque fois que, conformément à ce qu'ont voulu les parties, et avant même que le juge soit saisi, une autre sentence a été rendue par l'arbitre, portant le même numéro et se substituant au document présenté au juge français en vue de sa reconnaissance ou de son exequatur ; qu'il était dès lors contraire à l'ordre public international d'accorder l'exequatur au document présenté comme "sentence" du 10 avril 2001 à partir du moment où, comme l'avaient voulu les parties, le collège arbitral avait substitué à cette "sentence" une autre sentence en date du 21 août 2003 portant le même numéro et privant de toute valeur juridique la première ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 1498 et 1502 du nouveau code de procédure civile, ensemble l'ordre public international tel qu'il est applicable dans le cadre de la procédure d'exequatur ;
7°/ que la règle suivant laquelle l'annulation d'une sentence arbitrale dans un Etat étranger ne tient pas en échec le droit pour la partie intéressée de solliciter en France son exequatur n'avait pas vocation à s'appliquer en l'espèce ; qu'en effet, après remise en cause de la sentence du 10 avril 2001, le collège arbitral qui avait rendu cette sentence a réexaminé l'affaire et rendu une autre sentence le 21 août 2003, se substituant à la première, portant le même numéro et la privant de toute valeur juridique, et ce conformément à la volonté des parties ; qu'à cet égard également, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 30 du nouveau code de procédure civile, du principe d'autonomie et des articles 1494, 1498, 1499 et 1502 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que la sentence internationale, qui n'est rattachée à aucun ordre juridique étatique, est une décision de justice internationale dont la régularité est examinée au regard des règles applicables dans le pays où sa reconnaissance et son exécution sont demandées ; qu'en application de l'article VII de la Convention de New York du 10 janvier 1958, la société Rena Holding était recevable à présenter en France la sentence rendue à Londres le 10 avril 2001 conformément à la convention d'arbitrage et au règlement de l'IGPA, et fondée à se prévaloir des dispositions du droit français de l'arbitrage international, qui ne prévoit pas l'annulation de la sentence dans son pays d'origine comme cause de refus de reconnaissance et d'exécution de la sentence rendue à l'étranger ;
Que dès lors, c'est sans encourir les griefs du pourvoi que la cour d'appel a décidé que la sentence du 10 avril 2001 devait recevoir l'exequatur en France ;
Qu'aucun des moyens n'est fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société PT Putrabali Adyamulia aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille sept.