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28/06/2007 | FRANCE | N°06-11171

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 28 juin 2007, 06-11171


Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Toulouse,2 décembre 2005), que MM.X... et Laurent Y..., Mmes Madeleine de Z..., Chantal A... et Meriem B... (les consorts Y...), n'ayant pas reçu de M.C... le prix des actions d'une société Minoterie électrique de Gaillac (la société Meg) qu'ils lui avaient vendues, ont confié à M.D..., avocat, par l'intermédiaire de M.E..., leur mandataire, la défense de leurs intérêts en vue du recouvrement des sommes dues au titre de la vente des actions et au titre des créance

s en compte courant qu'ils détenaient sur la société ; que M.D... ...

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Toulouse,2 décembre 2005), que MM.X... et Laurent Y..., Mmes Madeleine de Z..., Chantal A... et Meriem B... (les consorts Y...), n'ayant pas reçu de M.C... le prix des actions d'une société Minoterie électrique de Gaillac (la société Meg) qu'ils lui avaient vendues, ont confié à M.D..., avocat, par l'intermédiaire de M.E..., leur mandataire, la défense de leurs intérêts en vue du recouvrement des sommes dues au titre de la vente des actions et au titre des créances en compte courant qu'ils détenaient sur la société ; que M.D... a fait approuver par le mandataire un accord sur le mode de calcul de ses honoraires ; qu'une sentence arbitrale du 12 octobre 2002 a condamné M.C... et la société à payer aux consorts Y... des sommes qui ont été ultérieurement réglées ; que l'honoraire complémentaire de résultat convenu a été approuvé par le mandataire et payé à M.D... ; que par arrêt rendu le 30 septembre 2004 sur appel de M.C... et sur la tierce opposition incidente de la société Dadou développement (la société Dadou), venue aux droits de la société Meg, la cour d'appel a rejeté l'action de M.C... et, sur la tierce opposition, a rétracté la sentence arbitrale en ce qu'elle portait condamnation à la charge de la société Meg au titre des comptes courants ; que sur l'action en justice des consorts Y... en paiement des soldes de ces comptes courants, la société Dadou a acquiescé et leur a payé les montants arrêtés dans la sentence arbitrale ; que les consorts Y... ont alors saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats d'une demande tendant à la répétition d'une fraction des honoraires versés à M.D... ;
Attendu que M.D... fait grief à l'ordonnance de l'avoir condamné à restituer aux consorts Y... la somme de 10 294 euros à titre de trop-perçu sur l'honoraire complémentaire de résultat, alors, selon le moyen :
1° / qu'est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu ; que cette convention, qui définit les conditions et l'étendue du résultat à obtenir, fait la loi des parties ; qu'en l'espèce, M.D... a reçu, par acte du 8 avril 2002, mission de représenter les consorts Y... exclusivement " lors de la signature du compromis d'arbitrage " et " lors de la procédure d'arbitrage elle-même (...) aux fins de faire toute déclaration, procédure, produire toutes pièces justificatives, documents ou mémoires, conclusions, etc. devant le tribunal arbitral, et signer tous documents qu'il jugera nécessaire, et de payer ou percevoir toutes sommes pour le compte de ses mandants, et de faire son affaire de la répartition entre eux " ; qu'au regard de cette mission, un honoraire de résultat a été convenu avec M.E... (lettre du 18 mars 2002), " sur les sommes éventuellement allouées par le tribunal arbitral d'un montant de six points HT " ; que le premier président, qui a pris acte de cet accord, a relevé que la sentence arbitrale du 12 décembre 2002 avait alloué des sommes aux consorts Y... ; qu'il s'ensuivait qu'au terme de la mission de M.D... l'éventualité prévue s'était réalisée grâce à ses diligences, en sorte que l'honoraire de résultat lui était dû, selon le pourcentage convenu ; qu'en décidant néanmoins de faire droit à la demande de M.Y... et de condamner M.D... à lui restituer partie des sommes versées en connaissance de cause, le premier président, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 10, alinéa 3, de la loi n° 91-647 du 31 décembre 1971 ;
2° / que pour justifier sa décision, le premier président a retenu que l'honoraire de résultat ne se comprend qu'après résultat définitif ; qu'en l'espèce, ce résultat définitif a été conventionnellement défini comme l'allocation éventuelle de sommes, imprécisées dans leur montant et leur nature, dans le seul cadre du jugement (lui-même définitif) d'arbitrage, l'honoraire de résultat étant suspendu au risque de ne pas l'obtenir ; que ce résultat a été atteint, marquant ainsi la fin de la mission de M.D... ; que la rétractation ultérieurement prononcée est sans effet sur cette obtention, que ladite rétractation n'a d'ailleurs pas porté atteinte puisque la procédure ultérieure n'a fait que consacrer le jugement arbitral au profit des consorts Y..., totalement remplis de leurs droits ; qu'en décidant dès lors d'accueillir la demande de M.Y..., quand le résultat définitif dont dépendait l'honoraire de résultat, tel qu'il avait été fixé par la convention initiale, avait été atteint dans la procédure même de l'arbitrage en laquelle s'était achevée la mission de M.D..., le premier président a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 10, alinéa 3, de la loi n° 91-647 du 31 décembre 1971 ;
3° / que la sentence arbitrale, qui a, dès son prononcé, autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'elle tranche, est définitive lorsque que, comme en l'espèce, le juge a statué comme amiable compositeur, en sorte que le résultat qui y est obtenu doit être rémunéré comme il en a été conventionnellement décidé ; que l'existence d'une tierce opposition ne saurait être considérée comme un obstacle au prononcé d'une solution définitive dès lors qu'en raison du régime des prescriptions qui lui sont applicables 30 ans au minimum, cette solution conduirait à rendre impossible le recouvrement des honoraires de résultat ; qu'en se déterminant dès lors comme elle l'a fait, pour faire droit à la demande présentée par M.Y..., en dépit de la survenance de la décision rendue par le tribunal arbitral, qui a mis définitivement fin à l'instance, le premier président a violé les articles 544, alinéa 2, et 1482 du nouveau code de procédure civile, ensemble l'article 10, alinéa 3, de la loi n° 91-647 du 31 décembre 1971 ;
4° / qu'une sentence arbitrale rendue par amiable composition est, sauf accord contraire non survenu en l'espèce, définitive et, comme telle, nécessairement exécutoire ; qu'ainsi le caractère exécutoire de la sentence, loin de s'opposer à son caractère définitif, en est la conséquence ; que pour justifier encore sa décision, le premier président a jugé que les honoraires versés à M.D... ne pouvaient constituer la rémunération d'un service rendu dès lors qu'ils n'ont été fixés qu'en fonction d'un projet de répartition qui n'est intervenu que parce que la sentence arbitrale était exécutoire, la sentence, quant à elle, n'étant pas définitive ; qu'en décidant dès lors de faire droit à la demande de M.Y... malgré la constatation du caractère exécutoire de la décision, qui impliquait ici son caractère définitif, le premier président, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 10, alinéa 3, de la loi n° 91-647 du 31 décembre 1971 ;
5° / qu'il n'appartient pas aux juges du fond de réduire le montant de l'honoraire de résultat dès lors que son principe et son montant ont été acceptés et réglés par le client après service rendu ; qu'à partir du moment où les clients d'un avocat ont accepté, au regard d'un certain résultat objectif, et en connaissance de cause, de rémunérer ses services, l'honoraire ainsi fixé, qui rémunère des diligences effectivement accomplies, ont nécessairement été accomplies après service rendu et sont de ce chef exigibles ; qu'en l'espèce, les honoraires de M.D... ont été approuvés tant par M. E... et les consorts Y... le 18 mars 2003, comme l'a constaté le premier président, alors qu'un recours en nullité avait été déjà introduit depuis le 4 décembre 2002, comme M.D... l'a relevé dans ses écritures ; qu'il s'ensuivait que les consorts Y... avaient accepté, en connaissance de cause, au regard du résultat obtenu, que l'honoraire de résultat demandé soit versé, sans que la circonstance procédurale nouvelle ait été de nature à remettre en cause cette acceptation ; qu'en décidant dès lors, pour faire droit à la demande de M. Nicolas Y..., au mépris de ces accords, et malgré ses propres constatations, qu'il " ne peut être retenu que les honoraires ont été réglés après service rendu ", le premier président a derechef violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 10, alinéa 3, de la loi n° 91-647 du 31 décembre 1971 ;
Mais attendu que l'ordonnance retient que la convention d'honoraires résulte d'un courrier du 18 mars 2002 de M.D..., accepté par M.E..., fixant les honoraires à 5 500 euros HT, outre un honoraire de résultat sur les sommes éventuellement allouées par le tribunal arbitral de 6 % HT ; que la sentence arbitrale du 12 décembre 2002 a condamné M.C... au paiement de 236 182 euros, et la société Meg à celle de 143 454 euros ; que, par arrêt du 30 septembre 2004, la cour d'appel a déclaré recevable la tierce opposition incidente formée par la société Dadou et a rétracté la sentence arbitrale en ce qu'elle condamnait la société Meg à payer aux consorts Y... la somme de 110 609,23 euros outre intérêts ; que l'honoraire de résultat ne se comprend qu'après résultat définitif ; que la somme allouée par la sentence, du fait de l'arrêt de la cour d'appel, a été réduite de 110 609,23 euros ; que M.D... ne peut se prévaloir d'un projet de répartition des fonds fixant ses honoraires approuvé par les consorts Y... le 18 mars 2003, alors qu'à cette date, la sentence n'était pas irrévocable, et que la répartition n'est intervenue qu'en raison de l'exécution provisoire dont elle était assortie, les consorts Y... ayant été déboutés de leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire ; qu'il ne peut donc être retenu que les honoraires ont été réglés après service rendu ; qu'en application de la convention d'honoraires et en contemplation des sommes allouées par la sentence arbitrale après l'arrêt de la cour d'appel, M.D... doit restituer la somme de 10 294 euros correspondant à l'honoraire de 6 % appliqué à la somme de 143 454 euros ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, découlant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve débattus, le premier président a exactement décidé que les termes de la convention d'honoraires n'autorisaient la perception d'un honoraire complémentaire de résultat que sur la base des sommes définitivement allouées aux clients par l'effet d'une sentence arbitrale irrévocable, et, ayant, à bon droit, exclu que cet honoraire ait été payé par les clients après service rendu, en a limité le montant au seul résultat obtenu ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M.D... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de M.D... ; le condamne à payer à M.Y... la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille sept.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 06-11171
Date de la décision : 28/06/2007
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

AVOCAT - Honoraires - Contestation - Convention d'honoraires - Honoraires complémentaires - Validité - Conditions - Détermination - Portée

AVOCAT - Honoraires - Contestation - Honoraires de résultat - Paiement - Conditions - Décision mettant fin à l'instance AVOCAT - Honoraires - Contestation - Convention d'honoraires - Honoraires convenus - Réduction - Pouvoirs des juges - Etendue - Détermination - Portée

Aux termes de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, est licite la convention passée entre l'avocat et son client qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu. Selon une jurisprudence constante, cet honoraire de résultat prévu par la convention préalable n'est dû que lorsqu'il a été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable. Ayant constaté que la somme allouée par une sentence arbitrale avait été réduite, du fait de l'arrêt de la cour d'appel, saisie sur appel-nullité et tierce opposition incidente, et énoncé que l'honoraire de résultat ne se comprend qu'après résultat définitif, le premier président d'une cour d'appel a exactement décidé que les termes de la convention d'honoraires n'autorisaient la perception d'un honoraire complémentaire de résultat que sur la base des sommes définitivement allouées au client par l'effet d'une sentence arbitrale irrévocable, et en a, à bon droit, limité le montant au seul résultat obtenu, en ordonnant la restitution par l'avocat du trop-perçu sur l'honoraire complémentaire de résultat


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 02 décembre 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 28 jui. 2007, pourvoi n°06-11171, Bull. civ. 2007, II, N° 173
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2007, II, N° 173

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Maynial (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Bizot
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Vuitton

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:06.11171
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