La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/06/2007 | FRANCE | N°02-31241

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 juin 2007, 02-31241


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Laboratoires Boiron (la société), qui produit des spécialités homéopathiques, a déclaré à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (l'ACOSS) la part de son chiffre d'affaires réalisée par vente directe aux pharmacies, au titre des années 1998 et 1999, servant de base à la contribution prévue par l'article 12 de la loi n° 97-1164 du 19 décembre 1997 de financement de la sécurité sociale pour 1998 (la contribution), devenu l'article L. 245-6-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable en la ca

use ; que l'ACOSS, considérant qu'une partie des ventes de la société, bi...

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Laboratoires Boiron (la société), qui produit des spécialités homéopathiques, a déclaré à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (l'ACOSS) la part de son chiffre d'affaires réalisée par vente directe aux pharmacies, au titre des années 1998 et 1999, servant de base à la contribution prévue par l'article 12 de la loi n° 97-1164 du 19 décembre 1997 de financement de la sécurité sociale pour 1998 (la contribution), devenu l'article L. 245-6-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable en la cause ; que l'ACOSS, considérant qu'une partie des ventes de la société, bien qu'étant réalisées par l'intermédiaire des grossistes répartiteurs, constituait des ventes directes soumises à la contribution, a procédé à un redressement ; que la société a payé les sommes réclamées avant d'en demander le remboursement ; qu'en l'absence de réponse, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, faisant valoir que la contribution constituait une aide d'Etat illicite au regard de l'article 92 du Traité instituant la Communauté européenne, devenu, après modification, l'article 87 CE ;

Sur la quatrième branche du premier moyen, qui est préalable :

Vu l'article 87 § 1 du Traité instituant la Communauté européenne ;

Attendu que, pour rejeter la demande formée par la société, l'arrêt retient que la constatation de l'existence d'une aide illégale ou discriminatoire, parce que non autorisée par la Commission des Communautés européennes lors de son octroi sous forme de l'assujettissement de certains producteurs au paiement de redevances, alors que d'autres en sont exonérés, ne peut pas entraîner le non-assujettissement rétroactif à ces redevances des producteurs qui y sont assujettis, seul le remboursement de l'aide obtenue par son bénéficiaire étant de nature à rétablir l'équilibre du marché, que la seule sanction de l'instauration d'une aide d'Etat irrégulière au profit des grossistes répartiteurs serait la suppression de l'aide dont ils ont bénéficié ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans un arrêt du 7 septembre 2006 (Laboratoires Boiron, C-526/04), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que le droit communautaire doit être interprété en ce sens qu'un laboratoire pharmaceutique redevable d'une contribution telle que celle prévue à l'article 12 de la loi n° 97-1164 du 19 décembre 1997 est en droit d'exciper de ce que l'absence d'assujettissement des grossistes répartiteurs à cette contribution constitue une aide d'Etat pour obtenir la restitution de la partie des sommes versées qui correspond à l'avantage économique injustement obtenu par ces grossistes, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 87 § 1 du Traité instituant la Communauté européenne ;

Attendu que la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit : que ce texte doit être interprété en ce sens qu'une mesure telle que celle prévue à l'article 12 de la loi n° 97-1164 du 19 décembre 1997, de financement de la sécurité sociale pour 1998, en ce qu'elle grève uniquement les ventes directes de médicaments réalisées par les laboratoires pharmaceutiques, ne constitue une aide d'Etat aux grossistes répartiteurs que dans la mesure où l'avantage qu'ils tirent du non-assujettissement à la taxe sur les ventes directes de médicaments excède les surcoûts qu'ils supportent pour l'accomplissement des obligations de service public qui leur sont imposées par la législation nationale (arrêt du 22 novembre 2001, Ferring, C-53/00) ; qu'aux fins de l'application de ce critère, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier la réunion des conditions précisées dans l'arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C-280/00) ; qu'afin d'assurer le respect du principe d'effectivité, le juge national, s'il constate que le fait de faire supporter, en application de règles de droit national, au laboratoire auteur de la demande de remboursement la charge de la preuve d'une surcompensation au profit des grossistes répartiteurs, et donc du caractère d'aide d'Etat de la taxe sur les ventes directes, est susceptible de rendre impossible ou excessivement difficile l'administration d'une telle preuve, du fait notamment que celle-ci porte sur des données dont un tel laboratoire ne peut disposer, est tenu d'avoir recours à tous les moyens procéduraux mis à sa disposition par le droit national, au nombre desquels figure celui d'ordonner les mesures d'instruction nécessaires, y compris la production par l'une des parties ou par un tiers d'un acte ou d'une pièce (arrêt du 7 septembre 2006, Laboratoires Boiron, C-526/04) ;

Attendu que, pour rejeter la demande, au motif que l'avantage accordé aux grossistes répartiteurs n'excède pas les conséquences financières des obligations de service public qui leur sont imposées, l'arrêt retient que la contribution a été instituée au faible taux de 2,5 %, ramené à 1,5 % pour certains médicaments, les médicaments génériques en étant exonérés, que ce taux particulièrement modeste ne constitue pour les grossistes répartiteurs qu'un faible avantage, qu'en revanche, les obligations de service public à la charge de ces derniers sont importantes puisqu'ils doivent disposer de 90 % des stocks des médicaments vendus par leurs soins et assurer l'approvisionnement de toutes les officines sur tout le territoire au moins une fois par jour ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, alors qu'il lui appartenait, au besoin par une mesure d'instruction, de rechercher sur des bases de calcul préalablement établies de façon objective et transparente, en procédant à une analyse des coûts qu'une entreprise moyenne aurait encourus pour exécuter ses obligations de service public tenant compte des recettes et d'un bénéfice raisonnable, si la compensation résultant de l'exonération de la taxe ne dépassait pas ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution de ces obligations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 octobre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne l'URSSAF de Lyon aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille sept.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 02-31241
Date de la décision : 26/06/2007
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

COMMUNAUTE EUROPEENNE - Concurrence - Aide d'Etat - Taxe sur les ventes directes de médicaments réalisées par les laboratoires pharmaceutiques - Preuve - Administration - Conditions - Détermination

Afin d'assurer le respect du principe d'effectivité, le juge national, s'il constate que le fait de faire supporter, en application de règles de droit national, au laboratoire auteur de la demande de remboursement la charge de la preuve d'une surcompensation au profit des grossistes répartiteurs, et donc du caractère d'aide d'Etat de la taxe sur les ventes directes, est susceptible de rendre impossible ou excessivement difficile l'administration d'une telle preuve, du fait notamment que celle-ci porte sur des données dont un tel laboratoire ne peut disposer, est tenu d'avoir recours à tous les moyens procéduraux mis à sa disposition par le droit national, au nombre desquels figure celui d'ordonner les mesures d'instruction nécessaires, y compris la production par l'une des parties ou par un tiers d'un acte ou d'une pièce (CJCE, 7 septembre 2006, Laboratoires Boiron, affaire n° C-526/04). Il appartient aux juges du fond, au besoin par une mesure d'instruction, de rechercher sur des bases de calcul préalablement établies de façon objective et transparente, en procédant à une analyse des coûts qu'une entreprise moyenne aurait encourus pour exécuter ses obligations de service public en tenant compte des recettes et d'un bénéfice raisonnable, si la compensation résultant de l'exonération de la taxe ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution de ces obligations


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 29 octobre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 jui. 2007, pourvoi n°02-31241, Bull. civ. 2007, IV, N° 174
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2007, IV, N° 174

Composition du Tribunal
Président : M. Tricot
Avocat général : M. Jobard
Rapporteur ?: M. Truchot
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Parmentier et Didier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:02.31241
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award