N° 3427
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq juin deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GUIHAL, les observations de la société civile professionnelle BACHELLIER et POTIER de la VARDE, de la société civile professionnelle PARMENTIER et DIDIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRÉCHÈDE ;
REJET du pourvoi formé par X... Claude, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de Papeete, chambre correctionnelle, en date du 24 novembre 2005, qui, dans la procédure suivie contre Nelly Y... du chef d'entrave à la liberté des enchères, a constaté l'extinction de l'action publique par la prescription ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 34 de la Constitution, de l'article R. 931-5 du code de l'organisation judiciaire, des articles 510,591,593 et 804 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt a été rendu par la cour d'appel de Papeete composée de M.Z..., " vice président placé, assurant en l'absence d'affectation temporaire ses fonctions au tribunal de première instance de Papeete régulièrement appelé à compléter la cour en l'absence des autres magistrats de cette juridiction empêchés ou absents du territoire " ;
" alors, d'une part, qu'il résulte de l'article 510 du code de procédure pénale, auquel il n'est apporté aucune dérogation par les articles 835 du même code ou par toute autre disposition de nature législative, que la cour d'appel de Papeete est composée d'un président et de deux conseillers ; que la cour d'appel étant irrégulièrement composée en raison de la présence de M.Z..., vice président placé au tribunal de première instance, l'arrêt est nul ;
" alors, d'autre part, que la procédure pénale relève du domaine de la loi de sorte que les dispositions de l'article R. 931-5 du code de l'organisation judiciaire, qui autorisent pour la cour d'appel de Papeete le remplacement d'un conseiller empêché par un magistrat du tribunal de première instance, ne peuvent, en raison de leur nature réglementaire, venir déroger aux dispositions de nature législative prévues par l'article 510 du code de procédure pénale ; que l'arrêt est donc nul " ;
Attendu que les mentions de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel était constituée conformément aux prescriptions de l'article 510 du code de procédure pénale et à celles, non contraires, de l'article R. 931-5 du code de l'organisation judiciaire ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-6 du code pénal,8 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré l'action publique prescrite, a prononcé la relaxe du prévenu et a débouté les consorts X... de leur demande tendant à l'annulation de l'adjudication, en date du 13 décembre 1995 ;
" aux motifs que Nelly Y..., qui s'était portée adjudicataire, le 13 décembre 1995, d'un bien immobilier appartenant aux consorts X..., a remis, le 15 décembre 1995, à un certain A..., conseil juridique apparemment en relation avec le débiteur saisi et propriétaire du bien mis aux enchères un chèque de 10 millions de francs CFP exigé semble-t-il par ce dernier pour ne plus faire de difficultés, ne plus faire référence à un compromis de vente du bien litigieux passé antérieurement avec le père de la prévenue et pour évacuer sans difficulté les lieux ; que le soit transmis daté du 22 décembre 1998 adressé par le procureur de la République au commissaire de police de Papeete pour audition des plaignants est interruptif de prescription mais qu'à cette date, le délit reproché à Nelly Y..., à le supposer établi par la remise du chèque de 10 millions de francs CFP, le 15 décembre 1995, était déjà prescrit par l'écoulement d'un délai de trois ans ;
" alors, d'une part, que le délit d'entrave aux enchères par la mise à l'écart d'un éventuel acquéreur n'est consommé qu'à la date où expire le délai offert à cet éventuel acquéreur pour surenchérir ; qu'il résulte des articles 410 et suivant du code de procédure civile de la Polynésie française que toute personne peut faire une surenchère dans les dix jours de l'adjudication ; qu'ayant retenu que la prévenue s'était portée adjudicataire le 13 décembre 1995, ce dont il résulte qu'une surenchère était possible jusqu'au 23 décembre 1995 et que le délit n'était consommé qu'à cette dernière date, la cour d'appel, en déclarant le délit prescrit au 22 décembre 1998, soit moins de trois ans après, a violé les articles 313-6 du code pénal et 8 du code de procédure pénale ;
" alors, d'autre part, qu'en se bornant à se référer à la date à laquelle la prévenue a remis un chèque à un intermédiaire sans rechercher celle à laquelle, du fait de la remise de ce chèque, les consorts X... ont renoncé à leur projet de surenchère, projet qu'ils pouvaient encore réaliser jusqu'au 23 décembre 1995, soit moins de trois ans avant le premier acte interruptif de prescription, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Nelly Y..., adjudicataire d'un immeuble vendu le 13 décembre 1995 sur saisie immobilière, a été renvoyée devant la juridiction correctionnelle du chef d'entrave à la liberté des enchères pour avoir, le 15 décembre 1995, remis à un intermédiaire un chèque de 10 millions de francs CFP, en contrepartie duquel il était convenu que les consorts X... renonceraient à surenchérir ;
Attendu que, pour fixer au 15 décembre 1995 le point de départ de la prescription, l'arrêt retient qu'aucun fait postérieur à la remise du chèque ne peut être reproché à la prévenue et que les consorts X... avaient eu connaissance des faits dès l'origine ainsi qu'en témoignait l'indication dans leur plainte que la somme de 10 millions de francs CFP avait été versée par les consorts Y... sur un compte ouvert auprès de la caisse autonome de règlement pécuniaire des avocats, afin d'éviter toute surenchère ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine des faits contradictoirement débattus, d'où il se déduit que l'infraction a été commise le 15 décembre 1995 par la remise de la somme convenue, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, l'entrave aux enchères publiques est un délit instantané, consommé par l'acceptation d'un don ou d'une promesse en contrepartie de la renonciation à enchérir ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
DECLARE IRRECEVABLES les demandes présentées par Claude X... et Nelly Y... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, Mme Guihal conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;