La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/05/2007 | FRANCE | N°06-84713

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 mai 2007, 06-84713


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mai deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD et TRICHET, Me ROUVIÈRE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHARPENEL ;
REJET du pourvoi formé par Y... Pierre-Olivier, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 18 mai 2006, qui, dans la procédure suivie contre lui pour diffamation publique envers des

personnes dépositaires de l'autorité publique, a prononcé sur ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mai deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD et TRICHET, Me ROUVIÈRE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHARPENEL ;
REJET du pourvoi formé par Y... Pierre-Olivier, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 18 mai 2006, qui, dans la procédure suivie contre lui pour diffamation publique envers des personnes dépositaires de l'autorité publique, a prononcé sur les intérêts civils et ordonné une mesure de publication ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 23,29,30,31,42,43,47 et 48 de la loi du 29 juillet 1881,121-1 et 121-3 du code pénal,2,3,427,485,512,591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué, statuant sur les intérêts civils, a condamné le demandeur à payer à chacune des parties civiles la somme de 1 euro à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice moral, outre la somme de 400 euros en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
" aux motifs que si, en réponse à la deuxième question du journaliste, Laurent X..., Pierre-Olivier Y... déclare qu'il ne " dénonce personne, ni le juge, ni les policiers " et qu'il " dénonce la procédure ", il n'en demeure pas moins que dans le passage incriminé, il affirme que durant sa garde à vue, son client, Michel Z..., sérieusement malade et âgé de 70 ans, a été privé de nourriture et de traitement médical pendant un délai anormalement long ; qu'il s'agit d'une imputation diffamatoire qui vise le comportement des fonctionnaires de police qui sont intervenus dans l'enquête concernant Michel Z... ; que le juge sera confirmé sur ce point ;
que sur l'identification des parties civiles, il est évident, pour le lecteur, que Maître Y... ("... dans ce même dossier... ") met en cause la brigade financière qui est expressément citée dans l'article principal de Laurent X..., en troisième colonne (" après une première nuit dans la geôle de la brigade financière, la mère de famille est entendue... ") ; les policiers de la brigade financière directement chargés de l'enquête visant Chantal A... et Michel Z... étaient nécessairement identifiables par les personnes appelées à connaître de ce dossier, tels que les magistrats concernés du tribunal de grande instance de Paris ; ils l'étaient aussi dans leur proche environnement professionnel ; il résulte des attestations de Valérie B..., magistrat, Eric J..., commissaire principal de police, Thierry K..., commissaire de police, Gilles C..., commandant de police, Thierry D..., commandant de police, Dominique E..., commandant de police, et Aline F..., capitaine de police, que les rédacteurs de ces attestations ont pu identifier les parties civiles à la lecture de l'interview de Maître Y... parue dans Le Parisien ; Thierry D..., en sa qualité de président de l'association de la brigade financière, a même adressé des lettres de protestation au Bâtonnier de Paris (26 septembre 2003) et au procureur général de Paris (29 octobre 2003) ;
en conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a estimé que les parties civiles n'étaient pas identifiables ; que les quatre parties civiles peuvent s'estimer visées par les imputations diffamatoires, dès lors qu'elles ont directement concouru, ce qui n'est pas contesté, à l'enquête concernant Michel Z... (arrêt, pages 6 et 7) ;
" alors que l'action en diffamation n'est fondée que si le texte diffamatoire permet à la personne qui se prétend diffamée de se reconnaître comme étant personnellement visée et aux lecteurs dudit texte de l'identifier ; que, dès lors, en se bornant à énoncer que les policiers de la brigade financière directement chargés de l'enquête visant Michel Z... étaient nécessairement identifiables par les personnes appelées à connaître de ce dossier, pour en déduire que le délit de diffamation publique envers des fonctionnaires publics est caractérisé, sans rechercher si les lecteurs du journal, qui ignorent tout de l'organisation de la brigade financière et, en particulier, ne sont nullement à même d'identifier, parmi les différents services de cette brigade, qui en compte plusieurs, celui qui était chargé de cette enquête, ni, par conséquent, d'identifier les enquêteurs composant ledit service, et dont aucun n'a été nommément désigné par l'article litigieux, pouvaient reconnaître, à la seule lecture des propos incriminés, les quatre parties civiles susvisées, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, qu'à la suite du décès, à l'issue de sa garde à vue, de Chantal A... au cours d'une enquête de la brigade financière de la police judiciaire de Paris, le journal Le Parisien a fait paraître dans la rubrique " Faits divers " du 9 septembre 2003, sous le titre " Tout est fait pour mettre les gens sous pression ", l'interview de Pierre-Olivier Y..., avocat, qui, à la question du journaliste lui demandant " comment réagissez vous au décès de Chantal A... ? " a répondu : " je suis humainement catastrophé. Je le suis d'autant plus que, dans ce même dossier, j'ai alerté le parquet en mai dernier sur les très mauvaises conditions dans lesquelles la garde à vue de mon client s'est déroulée, Michel Z... (NDLR : le chef d'entreprise soupçonné d'avoir versé des pots-de-vin aux élus), qui à 70 ans a été privé de nourriture pendant 48 heures, à tel point que j'ai dû lui faire passer 2 crêpes dans la souricière du pôle financier. Il a également été privé de ses médicaments pendant 36 heures alors qu'il a une maladie sérieuse ! " ;
Attendu qu'après la parution de cette interview, Noël L..., commissaire divisionnaire, Patrice I..., commissaire principal, Marie-Noëlle G... et Laurent H..., lieutenants de police ont porté plainte avec constitution de partie civile du chef de diffamation publique envers des fonctionnaires publics ; que le juge d'instruction a renvoyé devant le tribunal correctionnel notamment Pierre-Olivier Y..., pour complicité de diffamation publique envers des fonctionnaires publics ; que les premiers juges tout en retenant que les propos incriminés avaient un caractère diffamatoire, ont déclaré irrecevables les parties civiles faute de leur identification suffisante dans lesdits propos ;
Attendu que, sur le seul appel des parties civiles, l'arrêt attaqué retient que l'interview figure au coté de l'article d'un journaliste dans lequel, la brigade financière est citée ; que les juges ajoutent que les policiers directement chargés de l'enquête étaient nécessairement identifiables par les personnes appelées à connaître de ce dossier au tribunal de grande instance de Paris et qu'ils l'étaient aussi dans leur proche environnement professionnel ainsi que cela résulte de sept attestations et de la réaction du président de l'association de la brigade financière qui a adressé des lettres de protestation au bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris et au procureur général de Paris ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, il appartient au juge du fond d'identifier d'après les circonstances de la cause, la personne diffamée ou injuriée, et que cette appréciation est souveraine, lorsque, comme en l'espèce, elle repose sur des éléments extrinsèques aux propos incriminés ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, Mme Palisse conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-84713
Date de la décision : 30/05/2007
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Diffamation - Eléments constitutifs - Elément matériel - Désignation de la personne ou du corps visé - Appréciation souveraine des juges du fond - Effets

Il appartient aux juges, saisis d'une poursuite pour diffamation ou injure, d'identifier d'après les circonstances de la cause la personne diffamée ou injuriée, et cette appréciation est souveraine lorsqu'elle repose sur des éléments extrinsèques aux propos incriminés


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 mai 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 mai. 2007, pourvoi n°06-84713, Bull. crim. criminel 2007, N° 143
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2007, N° 143

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Charpenel
Rapporteur ?: Mme Palisse
Avocat(s) : Me Rouvière, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:06.84713
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award