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22/05/2007 | FRANCE | N°06-81259

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 mai 2007, 06-81259


N° 3092
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux mai deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL, et de la société civile professionnelle ANCEL et COUTURIER-HELLER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
REJET des pourvois formés par Z... Farad, Z... Lahzar, Z... Lakdar, Z... Oichya, Z... Sahraoui, A...Zakia, épouse Z..., parties civiles, contre l'arr

êt de la cour d'appel de Versailles, 8e chambre, en date du 17 janv...

N° 3092
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux mai deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL, et de la société civile professionnelle ANCEL et COUTURIER-HELLER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
REJET des pourvois formés par Z... Farad, Z... Lahzar, Z... Lakdar, Z... Oichya, Z... Sahraoui, A...Zakia, épouse Z..., parties civiles, contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 8e chambre, en date du 17 janvier 2006, qui, dans la procédure suivie contre Jean B...du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du 1er Protocole additionnel à ladite Convention, 222-19 du code pénal, 1382 du code civil, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, violation des droits de la défense, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a dit que Farad Z... avait participé à la réalisation de son préjudice par son comportement fautif, à concurrence de 2 / 5èmes, entraînant réduction de son droit à indemnisation dans la même proportion ;
" aux motifs qu'il apparaît que l'attitude de Farad Z... lors de son interpellation a largement contribué à la réalisation de son dommage et que l'accident ne se serait pas produit s'il avait obtempéré aux injonctions des fonctionnaires de police ; que, s'il n'est pas contesté que le brigadier de police a commis une faute d'imprudence en sortant son arme tandis qu'il était seul face au suspect et en mettant le doigt sur la détente, il n'en demeure pas moins que les déclarations concordantes du policier Jean B...et de Fernand C..., témoin des faits, établissent que Farad Z... avait adopté une attitude agressive à l'égard de Jean B...; que la version du policier, selon laquelle Farad Z... l'aurait empoigné et lui aurait saisi la main porteuse de l'arme, est tout à fait crédible ; que, dans ces conditions, une réduction des 2 / 5èmes du droit à indemnisation de Farad Z... et des consorts Z... apparaît correspondre aux faits de la cause, l'attitude de la victime ayant joué un rôle non négligeable dans la production du dommage ;
" alors qu'il résulte de l'arrêt attaqué (p. 4) que le manuel d'instruction de la police nationale interdit à un policier de sortir son arme seul face à un suspect et en mettant son doigt sur la détente ; qu'a fortiori il est interdit à un policier de frapper avec son arme ainsi tenue ; que l'attitude dite agressive d'un individu justifie seulement son interpellation, pour laquelle le policier doit normalement requérir le concours d'un de ses collègues ; qu'en conséquence, la bavure policière consistant à frapper Farad Z... avec l'arme de service en ayant le doigt sur la détente, « dans un mouvement imitant celui d'un coup de marteau » (p. 5), constituait la cause exclusive du dommage, comme l'avait retenu le tribunal correctionnel (p. 7) ; qu'en affirmant néanmoins que l'attitude de la victime, qualifiée d'agressive et visant à saisir la main porteuse de l'arme, était l'une des causes du dommage, en l'occurrence une balle dans la tête entraînant l'hémiplégie droite de la victime et plusieurs autres chefs de préjudice, la cour d'appel a violé les textes ci-dessus ;
" alors que, subsidiairement, à supposer que le fait reproché à Farad Z... dût être pris en compte, la différence de gravité entre les fautes respectives et entre leur rôle causal respectif dans la réalisation du préjudice s'opposait à ce que la cour d'appel laisse à la victime la charge de près de la moitié de son préjudice ; qu'en statuant néanmoins de la sorte, la cour d'appel, qui a imputé à la victime les 2 / 5èmes de son préjudice, l'a en réalité privée de la possibilité de mener une vie familiale normale et a porté une atteinte disproportionnée à son patrimoine, en violation des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et 1er du 1er protocole additionnel à ladite Convention ;
" alors que, en toute hypothèse, en se bornant à affirmer que les déclarations concordantes de Jean B..., policier qui a frappé la victime avec son arme, et de Fernand C..., témoin des faits, établissaient « que Farad Z... avait adopté une attitude agressive à l'égard du sous-brigadier », sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions Z..., p. 8), si, dans ses premières déclarations et devant le juge d'instruction, Fernand C..., seul témoin oculaire, avait au contraire déclaré que « le conducteur de la Safrane (Farad Z...) n'a pas agrippé le policier, il n'a pas eu le temps », il s'est approché du policier « en gesticulant les mains en l'air, non pas comme quelqu'un qui lève les mains en face d'une arme, mais comme un italien quand il parle », le policier ayant en tout état de cause « déjà levé le bras qui tenait l'arme », la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'un équipage de trois gardiens de la paix, parmi lesquels se trouvait Jean B..., est parvenu à immobiliser une automobile, dont le conducteur, Farad Z..., avait, peu de temps avant, refusé d'obtempérer à une sommation de s'arrêter et pris la fuite ; que ce dernier est alors descendu de voiture, s'est dirigé vers Jean B..., qui avait sorti son révolver de service, et a saisi la main dans laquelle se trouvait l'arme ; qu'en se dégageant le gardien de la paix a involontairement appuyé sur la détente et qu'un coup est parti, blessant grièvement son agresseur ;
Attendu que, pour dire que l'Etat ne serait tenu de réparer que les trois-cinquièmes des préjudices résultant des blessures, l'arrêt énonce que, si Jean B...a commis une faute d'imprudence en sortant son arme et en posant le doigt sur la détente, Farad Z... a, par son comportement, largement contribué à la réalisation de son propre dommage et que l'accident ne se serait pas produit sans son refus de s'arrêter ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées au moyen ;
Qu'en effet, si l'Etat est responsable, en cas d'usage d'armes à feu, qui comporte des risques exceptionnels, des simples fautes de service commises par ses agents à l'occasion d'une opération de police judiciaire, cette responsabilité doit être partagée lorsque la victime, qui était visée par l'opération, a commis une faute qui a concouru à la réalisation de son propre dommage ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
DIT n'y avoir lieu à application au profit des consorts Z... de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, M. Palisse conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-81259
Date de la décision : 22/05/2007
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ETAT - Responsabilité civile - Opération de police judiciaire - Usage d'armes à feu - Dommage subi par une personne concernée par l'opération - Réparation - Partage de responsabilité - Faute de la victime

RESPONSABILITE CIVILE - Personne morale - Personne morale de droit public - Etat - Opération de police judiciaire - Usage d'armes à feu - Dommage subi par une personne concernée par l'opération - Réparation - Partage de responsabilité - Faute de la victime ACTION CIVILE - Préjudice - Réparation - Partage de responsabilité - Faute de la victime - Victime ayant subi un dommage lors d'une opération de police judiciaire qui la concernait

Si l'Etat est responsable, en cas d'usage d'armes à feu, qui comporte des risques exceptionnels, des simples fautes de service commises par ses agents à l'occasion d'une opération de police judiciaire, cette responsabilité doit être partagée lorsque la victime, qui était visée par l'opération, a commis une faute qui a concouru à la réalisation de son propre dommage


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 17 janvier 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 mai. 2007, pourvoi n°06-81259, Bull. crim. criminel 2007, N° 136
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2007, N° 136

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Launay
Rapporteur ?: M. Palisse
Avocat(s) : SCP Ancel et Couturier-Heller, SCP Baraduc et Duhamel

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:06.81259
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