LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par M. Guy X..., domicilié ...,
contre l'arrêt rendu le 6 décembre 2004 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Haironville, société anonyme, dont le siège est 16 rue de la Forge, 55000 Haironville,
défenderesse à la cassation ;
Par arrêt du 16 janvier 2007, la chambre sociale a renvoyé le pourvoi devant une chambre mixte. Le président de chambre le plus ancien faisant fonction de premier président, a, par ordonnance du 22 mars 2007, indiqué que cette chambre mixte sera composée de la première chambre civile, de la chambre commerciale, financière et économique, de la chambre sociale.
Le demandeur invoque, devant la chambre mixte, les moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Ces moyens ont été formulés dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat de M. X... ;
Des conclusions banales en défense et un mémoire en défense ont été déposés au greffe de la Cour de cassation par la SCP Gatineau, avocat de la société Haironville ;
Le rapport écrit de M. Gridel, conseiller, et l'avis écrit de M. Mathon, avocat général, ont été mis à la disposition des parties.
Sur quoi, LA COUR, siégeant en chambre mixte, en l'audience publique du 11 mai 2007, où étaient présents : M. Cotte, président de chambre le plus ancien faisant fonction de premier président, M. Ancel, Mme Collomp, présidents, M. Joly, conseiller doyen remplaçant M. le président Cotte, M. Gridel, conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Bargue, Mme Mazars, MM. Bailly, Gallet, Mmes Perony, Guirimand, M. Guérin, conseillers, M. Mathon, avocat général, Mme Tardi, greffier en chef ;
Sur le rapport de M. Gridel, conseiller, assisté de Mme Dubos, greffier en chef au service de documentation et d'études, les observations de la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, de la SCP Gatineau, l'avis de M. Mathon, avocat général, auquel parmi les parties invitées à le faire, la SCP Gatineau a répliqué, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. X..., chauffeur de direction au service de la société Haironville, s'est fait adresser sur son lieu de travail, sous enveloppe comportant pour seules indications son nom, sa fonction et l'adresse de l'entreprise, une revue destinée à des couples échangistes à laquelle il était abonné ; que, conformément à la pratique habituelle et connue de l'intéressé, l'enveloppe a été ouverte par le service du courrier, puis déposée avec son contenu au standard à l'intention de son destinataire ; que d'autres employés s'étant offusqués de la présence de ce magazine dans un lieu de passage, l'employeur a engagé contre M. X... une procédure disciplinaire qui a abouti à sa rétrogradation avec réduction corrélative de son salaire ; que l'intéressé a signé en conséquence un avenant à son contrat de travail ; que sa contestation ultérieure de la sanction a été rejetée par les juges du fond ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu qu'il est fait grief à la cour d'appel de n'avoir pas recherché si M. X... avait donné son accord librement, et ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que le salarié conservant la faculté de contester la sanction dont il a fait l'objet, la cour d'appel n'avait pas à procéder à la recherche dont s'agit ; que le moyen est inopérant ;
Sur le même moyen, pris en sa troisième branche, en son grief invoquant une ouverture illicite du pli :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen, que, pour juger qu'il avait manqué à ses obligations contractuelles, la cour d'appel a cru devoir se fonder sur le prétendu préjudice résultant pour l'employeur de l'ouverture du pli qui, adressé au salarié, avait été ouvert par le service en charge du courrier ; que l'employeur ne pouvait cependant, sans violer la liberté fondamentale du respect de l'intimité de la vie du salarié, prendre connaissance du courrier qui lui était adressé à titre personnel ; qu'il ne pouvait donc dès lors être sanctionné à raison du prétendu préjudice de l'employeur résultant de l'ouverture illicite de ce courrier personnel ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 121-1 du code du travail ;
Mais attendu que l'arrêt relève que le pli litigieux était arrivé sous une simple enveloppe commerciale démunie de toute mention relative à son caractère personnel ; qu'en l'état de ces motifs dont il se déduisait que cet envoi avait pu être considéré, par erreur, comme ayant un caractère professionnel, la cour d'appel a exactement décidé que son ouverture était licite ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le même moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, cette dernière en son grief fondé sur le respect dû à la vie privée :
Vu l'article 9 du code civil, ensemble l'article L. 122-40 du code du travail ;
Attendu que pour statuer comme elle a fait, la cour d'appel a retenu qu'il est patent que le document litigieux, particulièrement obscène, avait provoqué un trouble dans l'entreprise, porté atteinte à son image de marque et eu immanquablement un retentissement certain sur la personne même de son directeur dont M. X... était le chauffeur et donc un proche collaborateur ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, qu'un trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise ne permet pas en lui-même de prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre de celui par lequel il est survenu, d'autre part, que la réception par le salarié d'une revue qu'il s'est fait adresser sur le lieu de son travail ne constitue pas un manquement aux obligations résultant de son contrat, et enfin, que l'employeur ne pouvait, sans méconnaître le respect dû à la vie privée du salarié, se fonder sur le contenu d'une correspondance privée pour sanctionner son destinataire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 décembre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour faire droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;
Condamne la société Haironville aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Haironville ; la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, et prononcé par le président de chambre le plus ancien faisant fonction de premier président, en son audience publique du dix-huit mai deux mille sept.
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour M. X....
Moyens annexés au présent arrêt.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR refusé d'annuler la mesure de rétrogradation infligée par la SA HAIRONVILLE et d'avoir en conséquence débouté Monsieur Guy X... de ses demandes de réintégration et de paiement de rappels de salaire et dommages-intérêts.
AUX MOTIFS QUE l'employeur a, le 23 juillet 2001, envoyé à son salarié le courrier suivant : « le jeudi 12 juillet 2001 le service courrier de notre société a ouvert et déposé au standard une enveloppe qui vous était destinée ; cette enveloppe était adressée à Guy X... chauffeur de direction HAIRONVILLE SA 55000 BAR LE DUC. Elle contenait un exemplaire de SWING MAGAZINE (mensuel des couples échangistes), un bulletin de réabonnement, un bon pour une annonce gratuite au club « contact swing ». Certains de nos salariés se sont offusqués que de tels documents soient visibles dans un lieu de passage et m'en ont informé. Lors de notre entretien vous avez déclaré être abonné à cette revue mensuelle et, afin de ne pas la recevoir à votre domicile, avoir vous-même communiqué les coordonnées de l'adresse de notre entreprise. Le fait de vous faire expédier directement sur votre lieu de travail au titre de chauffeur de direction des documents pornographiques est fortement préjudiciable pour notre société et pour les représentants de la direction et de plus porte atteinte à l'image de l'entreprise. De tels agissements ne sont pas tolérables au poste de chauffeur de direction que vous occupez. C'est pourquoi nous vous proposons un changement de fonction qui s'accompagnera d'une modification de classification ; il s'agit de vous rétrograder de votre poste actuel à celui d'agent de production coefficient 215D salaire de base 9.586 francs ; vous disposez d'un délai courant jusqu'au 31 juillet inclus. Passé ce délai, sans réponse de votre part, nous considérerons que vous avez refusé ce changement de fonction et engagerons une procédure de licenciement » ; ( ) ; que l'enveloppe expédiée à l'entreprise est une simple enveloppe commerciale, démunie de toute mention restrictive, transmise comme un courrier professionnel ; à l'aide d'une machine à affranchir et sur laquelle les coordonnées de Monsieur X... ont été portées selon un procédé mécanographique ; que la fonction de Monsieur X... figurait également sur l'enveloppe en dessous de son nom ; que, en l'absence de toute mention relative au caractère confidentiel de ce courrier, l'employeur qui a procédé à l'ouverture de cette enveloppe ne peut se voir reprocher un manquement à la vie privée de son salarié ; qu'il est patent que ce courrier, particulièrement obscène, d'une part, a provoqué un trouble dans l'entreprise, d'autre part, a eu un retentissement immanquable sur la personne même du Directeur dont Monsieur X... était le chauffeur, et donc un proche collaborateur, enfin a porté atteinte à l'image de marque de l'entreprise ; que la sanction infligée au salarié a consisté, non pas à exclure celui-ci de l'entreprise mais, essentiellement, à l'éloigner du directeur dont la confiance pouvait légitimement avoir été égratignée ; qu'il convient de dire que cette sanction au demeurant acceptée par le salarié qui disposait d'un délai de réflexion de six jours pour y consentir était justifiée ; que Monsieur X... sera en conséquence débouté de ses prétentions.
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Monsieur X... a bien occupé les fonctions de chauffeur de direction jusqu'au mois de juillet 2001 dans les conditions conformes à son engagement et au contrat de travail qui le liait à l'entreprise ; que de par la connaissance de l'entreprise ainsi que son antériorité dans le poste, Monsieur X... maîtrisait pleinement l'organisation et connaissait les usages et conditions de fonctionnements des divers services de la société ; que sa fonction le contraignait à une obligation de devoir de réserve et de comportement ; que le demandeur ne peut invoquer la méconnaissance du traitement du courrier ainsi que sa ventilation dans la distribution telle qu'elle a été rappelée par le représentant du défendeur lors de l'audience et qui, par ailleurs n'est pas contestée par Monsieur X... ; que dans le cas de courrier identifié « confidentiel ou personnel » celui-ci n'est pas traité de la même façon que le courrier traditionnel professionnel et n'est de ce fait pas ouvert ; que le courrier incriminé ne présentait pas une quelconque marque distinctive permettant de l'isoler, autre que l'appellation « chauffeur de direction » et qu'il a été traité comme tel ; qu'il est incontestable que ce courrier particulier a jeté un trouble réel non seulement dans le cadre du service de l'administration mais également dans l'enceinte de l'entreprise ; qu'une action de ce genre, eu égard à la fonction considérée, dévalorise l'image de la direction et par là-même celle de l'entreprise ; que certains salariés aux dires du défendeur, évoqués lors de l'audience, en ont été choqués ; qu'il a été proposé au demandeur à titre de sanction, une modification de son contrat de travail assorti d'un délai de réflexion, lui permettant d'accepter ou de refuser cette sanction ; que Monsieur X... a donné son accord à cette proposition et que ce changement n'a été effectif qu'après le consentement du salarié.
ALORS QUE Monsieur Guy X... mentionnait avoir fait l'objet de contrainte viciant son consentement à la rétrogradation proposée par l'employeur ; qu'en ne recherchant pas si l'accord donné par le salarié l'avait été librement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil.
ET ALORS QUE le fait pour le salarié de recevoir sur son lieu de travail un courrier personnel dont le contenu était parfaitement licite ne constitue pas un manquement aux obligations contractuelles nées du contrat de travail ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L.121-1 et L.122-40 du Code du travail et 1134 du Code civil.
ALORS de plus QUE pour juger le contraire, la Cour d'appel a cru devoir se fonder sur le prétendu préjudice résultant pour l'employeur de l'ouverture du pli adressé au salarié par le service en charge du courrier ; que l'employeur ne pouvait cependant, sans violer la liberté fondamentale du respect de l'intimité de la vie privée du salarié prendre connaissance du courrier qui lui était adressé à titre personnel ; que le salarié ne pouvait dès lors être sanctionné à raison du prétendu préjudice de l'employeur résultant de l'ouverture illicite de ce courrier personnel ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article L.121-1 du Code du travail.
ALORS en tout état de cause QUE le préjudice invoqué par l'employeur, outre qu'il ne caractérisait pas la faute, n'était aucunement établi ; qu'en se bornant à dire « qu'il est patent que ce courrier, particulièrement obscène, d'une part, a provoqué un trouble dans l'entreprise, d'autre part, a eu un retentissement immanquable sur la personne même du Directeur dont Monsieur X... était le chauffeur, et donc un proche collaborateur, enfin a porté atteinte à l'image de marque de l'entreprise » sans aucunement préciser les pièces desquelles elle entendait déduire l'existence d'un préjudice, la Cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.
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DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR refusé de constater l'amnistie et d'avoir débouté Monsieur Guy X... de ses demandes d'annulation et d'effacement de la sanction infligée.
AUX MOTIFS QUE l'employeur a, le 23 juillet 2001, envoyé à son salarié le courrier suivant : « le jeudi 12 juillet 2001 le service courrier de notre société a ouvert et déposé au standard une enveloppe qui vous était destinée ; cette enveloppe était adressée à Guy X... chauffeur de direction HAIRONVILLE SA 55000 BAR LE DUC. Elle contenait un exemplaire de SWING MAGAZINE (mensuel des couples échangistes), un bulletin de réabonnement, un bon pour une annonce gratuite au club « contact swing ». Certains de nos salariés se sont offusqués que de tels documents soient visibles dans un lieu de passage et m'en ont informé. Lors de notre entretien vous avez déclaré être abonné à cette revue mensuelle et, afin de ne pas la recevoir à votre domicile, avoir vous-même communiqué les coordonnées de l'adresse de notre entreprise. Le fait de vous faire expédier directement sur votre lieu de travail au titre de chauffeur de direction des documents pornographiques est fortement préjudiciable pour notre société et pour les représentants de la direction et de plus porte atteinte à l'image de l'entreprise. De tels agissements ne sont pas tolérables au poste de chauffeur de direction que vous occupez. C'est pourquoi nous vous proposons un changement de fonction qui s'accompagnera d'une modification de classification ; il s'agit de vous rétrograder de votre poste actuel à celui d'agent de production coefficient 215D salaire de base 9.586 francs ; vous disposez d'un délai courant jusqu'au 31 juillet inclus. Passé ce délai, sans réponse de votre part, nous considérerons que vous avez refusé ce changement de fonction et engagerons une procédure de licenciement » ; que si la loi du 6 août 2002 a prononcé l'amnistie des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles elle a excepté de son bénéfice les faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes moeurs ou à l'honneur ; que tel étant le cas en l'espèce, cette loi ne saurait être appliquée à Monsieur X... ; qu'au demeurant, l'amnistie n'entraîne pas de droit la réintégration dans les fonctions.
ALORS QUE le fait pour le salarié de recevoir sur son lieu de travail un courrier personnel dont le contenu n'est aucunement illicite ne constitue pas un manquement à la probité, aux bonnes moeurs ou à l'honneur ; qu'en rejetant la demande du salarié tendant à voir juger le fait reproché amnistié, la Cour d'appel a violé l'article 11 de la loi d'amnistie 2002-1062 du 6 août 2002.
ALORS en outre QUE Monsieur Guy X... ne prétendait pas seulement à l'annulation de la sanction et à la réintégration dans son précédent poste mais encore à l'effacement de toute mention relative à cette sanction dans son dossier professionnel ; qu'en omettant de répondre à ce chef des conclusions du salarié, la Cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.
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TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
, subsidiaireLe moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes tendant à voir condamner la SA HAIRONVILLE au paiement de la somme de 12.575,96 euros à titre de rappel de prime mensuelle relative au poste de chauffeur.
AUX MOTIFS adoptés QUE Monsieur X... assume sa nouvelle affectation dans les conditions de niveau et de rémunération identiques à celles d'autres salariés occupant les mêmes fonctions.
ALORS QUE Monsieur Guy X... soutenait dans ses écritures que la fonction d'agent de production que son employeur lui avait attribuée n'existait pas au sein de l'entreprise et ne correspondait en tout état de cause pas aux fonctions réellement exercées qui étaient celles de chauffeur au service emballage ; qu'en se bornant à affirmer que le salarié assumait sa nouvelle affectation dans les conditions de niveau et de rémunération identiques à celles d'autres salariés occupant les mêmes fonctions, sans aucunement préciser les fonctions exercées par le salarié et les conditions de sa rémunération, ni les fonctions et conditions de rémunération des salariés auxquels elle prétendait le comparer, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.140-2 du Code du travail et 1134 du Code civil.