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27/02/2007 | FRANCE | N°06-89080

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 février 2007, 06-89080


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept février deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
REJET du pourvoi formé par X... Patrick, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 8 novembre 2006, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de recels et blanchi

ment aggravés et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordon...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept février deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
REJET du pourvoi formé par X... Patrick, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 8 novembre 2006, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de recels et blanchiment aggravés et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire ;
Vu le mémoire produit ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 83, 84, 137-1, 145, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande d'annulation de l'ordonnance rendue le 25 octobre 2006 par le juge des libertés et de la détention portant placement en détention provisoire de Patrick X... ;
" aux motifs que, selon les dispositions de l'article 83 du code de procédure pénale, lorsqu'en raison de la gravité ou de la complexité de l'affaire, il est adjoint un second juge d'instruction au juge chargé de l'information, ce dernier coordonne le déroulement de celle-ci et a seul qualité pour saisir le juge des libertés et de la détention ;
que, toutefois, l'article 84, alinéa 4, qui est d'une application générale, que le juge d'instruction soit seul désigné ou se soit vu adjoindre un autre juge d'instruction, prévoit qu'en cas d'urgence, tout juge d'instruction peut, pour des actes isolés, suppléer un autre juge d'instruction du même tribunal ; qu'en l'espèce, M. Thierry F..., désigné en qualité de juge d'instruction suppléant pour suivre l'instruction dont était saisie Mme Béatrice Y...
E..., a invoqué l'urgence et l'application des dispositions de l'article 84 du code de procédure pénale, dans ses ordonnances du 25 octobre 2006 par lesquelles il a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de statuer sur le placement en détention notamment de Christian X... et de son frère Patrick X... ; que la situation d'urgence ressort manifestement des pièces du dossier ; qu'en effet, il résulte de celles-ci qu'à l'issue d'actes d'investigations réalisés en exécution d'une commission rogatoire délivrée par Mme Béatrice Y...
E..., ce magistrat s'est fait présenter quatorze personnes à l'issue de leur garde à vue, le 25 octobre 2006 à partir de 15 heures 55 (cote D 446, procès-verbal de première comparution de José Z...) ; qu'il convient de rappeler que la première levée de garde à vue a été effectuée le 25 octobre 2006 à 6 heures (cote D 285-Léon D...) et la dernière à 9 heures 20 (cote D 392-Denis A...) ;
que le magistrat instructeur se devait de respecter, en tout état de cause, le délai de comparution de 20 heures édicté par l'article 803-3 du code de procédure pénale ;
que, dans la mesure où, préalablement à la comparution des personnes mises en cause, le magistrat instructeur devait prendre connaissance des déclarations effectuées par chacune de ces personnes au travers des procès-verbaux d'audition, au nombre de quatre à cinq pour chacune d'elles, établis par le service de police chargé de la commission rogatoire, et examiner ces déclarations au regard des éléments figurant dans les cinq volumes du dossier d'instruction, les premières mises en examen n'ont pu commencer que le 25 octobre 2006 à compter de 15 heures 55 ;
que les comparutions des personnes déférées se sont succédé sans désemparer à compter de ce moment, et le juge d'Instruction chargé du dossier, Mme Béatrice Y...
E..., a procédé à huit mises en examen, la dernière débutant à 23 heures 21 ;
qu'elle devait nécessairement être remplacée par un autre juge d'instruction du même tribunal afin d'assurer la comparution des six autres personnes déférées dans le délai de 20 heures suscité ; que c'est ainsi que M. Thierry F... a pu valablement procéder à l'audition de première comparution des six autres mis en cause, ainsi qu'à la rédaction de l'ordonnance de saisine du juge des libertés et de la détention les concernant, sa collègue étant objectivement empêchée d'y procéder ; que les conditions fixées par l'article 84, alinéa 4, du code de procédure pénale, étant réalisées, les actes accomplis par M. Thierry F..., juge d'instruction, en particulier son ordonnance de saisine du juge des libertés et de la détention, ne sont pas entachés de nullité ; que ce dernier, ayant été régulièrement saisi, a donc pu valablement statuer sur le placement en détention provisoire du mis en examen ;
" 1°) alors que, selon l'alinéa 3 de l'article 83 du code de procédure pénale, seul le juge chargé de l'information a qualité pour saisir le juge des libertés et de la détention ; qu'il résulte de cette disposition que si un juge adjoint peut remplacer ou suppléer le juge chargé de l'information, ainsi qu'il résulte du dernier alinéa de l'article 84 du même code, il n'a pas qualité pour saisir le juge des libertés et de la détention, compétence qui appartient exclusivement au juge chargé de l'information ;
" 2°) alors qu'à supposer que le juge adjoint puisse, en cas d'urgence et d'empêchement du juge chargé de l'information, saisir le juge des libertés et de la détention, c'est à la double condition que soient constatés l'urgence et l'empêchement ; qu'en se bornant à constater que le juge chargé de l'information avait procédé à huit interrogatoires de première comparution, la dernière mise en examen débutant à 23 heures 21, qu'elle devait nécessairement être remplacée par un autre juge d'instruction afin d'assurer la comparution des six autres personnes déférées, dans le délai de 20 heures de l'article 803-3 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction s'est fondée sur des motifs impropres à caractériser l'urgence et l'empêchement de nature à autoriser un autre juge que celui chargé de l'information à saisir, à l'égard de Patrick X..., le juge des libertés et de la détention " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, que, par décision prise en application de l'article 83, alinéa 2, du code de procédure pénale, le président du tribunal de Marseille a adjoint à Mme Y...
E..., juge d'instruction saisi d'une information des chefs d'escroqueries, abus de biens sociaux, recels, blanchiment aggravé et association de malfaiteurs, un second magistrat instructeur, M. F... ; que, par ordonnance du 25 octobre 2006, M. F..., après avoir mis en examen Patrick X..., a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande tendant à son placement en détention provisoire ; que Patrick X... a été placé sous mandat de dépôt par ordonnance du même jour dont il a relevé appel ;
Attendu qu'au soutien de son appel, Patrick X... a invoqué l'incompétence du juge d'instruction adjoint pour saisir le juge des libertés et de la détention et la nullité de l'ordonnance le plaçant en détention provisoire, au motif que l'article 83, alinéa 3, du code de procédure pénale réserve au seul juge chargé de l'information, la saisine du juge des libertés et de la détention ;
Attendu que, pour refuser d'annuler l'ordonnance de placement en détention provisoire de Patrick X... et rejeter sa demande de mise en liberté, la chambre de l'instruction énonce que c'est à bon droit qu'en raison de l'indisponibilité du juge chargé de l'information, retenu par la présentation d'autres personnes mises en examen, le juge d'instruction adjoint a, en application de l'article 84, alinéa 4, du code de procédure pénale, demandé le placement en détention de l'intéressé sans en rendre compte au président du tribunal ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 137-3,138,143-1,144,591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire de Patrick X... ; " aux motifs que Patrick X... tente de justifier les importants encaissements effectués sur son compte bancaire (au total 111 243 euros pour la seule période de février 2005 à mars 2006), en alléguant une activité d'agent commercial pour avoir travaillé pour diverses sociétés de régies publicitaires Ellyne, Cellyne, MF2C, CMP International, alors qu'il est dans l'impossibilité de produire un quelconque contrat le liant à une société de régie publicitaire, qu'il est dans l'impossibilité de produire une comptabilité retraçant son activité d'agent commercial, ni copie d'aucun contrat qu'il aurait fait souscrire à ses prétendus clients, ni aucune liste de clients ; qu'il ne se rappelle d'ailleurs aucun des annonceurs qu'il aurait démarchés (cote D 458) ;
que, contrairement à ce qu'il soutient, il ne justifie nullement avoir été inscrit sur le registre spécial des agents commerciaux, l'extrait K bis qu'il produit concerne une société à responsabilité PCM,..., dont il apparaît être le gérant, et qui avait pour activité celle d'agence " de conseil en communication régie publicitaire vente d'espace publicitaire sous toutes formes " (D 447 / 3) ;
qu'au demeurant, les chèques qu'il a encaissés sur son compte proviennent des mêmes sociétés Ellyne, Cellyne, CMP International, MF2C, que ceux encaissés par Christian X... et Mohamed B..., qui eux non plus ne justifient pas d'une activité réelle d'agents commerciaux ni d'avoir démarché des annonceurs ; que, manifestement, Patrick X..., qui ne peut justifier d'une activité réelle en contrepartie de l'encaissement de chèques de diverses sociétés du groupe C..., et qui était en relation régulière et directe avec David C... (cotes D 308 / 4 et D 334 / 2), a contribué au détournement de sommes collectées par les sociétés de ce groupe C..., en encaissant des chèques sur son compte bancaire et en retirant un montant presque équivalent en espèces ;
que la détention provisoire de l'intéressé s'impose pour les raisons suivantes : qu'il est, en effet, nécessaire de faire cesser les infractions poursuivies en mettant les principaux protagonistes, dont Patrick X..., hors d'état de poursuivre leurs activités délictueuses, étant rappelé que l'intéressé, malgré plusieurs condamnations à des peines d'emprisonnement fermes pour escroquerie en bande organisée, complicité d'abus de confiance notamment, s'est investi, de nouveau, dans des agissements frauduleux en matière financière, en bande organisée ; qu'en outre, des investigations complémentaires devant être effectuées, notamment en effectuant des confrontations entre les différents protagonistes, il est nécessaire d'empêcher toute concertation frauduleuse entre les mis en examen ;
que, par l'étendue du réseau mis en place et l'importance des sommes collectées, dont partie a été transférée à l'étranger, les agissements frauduleux, d'une ampleur nationale, ont causé à l'ordre public un trouble exceptionnel et persistant auquel il convient de mettre fin ;
que la détention provisoire reste le seul moyen de satisfaire à l'ensemble de ces impératifs, aucune mesure de contrôle judiciaire, aussi stricte soit-elle, n'étant de nature à assurer efficacement ces objectifs ;
" 1°) alors que la chambre de l'instruction, qui avait relevé que l'infraction suspectée avait été réalisée au seul moyen de l'encaissement de chèques sur un compte bancaire, devait s'expliquer sur l'insuffisance, pour faire cesser l'infraction et le trouble à l'ordre public qu'elle aurait créé, des mesures prévues à l'article 138 13° du code de procédure pénale, permettant de limiter l'accès de la personne mise en examen à son compte bancaire ;
" 2°) alors que, de même, la chambre de l'instruction ne pouvait se déterminer d'après la nécessité d'interdire la concertation entre les différents protagonistes sans s'expliquer sur l'insuffisance des mesures prévues à l'article 138 9° du code de procédure pénale, permettant d'interdire à la personne mise en examen de rencontrer certaines personnes, et sur la circonstance selon laquelle la plupart des autres protagonistes, étant eux-mêmes placés en détention provisoire, leur concertation avec une personne libre était impossible " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction s'est déterminée par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences des articles 137-3,143-1 et suivants du code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Farge conseiller le plus ancien, faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Blondet conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ; Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-89080
Date de la décision : 27/02/2007
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

INSTRUCTION - Détention provisoire - Ordonnances - Ordonnance du juge d'instruction - Ordonnance de saisine du juge des libertés et de la détention - Compétence - Empêchement du juge chargé de l'information - Compétence du juge d'instruction adjoint

DETENTION PROVISOIRE - Ordonnances - Ordonnance du juge d'instruction - Ordonnance de saisine du juge des libertés et de la détention - Compétence - Empêchement du juge chargé de l'information - Compétence du juge d'instruction adjoint

Selon l'article 84, alinéa 4, du code de procédure pénale, en cas d'urgence et pour des actes isolés, tout juge d'instruction peut suppléer un autre juge d'instruction du même tribunal. Justifie, dès lors, sa décision la chambre de l'instruction qui refuse d'annuler l'ordonnance de placement en détention provisoire d'une personne mise en examen prise par le juge des libertés et de la détention saisi par le juge d'instruction adjoint, après avoir constaté que le juge chargé de l'information était retenu par la présentation d'autres personnes


Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-En-Provence, 08 novembre 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 fév. 2007, pourvoi n°06-89080, Bull. crim. criminel 2007 N° 62 p. 337
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2007 N° 62 p. 337

Composition du Tribunal
Président : M. Farge (conseiller le plus ancien, faisant fonction de président)
Avocat général : M. Davenas
Rapporteur ?: M. Blondet
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:06.89080
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