Sur le désistement du directeur général des douanes et droits indirects et du directeur régional des douanes et droits indirects de Picardie :
Attendu que le directeur général des douanes et droits indirects et le directeur régional des douanes et droits indirects de Picardie ont déclaré se désister du pourvoi principal ; que la société Lever Fabergé France, venant aux droits de la société Elida Fabergé, qui avait formé un pourvoi incident, n'a pas accepté le désistement ; qu'il résulte des dispositions de l'article 1024 du nouveau code de procédure civile qu'il y a lieu de statuer sur les deux pourvois ;
Sur le pourvoi principal, pris en ses trois moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 14 octobre 2004), que la société Lever Fabergé France (la société) fabrique et commercialise des produits d'hygiène et de beauté contenant de l'alcool ; que, de 1993 à 1998, elle a acquitté le droit de fabrication sur les produits alcooliques, en application de l'article 406 A II 1 du code général des impôts, alors applicable ; que sa réclamation ayant été rejetée, la société a fait assigner l'administration des douanes devant le tribunal de grande instance afin d'obtenir la restitution des sommes versées au titre du droit de fabrication au cours de la période en cause ;
Attendu que ces moyens, pris de la violation des articles 406 A, tel qu'en vigueur à l'époque des faits, et 1965 FA du code général des impôts, 3 § 2 de la Directive 92/12/CEE du Conseil du 25 février 1992, 12 du nouveau code de procédure civile, 4 et 1315 du code civil ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Et sur le pourvoi incident :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré prescrite son action, en ce qu'elle porte sur la restitution du droit de fabrication acquitté de 1993 à 1996, alors, selon le moyen :
1°/ que l'événement propre à ouvrir un nouveau délai de réclamation fiscale, au sens de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, est par définition postérieur au versement de l'impôt dont le remboursement est demandé ; qu'en retenant que seul pouvait ouvrir un nouveau délai de réclamation un événement "de nature à créer juridiquement l'incompatibilité" entre le droit interne et le droit communautaire, quand cette incompatibilité doit nécessairement être antérieure au versement de l'impôt pour que celui-ci soit indu, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article R. 196-1 c du livre des procédures fiscales ;
2°/ que l'avis motivé prononcé par la Commission européenne le 22 décembre 1997 sur le fondement de l'article 169 du Traité de Rome a révélé l'incompatibilité avec le droit communautaire, depuis le 1er janvier 1993, de l'article 406 A du code général des impôts auquel les contribuables avaient cru légitimement devoir se conformer jusqu'alors ; qu'il a ainsi remis en cause le bien-fondé des impositions perçues en application de cette disposition fiscale ; qu'en retenant qu'un tel avis ne constituait pas un événement de nature à ouvrir un nouveau délai de réclamation fiscale à l'encontre desdites impositions, la cour d'appel a violé l'article R. 196-1 c du livre des procédures fiscales ;
3°/ que l'acquiescement officiel du gouvernement français à un avis motivé de la Commission européenne révélant la contrariété d'une disposition fiscale interne au droit communautaire constitue encore plus sûrement un événement remettant radicalement en cause le bien-fondé des impositions perçues en application de cette disposition fiscale ; que la cour d'appel a constaté que "la non conformité de l'article précité l'article 406 A du code général des impôts a été expressément reconnue dans l'exposé des motifs du projet de loi de finances pour 1999" (troisième paragraphe de la neuvième page de l'arrêt attaqué) ; que la société Lever Fabergé France invoquait également une note du ministre des finances du 22 juillet 1998 et la réponse ministérielle faite à l'Assemblée nationale le 26 octobre 1998 qui reconnaissaient elles aussi la justesse de l'analyse de la Commission quant à la contrariété de l'article 406 A avec le droit communautaire ; que la cour d'appel n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si ces acquiescements officiels à l'avis motivé de la Commission pouvaient constituer un événement de nature à ouvrir un nouveau délai de réclamation fiscale à l'encontre des impositions fondées sur la disposition reconnue illégale ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 196-1 c du livre des procédures fiscales ;
4°/ qu'indépendamment de l'émission d'un avis motivé de la Commission européenne, la reconnaissance de l'illégalité d'une disposition fiscale dans une réponse ministérielle opposable à l'administration en vertu de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales remet nécessairement en cause le bien-fondé des impositions perçues en application de cette disposition ; que la société Lever Fabergé France soutenait à bon droit que "la réponse ministérielle à Mme Odette X... publiée au JO AN du 26 octobre 1998 (question n° 11514, page 5838)" par laquelle le gouvernement a confirmé qu'il avait "décidé de supprimer le droit de fabrication (…) qui s'est avéré contraire au droit communautaire" pouvait "être considérée à elle seule comme un événement ouvrant le délai de réclamation" (haut de la onzième page des conclusions récapitulatives d'appel) ; qu'en ne répondant pas à ce chef de conclusions péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que ni l'avis motivé émis par la Commission des communautés européennes, en application de l'article 226 du Traité CE, ni la reconnaissance par les autorités françaises de l'existence du manquement décrit dans cet avis ne constituent un événement, au sens de l'article R. 196-1, alinéa 1, c du livre des procédures fiscales ouvrant un nouveau délai de réclamation ; qu'en conséquence, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche inopérante visée par la troisième branche, ni de répondre aux conclusions invoquées par la quatrième branche, non susceptibles d'influer sur la solution du litige, et qui a relevé que la société avait présenté sa réclamation le 29 décembre 1999, a décidé à bon droit, justifiant légalement sa décision, que son action était prescrite en ce qu'elle tendait à la restitution des droits acquittés avant le 1er janvier 1997, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Condamne le directeur général des douanes et droits indirects et le directeur régional des douanes et droits indirects de Picardie aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Lever Fabergé France la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt février deux mille sept.