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24/01/2007 | FRANCE | N°03-85061;06-84330

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 janvier 2007, 03-85061 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre janvier deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller PONROY, les observations de Me BOUTHORS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHARPENEL ;
REJET ET CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par X... Marius,
1°) contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia, en date du 11 juin 2003, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'agressions sexuelles aggravées,

a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre janvier deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller PONROY, les observations de Me BOUTHORS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHARPENEL ;
REJET ET CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par X... Marius,
1°) contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia, en date du 11 juin 2003, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'agressions sexuelles aggravées, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;
2°) contre l'arrêt de la même cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 3 mai 2006, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à quatre ans d'emprisonnement, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
I - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction du 11 juin 2003 :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article préliminaire et des articles 63-1, 63-4, 173, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce que la chambre de l'instruction de la cour de Bastia, par arrêt du 11 juin 2003, a validé la procédure ;
"aux motifs que Marius X... a été placé en garde à vue le 15 octobre 2002 à 16 heures 55 ; que sans délai ses droits lui ont été notifiés conformément à l'article 63-1 du code de procédure pénale, notamment le droit de choisir un avocat ; que les enquêteurs ont avisé de ce placement en garde à vue, dès la notification, Me Sollacaro, avocat désigné, lequel a été informé de la nature des infractions, conformément aux dispositions de l'article 63-4 du code de procédure pénale ; qu'il résulte des pièces de la procédure, que dès son placement en garde à vue, intervenu le 15 octobre 2002 à 16 heures 55, Marius X... a sollicité un examen médical ; que l'officier de police judiciaire a requis le Docteur Z... le même jour, sans que l'heure soit précisée, et le médecin a ensuite procédé à l'examen médical ; que ces deux actes de procédure ont été annexés au dossier par l'officier de police judiciaire le 15 octobre 2002 à 21 heures, ce qui implique que les actes en question ont été effectués antérieurement ; qu'il convient de rappeler que, si au terme de l'article 63-1 du code de procédure pénale (dans sa rédaction antérieure à la loi du 18 mars 2003), "sauf en cas de circonstance insurmontable, les diligences résultant pour les enquêteurs de la communication des droits mentionnés aux articles 63-2 et 63-3 doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne a été placée en garde à vue", ce délai de trois heures concerne les diligences des enquêteurs et non le résultat de celle ci ; or, il ressort des pièces de la procédure que, compte tenu du temps nécessaire, d'une part, à la venue du médecin dans les locaux de la police, d'autre part, au déroulement de l'examen, enfin à la rédaction du certificat médical et du procès-verbal d'annexion de pièces, la réquisition du médecin a nécessairement été délivrée avant 19 heures 55 ; que le médecin ayant été requis dans le délai prévu par la loi, aucune irrégularité n'a été commise, peu important que l'heure de délivrance de la réquisition ne soit pas expressément précisée ; qu'il résulte du procès-verbal coté D 19 que les enquêteurs ont notifié à la personne gradée à vue ses droits et notamment celui de s'entretenir avec un avocat de son choix "dès le début, à l'issue de la 20e heure de garde à vue et de la 36e heure en cas de prolongation" ; que Marius X... a répondu "je souhaite m'entretenir dès maintenant avec Me Sollacaro" mais n'a pas demandé à s'entretenir avec son avocat à la 20e heure ; qu'il résulte du procès-verbal coté D 40 qu'au moment de sa notification de sa prolongation de garde à vue, Marius X... a demandé explicitement à s'entretenir avec son avocat à l'issue de la 36e heure de cette mesure ; que Marius X... ayant été placé en garde à vue le 15 octobre 2002 à 16 heures 55, cet entretien devait intervenir avant le 17 octobre 2002 à 4 heures 55 ; or, l'entretien demandé n'a pas eu lieu et aucun élément de la procédure ne justifie des diligences effectuées par l'officier de police judiciaire afin de permettre à l'intéressé l'exercice de ce droit ; que dans ces conditions, la violation des dispositions de l'article 63-4 du code de procédure pénale portant nécessairement atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne, la nullité est encourue de ce chef ; que seuls doivent cependant être annulés les procès-verbaux affectés par le vice, à savoir, pour ce qui concerne l'enquête, le seul procès-verbal d'interrogatoire en garde à vue de Marius X... intervenu postérieurement à la 36e heure, soit le 17 octobre 2002 à 9 heures 55 ; que devra en outre être cancellé le procès-verbal de première comparution en ce qu'il fait référence à cet interrogatoire ; que les autres actes de la procédure sont totalement étrangers à la méconnaissance des droits de Marius X... et ne se réfèrent ni ne se rattachent à aucun acte entaché de nullité, en sorte qu'il n'y a pas lieu de les annuler (arrêt, p. 5 à 7) ; "1°) alors que, d'une part, l'avocat désigné doit être informé de la nature et de la cause des faits reprochés à la personne gardée à vue ; qu'en se bornant à faire référence aux mentions incomplètes du procès-verbal correspondant, la cour a privé son arrêt de motifs sur la recherche qu'elle était requise d'effectuer à la demande de la défense ;
"2°) alors que, d'autre part, l'examen médical sollicité par la personne gardée à vue doit intervenir dans les trois heures au plus tard du placement en garde à vue ; qu'ayant constaté un retard, non renseigné par les pièces du dossier, la cour n'a pu derechef valider la procédure ;
"3°) et alors que, de troisième part, la renonciation du prévenu à s'entretenir avec son avocat à la 20e heure ne peut être équivoque ; que le fait pour l'intéressé d'avoir demandé à s'entretenir avec son avocat dès la première heure ne peut être entendu comme une renonciation complète à l'entretien de la 20e heure ; qu'il en va de plus fort ainsi que le dossier n'établit pas que le demandeur eût été spécialement invité à renoncer à l'entretien de la 20e heure et que sa demande expresse pour l'entretien de la 36e heure n'a pas reçu de suite favorable de la part des services" ;
Attendu que le moyen, qui se borne à reprendre l'argumentation que, par une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiction, la chambre de l'instruction a écartée à bon droit, ne saurait être accueilli ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
II - Sur le pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Bastia du 3 mai 2006 :
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 222-30, 22-29 et suivants du code pénal, de l'article préliminaire et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce que la cour a condamné pénalement le demandeur du chef d'agressions sexuelles sur mineure de 15 ans par personne ayant autorité ;
"aux motifs qu'à l'ouverture des débats, Alexandra et Héléna A..., parties civiles, ont sollicité le huis clos expliquant qu'elles seraient incapables de s'exprimer complètement et sereinement en présence, dans leur dos, de nombreux membres de la famille X... ; que le ministère public s'est dit favorable à un tel huis clos ; que Marius X... l'a estimé inopportun, que la cour en a alors délibéré et dit que pour la sérénité des débats, le huis clos était ordonné (arrêt, p. 4) ;
"1°) alors que, d'une part, le huis clos à la demande d'une victime partie civile d'une agression sexuelle n'est pas de droit ; que la sérénité des débats est un motif trop général pour justifier qu'il puisse être fait échec au principe de publicité des d'ébats ; qu'en ordonnant dans ces conditions le huis clos, la cour a violé les droits de la défense ;
"et aux motifs qu'il ressort des pièces du dossier et des débats à l'audience qu'Alexandra A... a, en octobre 2002, alors qu'elle était pensionnaire dans un établissement scolaire, raconté les attouchements dont elle a soutenu avoir été victime pendant plusieurs années de la part de Marius X... ; qu'elle a indiqué que les attouchements ont commencés alors qu'elle était âgée de 12 ou 13 ans, qu'elle était en classe de 6e ou 5e, qu'à de nombreuse reprises Marius X... lui a touché le corps au dessus et en dessous de ses vêtements, qu'une fois à l'extérieur de la maison il a baissé son pantalon et lui a demandé de lui toucher le sexe ce qu'elle a refusé, qu'il venait souvent dans sa chambre, soulevait les couvertures et les draps et lui touchait le sexe et les fesses, qu'il est arrivé qu'il lui touche la jambe et tente de lui toucher le sexe lors de trajets en voiture vers l'école, qu'il ne l'a jamais pénétrée, qu'une fois il est allé avec elle sur la route des sanguinaires au prétexte de voir un bateau arriver, qu'il a basculé un siège, et que ce jour là elle a compris qu'il envisageait un rapport sexuel mais qu'elle s'est débattue et est sortie de la voiture ; qu'elle a expliqué qu'à cette époque elle "voulait le tuer" mais qu'elle ne pouvait pas le dénoncer car elle aurait été contrainte de quitter sa famille d'accueil sans pouvoir retourner chez sa mère, son angoisse étant renforcée par le fait qu'elle s'entendait très bien avec Jeanne X... et avec les enfants du couple d'accueil ; qu'elle a ajouté avoir vu sa soeur Héléna être également touchée par Marius X... dans la salle de bains de la maison ; qu'elle a affirmé que Jeanne X... avait plusieurs fois dit à son mari qu'il fallait qu'il arrête car sinon on croirait qu'il touche les enfants ; qu'Héléna A..., qui au moment de la dénonciation des faits par sa soeur Alexandra avait quitté la famille d'accueil depuis quelques temps pour poursuivre des études sur le continent, a indiqué qu'elle aussi avait subi des attouchements de la part de Marius X..., qu'il profitait des moments où ils étaient seuls ensemble pour lui caresser la poitrine ou le sexe, qu'il venait de bonne heure dans sa chambre et glissait sa main sous sa chemise de nuit pour lui toucher le sexe et le corps, qu'elle pleurait et essayait de se dégager, qu'un jour Alexandra a surpris un attouchement sur elle dans la salle de bains, qu'il la touchait en voiture quand ils allaient chercher le pain, qu'elle n'a jamais rien dit car elle a une grande affection pour Jeanne X... et avait peur des conséquences pour cette femme et pour sa famille notamment ses filles pour qui elle avait une très grande affection ; que ne s'étant pas rendue aux convocations du juge d'instruction, elle lui a envoyé une lettre pour lui expliquer qu'elle n'a pas voulu être confrontée à Marius X... pour qu'il "ne pose pas ses yeux sur elle", que lorsqu'elle avait environ 9 ans Marius X... a commencé à la toucher, qu'elle avait honte, qu'elle se sentait très mal, qu'elle était terrifiée à l'idée qu'il puisse un jour la contraindre à avoir avec lui une relation sexuelle complète, qu'elle n'a jamais parlé des attouchements par peur de perdre "l'amour de Jeanne X..." qui a toujours été gentille avec elle et parce qu'elle ne voulait pas faire de mal à son assistante maternelle ; qu'avec sa soeur elle ne voulait rien montrer de ce qu'elle vivait, qu'elle a essayé d'oublier tous ces événements, que depuis les faits elles se sent mal, qu'elle a traversé des phases d'anorexie et de boulimie ; qu'elle a conclu sa lettre en écrivant en grands caractères "s'il vous plaît, j'en ai tellement souffert" ; que Jeanne X..., entendue en cours de procédure, a soutenu que son mari n'a jamais touché les enfants ; qu'elle a toutefois admis lui avoir dit une fois "arrête ils vont dire que tu la touches" à propos d'Alexandra, mais qu'à l'époque on parlait beaucoup de pédophilie et qu'elle préférait qu'il ne touche pas la jeune fille même pour la réveiller ; que lors d'une audition ultérieure, elle a contesté avoir prononcé cette phrase et avoir seulement dit "arrête ne la réveille pas" ; qu'elle a affirmé que les deux soeurs n'avaient cessé de mentir depuis qu'elle les connaît ; qu'elle a indiqué avoir à l'époque des rapports sexuels "très irrégulièrement" avec son mari et qu'il fallait que lors de chaque relation il se "retienne", sauf lorsqu'ils voulaient avoir un enfant ; que Marius X... a toujours nié avoir commis des attouchements ; qu'il a admis avoir parfois conduit en voiture Alexandra à l'école, et être allé une fois sur la route des sanguinaires pour voir le ferry qui devait ramener sa soeur, mais qu'il ne s'est rien passé ce jour là ; qu'il dit n'avoir pas souvenir que sa femme ait prononcé une phrase comme "arrête de la toucher" ; qu'à l'audience, il a affirmé que les deux soeurs pouvaient avoir lancé la procédure pour obtenir de l'argent ; qu'il ressort de l'ensemble des éléments du dossier et des débats à l'audience que tant Alexandra qu'Héléna A... sont des jeunes femmes équilibrées et qui ne présentent pas de troubles de la personnalité ; que toutes deux ont suivi un cursus scolaire ordinaire, Alexandra est en apprentissage d'aide soignante, et Héléna a trouvé un emploi à Paris ; que leurs propos sont clairs, cohérents, et intelligents ; que si d'après le dossier d'assistance éducative, il est certain que leur mère a présenté de très importants troubles psychologiques et a toujours été mentalement perturbée, cela n'a jamais été le cas de ces deux jeunes filles ; qu'Alexandra A... a été examinée deux fois par une psychologue expert près la cour d'appel ; que celle-ci a conclu la première fois que la jeune femme "ne présente pas de troubles psychiques pouvant altérer sa perception du réel" et que "nous n'avons constaté aucun élément lors des tests et de l'entretien permettant d'émettre des réserves quand à la crédibilité de ses propos", et la seconde que "aucun éléments de l'examen ou des tests projectifs ne permet de remettre en considération la crédibilité de ses propos ce jour", et qu'elle "évoque les faits avec réserve et pudeur sans animosité particulière, l'entretien ne met pas en évidence de contentieux particulier avec l'accusé en dehors des faits" ; que tout au long de la procédure, les deux jeunes femmes ont maintenu des propos cohérents et sans contradiction ; qu'en plus, les accusations contre Marius X... sont restées très mesurées, alors que si elles avaient voulu réellement lui nuire, ou au-delà sa famille, elles auraient pu l'accuser de faits encore plus graves ; qu'à l'audience, elle se sont expliquées avec retenue, pudeur, nuance, même si l'émotion, contenue autant que possible, était intense ; qu'elles ont clairement indiqué à la cour qu'elles se sentaient très bien avec Jeanne X... et ses enfants, et ont expliqué, ce qui est remarquable, qu'elles ont demandé le huis clos pour que le reste de la famille X... n'entende pas ce qu'elles avaient à dire, ceci afin de ne pas leur faire de peine ; que tant leur comportement que leurs propos excluent tout trait de personnalité ou désordre psychologique imposant de douter de la crédibilité de leur récit des faits ; que s'agissant d'Alexandra, il ressort du dossier qu'avant même d'en parler avec des membres du personnel de l'école, elle avait quelques jours avant posé anonymement en classe une question écrite sur ce que devait faire un enfant qui en connaît un autre victime d'attouchements sexuels ; qu'il s'agissait alors, manifestement, d'interroger les adultes pour trouver une façon de sortir de l'impasse dans laquelle elle se sentait ; que par ailleurs, les professionnels qui ont recueilli ses premières déclarations dans le cadre de l'établissement scolaire ont relevé son état de grande tristesse, ses pleurs, sa difficulté à s'exprimer ; que personne n'a un seul instant estimé qu'elle pouvait simuler ; que Jeanne X..., dans un premier temps, a reconnu avoir averti son mari qu'il ne devait pas se comporter avec les jeunes filles comme il le faisait, qu'il ne fallait pas "qu'il les touche" ; or, même si ensuite elle a très maladroitement tenté de changer le contenu de la phrase prononcée, cet élément montre que Marius X... avait des attitudes pouvant laisser penser à des contacts physiques dépassant ce qui est habituellement permis avec des enfants ; qu'en effet, ce genre de phrase ne peut pas venir à l'esprit d'une épouse qui constate uniquement que son mari va très normalement réveiller ses enfants ou leur dire bonsoir, et à cette occasion les embrasse comme tout parent peut le faire sainement ; qu'en plus, les premières déclarations de Jeanne X... montrent que sur ce point particulier, Alexandra n'a pas menti ; qu'il en est de même à propos de l'existence d'un déplacement d'Alexandra et Marius X... sur la route des sanguinaires ; que la confirmation du fait par ce dernier montre qu'en le racontant la jeune femme n'a pas menti ; que ceci renforce le crédit à accorder à ses propos ; qu'à l'époque des faits, la famille X... accueillait à plein temps une jeune fille, mais qui était handicapée mentale et physique ; dès lors, les seules enfants vers lesquelles Marius X... pouvait aller pour les toucher étaient les soeurs A... qui, en plus, ne bénéficiaient d'aucun soutien dans leur famille d'origine ; que par ailleurs, les témoignages d'autres personnes qui ont été autrefois accueillies chez les X... sont sans intérêt, d'une part, parce que celles-ci n'y allaient qu'épisodiquement, que les témoignages portent sur une période antérieure à l'arrivée des soeurs A..., et que certains des attestants sont des garçons qui ne risquaient rien ; que la cour retient aussi que sur la période des gestes à caractère sexuel de Marius X... sur les deux victimes celui-ci n'avait que très peu de relations sexuelles avec son épouse qui lui interdisait systématiquement, d'après ses propres déclarations, une relation complète ; qu'enfin, il n'existe aucune autre explication plausible aux accusations des deux jeunes femmes que la réalité des attouchements dénoncés ; que la prétendue volonté de quitter la famille d'accueil ne repose sur rien, d'autant plus que comme elles l'ont expliqué à l'audience la famille X... était leur seul repère et qu'elles étaient très attachées à Jeanne X... et à ses filles ; que pour toutes ces raisons, la cour conclut que la culpabilité de Marius X... est certaine (arrêt, p. 4 à 8) ;
"2°) et alors que, d'autre part, la crédibilité prêtée aux jeunes filles n'est pas un élément suffisant de nature à établir la véracité de leur dénonciation dès lors que les faits sont expressément contestés par le prévenu et qu'aucun élément extérieur aux déclarations des jeunes filles ne corrobore les faits" ;
Sur le moyen pris en sa première branche : Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué qu'à la demande des parties civiles et du ministère public, la cour d'appel a, pour assurer la sérénité des débats, ordonné qu'ils auraient lieu à huis clos ;
Qu'en cet état l'arrêt, qui a prononcé le huis-clos pour l'un des motifs prévu à l'article 400 du code de procédure pénale, n'encourt pas les griefs allégués ; Sur le moyen pris en sa seconde branche :
Attendu que les énonciations de l'arrêt mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, des indemnités propres à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui, en sa seconde branche, se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Mais, sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 8 de la Déclaration des droits de l'homme, 66 de la Constitution, 132-19, 222-30 et suivants du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce que la cour a prononcé contre le prévenu une peine ferme qu'elle a d'ailleurs aggravée ;
"au motifs que, la gravité de fait d'attouchement s'apprécie non seulement en fonction de la nature propre, mais aussi des conséquences psychologiques et morales sur les victimes ; qu'Alexandra et Héléna A... ont expliqué à l'audience à quel point les attouchements de Marius X... leurs ont causé du mal, parce que jeunes filles elles ont perdu leurs repères vis à vis des adultes en qui elles ne pouvaient pas avoir confiance, parce qu'elles ont vécu pendant des mois dans la crainte de la répétition des faits et, comme cela a déjà été indiqué plus haut, dans la peur que leur agresseur ne veuille plus et n'en arrive à des actes de pénétration, et aussi parce que la famille d'accueil était leur seul environnement, n'ayant de leur coté qu'une mère défaillante et pour chacune un père absent ; qu'ainsi elles ont vu leur seul soutien s'écrouler ; que l'expert psychologue a relevé chez Alexandra A... "des troubles anxio dépressifs majeurs qui compromettent actuellement son insertion sociale, sa vie amoureuse, sa santé (tentatives de suicide), et son avenir (ses études)" ; que l'audience a fait apparaître à quel point, pour toutes deux, la douleur est encore aujourd'hui profonde ; que la gravité des faits est renforcée par l'attitude de Marius X..., qui a choisi d'imposer aux victimes un second procès non pour discuter de l'ampleur de la sanction mais du principe de sa culpabilité, qu'il sait pourtant indiscutable, et au-delà par le choix de son mode de défense ; qu'alors qu'il sait qu'il a commis des attouchements et qu'il a vu au cours des débats deux jeunes femmes en grande détresse, il a choisi d'abord personnellement d'ignorer totalement tout ce qu'elles pouvaient dire et ressentir, allant même jusqu'à affirmer qu'elles pouvaient être intéressées par l'argent ; mais il a fait aussi longuement plaider le déséquilibre, le mensonge, la déconsidération, ce qui, pour les deux parties civiles a été insupportable et leur a occasionné, inutilement, une épreuve et une souffrance supplémentaire ; que pour toutes ces raisons, la cour le condamne à quatre années d'emprisonnement ;
"1°) alors que, d'une part, la défense est libre ; que le choix d'un système de défense ne peut dès lors être en aucun cas un motif d'aggravation d'une peine ferme ;
"2°) et alors que, d'autre part, seule l'action civile a pour objet de réparer le préjudice des parties civiles ; que le doublement de la peine d'emprisonnement ferme prononcée par le tribunal, dont le jugement n'était d'ailleurs lui même pas motivé, ne pouvait dès lors s'autoriser devant la cour d'appel de considérations radicalement inopérantes prises de la souffrance des parties civiles et des contraintes d'un procès d'appel" ;
Vu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 2 du Protocole n° 7 à ladite Convention, préliminaire, dernier alinéa, du code de procédure pénale et 132-19 du code pénal ;
Attendu qu'aux termes du second de ces textes, toute personne déclarée coupable d'une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation ; que l'exercice de ce droit ne saurait constituer un motif d'aggravation de la peine prononcée par les premiers juges ;
Attendu que, pour condamner Marius X..., déclaré coupable d'agressions sexuelles aggravées, à quatre ans d'emprisonnement, l'arrêt énonce notamment que la gravité des faits est renforcée par l'attitude du prévenu qui a choisi d'imposer aux victimes un second procès non pour discuter de l'ampleur de la sanction mais du principe de sa culpabilité, qu'il sait pourtant indiscutable, et au-delà par le choix de son mode de défense ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
I - Sur le pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia, en date du 11 juin 2003 :
Le REJETTE ;
II - Sur le pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Bastia, chambre correctionnelle, en date du 3 mai 2006 :
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé, en ses seules dispositions relatives à la peine, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bastia et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Ponroy conseiller rapporteur, M. Le Gall, Mme Chanet, MM. Pelletier, Arnould, Corneloup, Pometan, Guérin conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron conseillers référendaires ; Avocat général : M. Charpenel ; Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-85061;06-84330
Date de la décision : 24/01/2007
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

JUGEMENTS ET ARRETS - Motifs - Motivation spéciale - Peine prononcée par la juridiction correctionnelle - Emprisonnement sans sursis - Aggravation de la peine motivée par l'exercice d'une voie de recours - Possibilité (non)

PEINES - Peines correctionnelles - Peine d'emprisonnement prononcée pour un délit - Aggravation de la peine motivée par l'exercice d'une voie de recours - Possibilité (non)

Aux termes de l'article 2 du Protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne déclarée coupable d'une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation. L'exercice de ce droit ne saurait constituer un motif d'aggravation de la peine prononcée par les premiers juges. Encourt la censure l'arrêt qui, pour condamner à quatre ans d'emprisonnement une personne déclarée coupable d'agressions sexuelles aggravées, énonce que la gravité des faits est renforcée par l'attitude du prévenu qui a choisi d'imposer aux victimes un second procès non pour discuter de l'ampleur de la sanction mais du principe de sa culpabilité, qu'il sait pourtant indiscutable, et au-delà par le choix de son mode de défense


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 03 mai 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 jan. 2007, pourvoi n°03-85061;06-84330, Bull. crim. criminel 2007 N° 17 p. 49
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2007 N° 17 p. 49

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Charpenel
Rapporteur ?: Mme Ponroy
Avocat(s) : Me Bouthors

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:03.85061
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