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11/01/2007 | FRANCE | N°05-40157

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 janvier 2007, 05-40157


Sur le moyen unique, pris en ses première et quatrième branches :
Vu les articles 2 de l'accord de siège conclu le 16 mars 1968 entre la Banque africaine de développement et la République de Côte d'Ivoire et 3 du code civil, ensemble l'accord signé à Khartoum le 4 août 1963, publié en vertu du décret n° 86-1039 du 12 septembre 1986 et l'article 4-12 du règlement du personnel de la Banque africaine de développement dans sa rédaction applicable au litige ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que la banque a le droit d'édicter des "réglements applicables à l'

intérieur du siège et destinés à y établir les conditions nécessaires à ...

Sur le moyen unique, pris en ses première et quatrième branches :
Vu les articles 2 de l'accord de siège conclu le 16 mars 1968 entre la Banque africaine de développement et la République de Côte d'Ivoire et 3 du code civil, ensemble l'accord signé à Khartoum le 4 août 1963, publié en vertu du décret n° 86-1039 du 12 septembre 1986 et l'article 4-12 du règlement du personnel de la Banque africaine de développement dans sa rédaction applicable au litige ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que la banque a le droit d'édicter des "réglements applicables à l'intérieur du siège et destinés à y établir les conditions nécessaires à tous égards à son fonctionnement. Sauf dispositions contraires de l'accord BAD, du présent accord ou des réglements édictés, les lois de Côte-d'Ivoire sont applicables à l'intérieur du siège et la banque." ;
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, M. X... a été engagé en 1992 par la Banque africaine de développement (BAD) en qualité de chargé de prêts ; qu'il a été démis de ses fonctions par une lettre du 20 novembre 1995 du président de cette organisation internationale ; que le recours qu'il a formé le 16 janvier 1996 devant le comité d'appel du personnel a été rejeté par le président de la BAD par une décision qui lui a été notifiée le 4 décembre 1997 ; qu'il a saisi le 11 juin 1999 le tribunal administratif interne à l'organisation, lequel a déclaré le 16 juin 1999 sa demande irrecevable au motif de son incompétence pour statuer sur un litige né antérieurement à la date de sa création, le 1er janvier 1998 ; qu'il a alors demandé le 4 mai 2000 la convocation de la BAD devant le conseil de prud'hommes de Paris pour avoir paiement d'un rappel de primes et d'indemnités de préavis et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'un premier arrêt de la cour d'appel de Paris rendu le 7 octobre 2003, passé en force de chose jugée après rejet du pourvoi en cassation dont il avait été frappé (Soc., 25 janvier 2005, 04-41.012), a déclaré recevable l'action exercée par M. X... contre la BAD, aux motifs, d'une part, qu'en l'absence de toute juridiction du travail au sein de la banque l'immunité de juridiction édictée au bénéfice de celle-ci par l'accord de Khartoum mettait le salarié dans l'impossibilité d'exercer son droit à un tribunal pour connaître de sa cause et, d'autre part, que le litige présentait un lien avec la France dès lors que l'intéressé est de nationalité française ;
Attendu que, pour juger irrecevable la même action, l'arrêt relève qu'elle est prescrite en application de l'article 4-12 du règlement du personnel de la BAD, aux dispositions duquel il convient de se référer sans possibilité de renvoi à une autre loi ; que ce texte prévoit que les membres du personnel de la banque ne peuvent obtenir le paiement des indemnités, primes ou autres versements auxquels ils ont droit que s'ils en font la demande par écrit dans les douze mois qui suivent la date à laquelle ils auraient dû recevoir le dernier versement ; que ledit article doit être considéré comme constituant une application du principe de sécurité juridique visant à protéger la BAD de demandes présentées après une longue période et qu'en l'absence de règle relative à la prescription applicable à une action devant une juridiction étatique, que les statuts de la banque ne prévoient pas en raison de l'immunité de juridiction qui lui est reconnue, ce principe, pour recevoir son plein effet, doit s'appliquer à un tel recours ; que s'il était considéré que l'action en justice n'était soumise à aucun délai dès lors qu'un recours interne a été exercé en temps utile, il serait porté gravement atteinte, sans motif valable, au principe de sécurité juridique au détriment de la BAD ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que les dispositions du règlement du personnel de la BAD relatives à la seule prescription des réclamations pécuniaires qui lui sont présentées par ses salariés sont inopposables au salarié dont l'action devant une juridiction étatique a été jugée recevable en vertu du droit d'accès à un juge chargé de se prononcer sur sa prétention et alors, d'autre part, qu'il lui appartenait de rechercher le contenu de la loi ivoirienne applicable en vertu de l'article 2 précité de l'accord de siège et de l'article 3 du code civil dès lors qu'elle avait constaté que l'intéressé était affecté au siège de l'établissement à Abidjan et qu'il s'était trouvé privé de toute action judiciaire à compter de la décision du 16 juin 1999 du tribunal administratif de la BAD, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 mars 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société BAD aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société BAD à payer à Me Haas la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille sept.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 05-40157
Date de la décision : 11/01/2007
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Indemnités - Paiement - Action en paiement - Prescription - Loi applicable - Loi étrangère désignée par les parties - Recherche de sa teneur - Office du juge

LOIS ET REGLEMENTS - Loi étrangère - Mise en oeuvre par le juge français - Recherche de sa teneur - Office du juge CONFLIT DE LOIS - Application de la loi étrangère - Mise en oeuvre par le juge français - Recherche de sa teneur - Office du juge CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Accord de Khartoum de 4 août 1963 - Accord de siège du 16 mars 1968 - Article 2 - Application de la loi ivoirienne - Recherche de sa teneur - Office du juge ORGANISMES INTERNATIONAUX - Banque africaine de développement - Salarié - Action en paiement des indemnités, primes ou autres versements - Prescription - Délai de douze mois prévu par le règlement du personnel - Domaine d'application - Exclusion - Cas ORGANISMES INTERNATIONAUX - Banque africaine de développement - Salarié - Action en paiement des indemnités, primes ou autres versements - Prescription - Loi applicable - Loi ivoirienne - Recherche de sa teneur - Office du juge CONFLIT DE LOIS - Application de la loi étrangère - Contrats - Action - Prescription extinctive - Loi régissant le contrat - Loi étrangère désignée par les parties - Recherche de sa teneur - Office du juge

Prive sa décision de base légale au regard de l'article 2 de l'accord de siège conclu entre une banque ayant le statut d'organisation internationale et l'Etat de Côte d'Ivoire et de l'article 3 du code civil, la cour d'appel qui juge irrecevable, comme prescrite, l'action formée par un salarié en paiement des indemnités résultant de la rupture de son contrat de travail, alors d'une part que les dispositions du règlement du personnel de la banque relatives à la prescription des réclamations pécuniaires qui lui sont présentées par ses salariés sont inopposables au salarié dont l'action devant une juridiction étatique a été jugée recevable en vertu du droit d'accès à un juge chargé de se prononcer sur sa prétention, et alors d'autre part, qu'il lui appartenait de rechercher le contenu de la loi ivoirienne applicable dès lors qu'elle avait constaté que l'intéressé était affecté au siège de l'établissement à Abidjan et qu'il s'était trouvé privé de toute action judiciaire à compter de la décision du 16 juin 1999 du tribunal administratif de la banque se déclarant incompétent pour connaître des demandes antérieures à sa création


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 30 mars 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 jan. 2007, pourvoi n°05-40157, Bull. civ. 2007, V, n° 4, p. 3
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2007, V, n° 4, p. 3

Composition du Tribunal
Président : M. Sargos
Avocat général : M. Allix
Rapporteur ?: Mme Perony
Avocat(s) : Me Haas, SCP Defrenois et Levis

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:05.40157
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