AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 9 février 2006), que M. Guy X... étant décédé le 28 août 2003 des suites d'un carcinome broncho-pulmonaire , sa veuve, Mme Marie-Claire X..., agissant en son nom personnel et comme représentant légal de ses trois enfants mineurs, a saisi le 1er juillet 2004 le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le Fonds) d'une demande d'indemnisation ; que le Fonds a saisi la commission d'examen des circonstances de l'exposition à l'amiante (la CECEA) et, au vu de l'avis négatif exprimé par celle-ci, a notifié à Mme X... le 13 mai 2005 un refus d'indemnisation ; que Mme X... a alors saisi la cour d'appel d'une contestation de cette décision et d'une demande d'indemnisation en son nom et au nom de ses enfants ;
Attendu que le Fonds fait grief à l'arrêt d'avoir dit que Mme X... pouvait obtenir la réparation intégrale du préjudice subi du fait de la maladie et du décès de M. X..., alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 53-1 de la loi du 23 décembre 2000, peuvent obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices, les personnes qui ont obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante au titre de la législation française de sécurité sociale ou d'un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d'invalidité ; qu'aux termes de l'article 53-III, alinéa 1er, de la loi précitée, le demandeur doit justifier de l'exposition à l'amiante et de l'atteinte à l'état de santé de la victime ; que si, aux termes de l'article 53-III, alinéa 4 (deuxième phrase) de ladite loi, vaut justification de l'exposition à l'amiante la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante au titre de la législation française de sécurité sociale ou d'un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d'invalidité , ainsi que le fait d'être atteint d'une maladie provoquée par l'amiante et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail et de la sécurité sociale, le demandeur n'en doit pas moins justifier l'atteinte à l'état de santé de la victime et le lien de causalité entre son exposition à l'amiante et sa pathologie ; qu'aux termes de l'article 7, alinéa 1er, du décret du 23 octobre 2001, une CECEA est chargée d'examiner les dossiers de demande d'indemnisation dans les cas autres que ceux prévus à la deuxième phrase du quatrième alinéa du III de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 susvisée et de se prononcer, dans le cadre des orientations définies par le conseil d'administration, sur le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante ;
qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions, la reconnaissance d'une maladie professionnelle valant seulement justification de l'exposition à l'amiante, et la saisine de la CECEA pour se prononcer sur le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante étant inconditionnée, que le Fonds est admis à établir, par la saisine de la CECEA, l'absence de lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que Mme X..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom de ses enfants mineurs pouvait obtenir auprès du Fonds la réparation intégrale du préjudice subi du fait de la maladie et du décès de Guy X..., que la décision de prise en charge de la maladie de la victime par la CPAM au titre de la législation professionnelle, valait justification de l'exposition à l'amiante, sans se prononcer sur l'avis de la CECEA invoqué par le Fonds et qui concluait à un lien non établi entre la maladie et l'exposition à l'amiante, insuffisante pour être à l'origine de la pathologie, la cour d'appel a violé les dispositions susvisés ;
Mais attendu qu'il résulte du rapprochement de l'article 53-III, alinéa 4, deuxième phrase de la loi du 23 décembre 2000 et de l'article 17 du décret du 23 octobre 2001 que la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante au titre de la législation française de sécurité sociale ou d'un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires, établit par présomption le lien de causalité entre la maladie et l'exposition à l'amiante, et que dans un tel cas, la CECEA n'a pas compétence pour donner un avis sur l'imputabilité de la maladie à l'exposition à l'amiante ;
Et attendu que l'arrêt retient que la loi du 23 décembre 2000 dispose en son article 53-III que vaut justification de l'exposition à l'amiante la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante au titre de la législation française de sécurité sociale ou d'un régime assimilé ; que par courrier du 7 octobre 2005, la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble a notifié à Mme X... sa décision de prise en charge de la maladie de Guy X... au titre de la législation professionnelle; que cette reconnaissance vaut, aux termes des dispositions précitées, justification de l'exposition à l'amiante ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que Mme X..., ayant formé une demande d'indemnisation au titre d'une maladie reconnue comme maladie professionnelle occasionnée par l'exposition à l'amiante par la caisse primaire de sécurité sociale, était en droit d'obtenir du Fonds, sans autre justification du lien ainsi présumé entre la maladie et l'exposition à l'amiante, la réparation intégrale du préjudice subi du fait de la maladie et du décès de Guy X... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante à payer à Mme X... la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille six.