AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que Mme X..., salariée de l'ADAPEI du Var, a saisi le conseil de prud'hommes en paiement d'un rappel de salaire pour majoration familiale conformément à l'article 36 de la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 février 2005) d'avoir confirmé le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il l'a condamné à payer à la salariée la majoration familiale conformément à l'article 36 de la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 et de l'avoir, en conséquence, condamné à payer à l'intéressée une somme à titre de rappel de majoration familiale du 1er mars 1998 au 31 décembre 2003 et une somme à titre de congés payés afférents, alors, selon le moyen :
1 / que l'article 36 des dispositions permanentes de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 dispose que les appointements et salaires sont complétés par une majoration familiale de salaire, distincte des prestations familiales accordées à tout salarié chargé de famille, et l'annexe I à cette convention collective précise en son article 3 que le bénéfice de cette majoration n'est pas cumulable entre conjoints et que si "le chef de famille" perçoit la majoration familiale de salaire (ou indemnité correspondante) à titre personnel et quel que soit l'employeur à un taux supérieur ou égal à celui auquel peut prétendre son conjoint, celui-ci n'a droit à aucun paiement ; que viole ce texte conventionnel, ensemble les articles L. 131-1 du code du travail et 1134 du code civil l'arrêt attaqué qui considère que cette interdiction de cumul de majoration familiale ne s'applique que dans le cas où les deux conjoints relèvent de la convention collective du 15 mars 1966 susvisée ;
2 / qu'il résulte clairement des termes de l'article 3 de l'annexe I de la convention collective du 15 mars 1966 que la majoration familiale tend à procurer un avantage salarial pour autant que celui-ci n'est pas déjà assuré par ailleurs ; qu'il s'agissait ainsi pour les partenaires sociaux de pallier un éventuel manque compte tenu de la situation objective du salarié et non de consentir à celui-ci un avantage acquis susceptible d'être cumulé avec un avantage de même nature ;
qu'en autorisant pourtant un tel cumul sans tenir compte de la cause de l'obligation consacrée par le texte conventionnel susvisé, la cour d'appel a violé celui-ci par fausse application, ensemble les articles 1131 et 1134 du code civil ;
3 / que la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 prohibant le cumul entre conjoints de la majoration familiale quel que soit l'employeur, viole le principe de non discrimination posé par les articles 48 du Traité de Rome du 25 mars 1957, 6 de la Déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les articles L. 133-5-4 et L. 136-2-8 du code du travail, l'arrêt attaqué dont la solution revient à consacrer une discrimination objective entre deux catégories de salariés placés dans une situation identique, le critère de l'octroi de la majoration familiale dépendant du seul point de savoir si le conjoint relève ou non du champ d'application de la convention collective du 15 mars 1966 ;
Mais attendu que selon l'article 36, alinéa 5, de la convention collective nationale du travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées, les salariés qui sont chargés de famille perçoivent une majoration familiale de salaire distincte des prestations familiales ; que l'article 3, alinéa 1, de l'annexe 1 précise que le bénéfice de cette majoration n'est pas cumulable entre conjoints et qu'elle n'est pas payée au conjoint lorsque le "chef de famille" perçoit à titre personnel et quel que soit l'employeur, la majoration familiale de salaire ou une indemnité correspondant à un taux supérieur ou égal à celui auquel peut prétendre son conjoint ; que cette règle du non cumul instituée par cet article, dont la portée générale doit être appréciée dans les limites du champ d'application de la convention collective, n'est applicable qu'aux conjoints salariés qui, quel que soit leur l'employeur, relèvent de cette même convention et sont, à ce titre, susceptibles de percevoir la majoration familiale de salaire ou indemnité correspondant à cette majoration en raison de leurs charges de famille ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que le conjoint de Mme X... était employé par la marine nationale en qualité de mécanicien, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'ADAPEI du Var aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille six.