AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que par acte du 3 mars 1998, la Banque populaire du Midi (la banque) a consenti à la SARL Les Pompes funèbres Renaud (la société Renaud), exploitant un fonds de commerce de pompes funèbres, un prêt destiné à l'acquisition de deux véhicules dont le remboursement, aux termes des conditions particulières, a été garanti par les cautions solidaires de MM. Le X... et Y... (les cautions), et par le nantissement du fonds ;
que devant la défaillance de la société Renaud, la banque a assigné en paiement les cautions ; que ces dernières ont résisté en invoquant le bénéfice de l'article 2037 du code civil, la banque s'étant abstenue d'avoir conservé son gage sur les véhicules financés ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour décharger les cautions de leurs engagements, l'arrêt, après avoir relevé que la constitution de gage des véhicules au profit de la banque devait intervenir conformément aux décrets des 30 septembre 1953 et 20 mai 1955 si elle était inscrite aux conditions particulières, retient que dans les rapports entre la banque et l'emprunteur les véhicules ont été incontestablement nantis et constituent des gages prévus par les articles 2072 et suivants du code civil, leur inscription ne conditionnant que son opposabilité aux tiers et non son existence
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les conditions particulières du contrat de prêt avaient pour vocation de préciser les conditions générales, lesquelles ne pouvaient être mises en oeuvre directement et que les premières prévalaient sur les secondes, la cour d'appel, dès lors qu'il n'était pas contesté que le gage en cause ne figurait pas aux conditions particulières, a méconnu la loi du contrat, violant ainsi le texte susvisé ;
Sur la première branche de ce moyen :
Vu les articles 1et 2 décret n° 53-968 du 30 septembre 1953, ensemble l'article 2037 du code civil devenu l'article 2314 du même code ;
Attendu que pour décharger les cautions de leurs engagements, l'arrêt retient encore que les parties sont liées par un contrat professionnel pour financer l'achat de deux véhicules professionnels et que l'emprunteur affecte à titre de nantissement au profit de la banque le matériel désigné ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, sauf clause contraire, la constitution d'un gage sur le véhicule acquis à l'aide d'un prêt ne constitue pas une obligation, mais une simple faculté pour le prêteur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur la deuxième branche du même moyen :
Vu les articles L. 142-2 et L. 143-12 du code de commerce, ensemble les articles 2119 et 2037 du code civil devenu L. 2314 du code civil ;
Attendu que pour décharger les cautions de leurs engagements, l'arrêt retient enfin que l'emprunteur a affecté aussi le fonds de commerce qui comprend notamment "les véhicules automobiles servant à son exploitation" ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le nantissement d'un fonds de commerce qui grève indivisiblement les éléments en constituant l'assiette, ne confère pas au créancier inscrit un droit de préférence sur un élément isolé, de sorte que la caution ne saurait reprocher à la banque le non-exercice d'un droit que cette dernière ne pouvait acquérir et sur lequel elle ne pouvait compter, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE auf en ce qu'il a déclaré l'appel recevable, l'arrêt rendu le 15 septembre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;
Condamne M. Le X... et M. Y... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille six.