AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- L'ASSOCIATION SOS RACISME, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 4e section, en date du 24 novembre 2005, qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa constitution de partie civile des chefs de contestation de crimes contre l'humanité, apologie de crimes contre l'humanité et complicité ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 14 novembre 2006 où étaient présents : M. Cotte président, M. Valat conseiller rapporteur, M. Joly, Mme Anzani, M. Beyer, Mmes Palisse, Guirimand, M. Beauvais conseillers de la chambre, Mme Ménotti conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Fréchède ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE, l'avocat de la demanderesse ayant eu la parole en dernier ;
Vu l'article 58 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 24 bis, 48-1 et 48-2 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la plainte avec constitution de partie civile de l'association SOS Racisme du chef du délit d'apologie et de contestation de l'existence de crimes contre l'humanité ;
"aux motifs que l'association SOS Racisme a pour objet de "faire entreprendre toute action humanitaire susceptible de résoudre les problèmes du racisme, élaborer les campagnes nationales d'éducation et de lutte contre le racisme, l'antisémitisme, les discriminations et les ghettos, poursuivre toutes actions tendant au développement de la citoyenneté et des valeurs de la République que sont la liberté, la fraternité et la tolérance, propager et défendre l'idéal laïc quelles que soient les origines sociales, culturelles, confessionnelles ou philosophiques, apporter aide et soutien aux personnes victimes de discriminations raciales", de sorte que, si l'association répond aux critères des associations pouvant exercer les droits reconnus aux parties civiles, à l'occasion des infractions à la provocation et à la haine raciale, diffamation à caractère racial et injure à caractère racial, elle n'entre pas dans la catégorie des associations prévues par l'article 48-2 de la loi du 29 juillet 1881 pouvant exercer ces droits en matière d'apologie et de contestation de crimes contre l'humanité, étant précisé que, par ailleurs, l'association SOS Racisme ne peut exercer à titre personnel cette action faute d'avoir été elle-même mise en cause par les textes visés dans la plainte ;
"alors que, selon l'article 48-2 de la loi du 29 juillet 1881, toute association régulièrement déclarée depuis cinq ans dont l'objet social se propose de défendre les intérêts moraux et l'honneur des déportés est habilitée à exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne tant l'infraction d'apologie de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité ou de crimes ou délits en collaboration avec l'ennemi prévue à l'article 24 de la même loi, que le délit de contestation des crimes contre l'humanité incriminé à l'article 24 bis de cette loi ; que l'association SOS Racisme, dont les statuts prévoient notamment d'apporter aide et soutien aux personnes victimes de discriminations raciales et antisémites, est une association qui remplit les conditions exigées par l'article 48-2 de la loi susvisée, dès lors que les déportés, victimes des crimes contre l'humanité commis lors de la seconde guerre mondiale, prônés ou contestés dans l'article litigieux, l'ont été en raison de leur appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, à une race ou à une religion déterminée ; qu'ainsi, c'est à tort que la chambre de l'instruction a déclaré irrecevable la plainte avec constitution de partie civile de l'association SOS Racisme" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que l'association SOS racisme a porté plainte et s'est constituée partie civile devant le juge d'instruction des chefs de contestation de crimes contre l'humanité et apologie de crimes contre l'humanité en raison de propos tenus par Jean-Marie Le X... dans un entretien accordé au journal Rivarol ; que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction ayant déclaré cette plainte irrecevable, l'arrêt énonce, par les motifs repris au moyen, que cette association, dont l'objet est de lutter contre le racisme, n'entre pas dans la catégorie des personnes morales habilitées par l'article 48-2 de la loi du 29 juillet 1881 à exercer les droits reconnus à la partie civile pour les infractions de contestation de crimes contre l'humanité et d'apologie de crimes contre l'humanité et qu'elle ne peut exercer l'action à titre personnel n'étant pas elle-même visée par les propos incriminés ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors que, selon l'article 48-2 de la loi du 29 juillet 1881, pour exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits de contestation de crimes contre l'humanité et d'apologie de crimes contre l'humanité, une association doit, par ses statuts, se proposer de défendre les intérêts moraux et l'honneur de la résistance ou des déportés ;
Que, tel n'étant pas le cas en l'espèce, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit novembre deux mille six ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;