AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité joint les pourvois n° Z 04-48798 et Q 05-40651 ;
Attendu que la SGED a engagé en 2002 une procédure de licenciement collectif pour motif économique, en établissant un plan de sauvegarde de l'emploi ; que ce plan a fait l'objet d'un accord d'entreprise le 17 avril 2002 ; que M. X..., employé depuis 1988 et exerçant en dernier lieu les fonctions de directeur régional, a été licencié le 22 mai 2002 pour motif économique ; qu'il a contesté son licenciement et a demandé le paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, indemnités complémentaires pour maladie, rappels de salaire et congés payés et indemnités de rupture ;
Sur le moyen unique du pourvoi de l'employeur :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le plan de sauvegarde de l'emploi était nul et d'avoir en conséquence jugé que le licenciement était nul alors, selon le moyen :
1 / que ne peuvent agir en nullité du plan de sauvegarde de l'emploi que les salariés qui y ont intérêt ; qu'en l'espèce, la société SGED faisait valoir que M. X... avait bénéficié d'offres personnalisées de reclassement en exécution du plan de sauvegarde de l'emploi auxquelles le salarié n'avait pas donné suite ; qu'en décidant que le plan social était nul pour ne pas indiquer la nature, le nombre et la localisation des postes de reclassement disponibles et en déduire la nullité du licenciement du salarié, sans rechercher comme elle y était invitée si le salarié n'avait pas en tout état de cause, quel que soit le contenu formel du plan, bénéficié d'offres de reclassement personnalisées et partant si ce dernier avait subi un préjudice du fait de l'"imcomplétude" formelle du plan, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du nouveau code de procédure civile ;
2 / que l'article L. 321-4-1 du Code du travail requiert à peine de nullité du plan de sauvegarde de l'emploi que celui-ci comporte "des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure" sans en revanche exiger que celui-ci énumère dans le corps du plan, le nombre, la nature et la localisation des postes de reclassement disponibles ; que le plan de sauvegarde de l'emploi est valable dès lors que la liste des postes de reclassement a été effectivement portée à la connaissance des salariés concernés par le projet de licenciement collectif pour motif économique dans le respect de la procédure prévue à cet effet par le plan ; qu'en décidant que le plan de sauvegarde de l'emploi était nul pour ne pas comporter le nombre, la nature et la localisation des emplois au sein du groupe, sans rechercher comme elle y avait été invitée, si la procédure prévue par le plan pour le recensement et la transmission aux salariés concernés de la liste de l'ensemble des postes de reclassement disponibles au sein des deux groupes avait été suivie et si la société SGED avait transmis aux salariés des offres personnalisées de poste correspondant à leur profil ainsi que le plan le prévoyait également, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-4-1 du code du travail ;
Mais attendu que les personnes licenciées pour motif économique ont un droit propre à faire valoir que leur licenciement est nul au regard des dispositions de l'article L. 321-4-1 du code du travail ; que le salarié auquel ce droit était ouvert, avait donc intérêt à se prévaloir de la nullité de la procédure de licenciement collectif, sans que l'employeur puisse lui opposer le fait qu'il lui avait été proposé des mesures individuelles de reclassement ;
Et attendu que le plan de sauvegarde de l'emploi doit comporter des mesures précises et concrètes pour faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne peut être évité ; que la cour d'appel qui a relevé que le plan se bornait, d'une part, à prévoir une commission chargée de centraliser les postes vacants au sein des deux groupes auxquels la société appartient, de mettre en relation les compétences et les offres et d'offrir un conseil à la rédaction de curriculum vitae et, d'autre part, à renvoyer les salariés à la consultation d'une liste de postes disponibles, sans organiser de façon plus concrète les mesures de reclassement, ni préciser le nombre, la nature et la localisation des emplois offerts à ce titre, la cour d'appel a pu décider que le plan ne satisfaisait pas aux exigences de l'article L. 321-4-1 du code du travail ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi du salarié :
Vu l'article L. 122-14-4, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que lorsque le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle et de nul effet, conformément aux dispositions de l'article L. 321-4-1 du code du travail et que le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail, le tribunal lui octroie une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois ;
Attendu que pour réparer le préjudice résultant de la nullité de son licenciement, l'arrêt attaqué a alloué à M. X..., qui avait une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise employant plus de 10 salariés, une indemnisation d'un montant inférieur au minimum précité ;
Qu'en statuant ainsi alors qu'elle avait constaté que le licenciement pour motif économique avait été notifié le 22 mai 2002, postérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi du 17 janvier 2002, à la suite d'une procédure de licenciement collectif entachée de nullité au regard de l'article L. 321-4-1 du code du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi du salarié :
Vu l'article L. 223-11 du code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un complément d'indemnité de congés payés, l'arrêt énonce que les primes exceptionnelles perçues par l'intéressé ne peuvent servir à la détermination des congés payés dès lors qu'il n'est pas justifié qu'elles étaient dues en fonction d'objectifs déterminés contractuellement ;
Qu'en statuant ainsi alors qu'une prime d'objectifs vient récompenser l'activité déployée par les salariés pour atteindre les résultats fixés, ce dont il résulte que les primes en cause sont assises sur le salaire des périodes travaillées à l'exclusion des périodes de congés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le cinquième moyen du pourvoi du salarié ;
Vu l'article L. 122-8 du code du travail ;
Attendu que pour déterminer le montant de l'indemnité compensatrice de préavis, la cour d'appel a exclu de la moyenne annuelle de la rémunération du salarié les primes exceptionnelles qui lui avaient été versées au cours de l'année de référence ;
Qu'en statuant ainsi alors que la dispense par l'employeur de l'exécution du travail pendant le délai-congé ne doit entraîner jusqu'à l'expiration de ce délai, aucune diminution de salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le sixième moyen du pourvoi du salarié :
Vu l'article 13 de la convention collective nationale de l'édition du 6 janvier 1959, ensemble l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour limiter le montant de l'indemnité de licenciement et débouter le salarié de sa demande de majoration, l'arrêt exclut de la rémunération du salarié les primes exceptionnelles qui lui ont été versés au cours de la période de référence et énonce qu'aucune majoration ne lui est due en application d'un accord d'entreprise ;
Attendu cependant que l'article 13 de la convention collective nationale de l'édition applicable dans l'entreprise prévoit que l'indemnité de licenciement est calculée sur la base des appointements mensuels du salarié et des autres rémunérations acquises au titre des douze deniers mois, à l'exclusion des frais de déplacement et des indemnités et rémunérations n'ayant pas le caractère de salaire et l'accord d'entreprise du 17 avril 2002 ouvre droit à un complément d'indemnité d'un montant maximum de 9 147 euros au profit des salariés dont l'ancienneté était comprise entre 12 et 16 ans ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que les primes qu'elle avait exclues de l'assiette de calcul de l'indemnité de licenciement constituaient des éléments de salaire acquis au cours de la période de référence, en contrepartie de la réalisation des objectifs de travail assignés au salarié et qu'elle devait tenir compte de l'accord d'entreprise du 17 avril 2002, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur les autres moyens du pourvoi du salarié :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE et ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives au montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, rappel de congés payés, indemnité compensatrice de préavis et indemnités conventionnelles et complémentaires de licenciement, l'arrêt rendu le 30 novembre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la SGED et MM. Y... et Z... de A..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la société SGED et MM. Y... et Z... de A..., ès qualités, à verser la somme de 1 000 euros à M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille six.