AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quinze novembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PELLETIER, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE et de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Roland,
- Y... Miloud,
contre l'arrêt de la cour d'assises de la HAUTE-GARONNE, en date du 3 février 2006, qui, pour vol qualifié, les a condamnés, le premier, à la réclusion criminelle à perpétuité en fixant à 20 ans la durée de la période de sureté, et, le second, à 30 ans de réclusion criminelle en fixant à 19 ans la durée de la période de sûreté ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié pour Miloud Y..., et pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 378 et 379 du code de procédure pénale, ensemble violation du principe de l'oralité des débats ;
"en ce que le procès-verbal des débats mentionne (p. 14) : "à cet instant, M. le président a ordonné qu'il soit fait mention au procès-verbal de la réponse que venait de faire l'accusé à une question qu'il venait de lui poser ; sous sa dictée, le greffier a mentionné cette déclaration ainsi qu'il suit : "les policiers m'ont dicté mes déclarations et devant le juge d'instruction cela n'a duré qu'une seconde ; la lecture de la déposition que j'ai faite devant le juge d'instruction le 29 mars 2000 à 19 heures 45 ne correspond pas à ce que j'ai dit" ;
"alors que les dispositions de l'article 379 du code de procédure pénale, selon lesquelles "à moins que le président n'en ordonne autrement d'office ou sur la demande du ministère public ou des parties, il n'est fait mention au procès-verbal, ni des réponses des accusés, ni du contenu des dépositions", sont d'ordre public ; qu'il en résulte que le procès-verbal doit permettre, non seulement d'identifier l'existence de l'ordre du président, mais son contenu et, par conséquent, en cas de pluralité d'accusés, l'accusé dont les réponses ont été transcrites sur ordre du président ; qu'en l'espèce deux accusés comparaissaient devant la cour d'assises et que la rédaction du procès-verbal ne permettant pas à la Cour de cassation de vérifier si la réponse dont il fait mention, réponse en relation avec la culpabilité des accusés, est celle de Miloud Y... ou de Roland X..., la cassation est encourue" ;
Sur le cinquième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Thouin-Palat pour Roland X..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 378 et 379 du code de procédure pénale, ensemble violation du principe de l'oralité des débats ;
"en ce que le procès-verbal des débats mentionne (p. 14) : "à cet instant, M. le président a ordonné qu'il soit fait mention au procès-verbal de la réponse que venait de faire l'accusé à une question qu'il venait de lui poser ; sous sa dictée, le greffier a mentionné cette déclaration ainsi qu'il suit : "les policiers m'ont dicté mes déclarations et devant le juge d'instruction cela n'a duré qu'une seconde ; la lecture de la déposition que j'ai faite devant le juge d'instruction le 29 mars 2000 à 19 heures 45 ne correspond pas à ce que j'ai dit" ;
"alors que les dispositions de l'article 379 du code de procédure pénale, selon lesquelles "à moins que le président n'en ordonne autrement d'office ou sur la demande du ministère public ou des parties, il n'est fait mention au procès-verbal, ni des réponses des accusés, ni du contenu des dépositions", sont d'ordre public ; qu'il en résulte que le procès-verbal doit permettre, non seulement d'identifier l'existence de l'ordre du président, mais son contenu et par conséquent, en cas de pluralité d'accusés, l'accusé dont les réponses ont été transcrites sur ordre du président ; qu'en l'espèce deux accusés comparaissaient devant la cour d'assises et que la rédaction du procès-verbal ne permettant pas à la Cour de cassation de vérifier si la réponse dont il fait mention, réponse en relation avec la culpabilité des accusés, est celle de Roland X... ou de Miloud Y..., la cassation est encourue" ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 379 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon cet article, le président peut ordonner, d'office ou sur la demande des parties, la mention au procès-verbal des réponses des accusés ou du contenu des dépositions ;
Attendu qu'il résulte des mentions du procès-verbal que le président a donné l'ordre de mentionner la réponse de l'accusé ;
Mais attendu qu'en cet état, alors que le nom de cet accusé n'est pas précisé, les dispositions de l'article susvisé ont été méconnues ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et sur le troisième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié pour Miloud Y..., et pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 331 et 378 du code de procédure pénale ;
"en ce qu'il ne résulte d'aucune des constatations du procès-verbal des débats que les témoins Martine Z... et Hamid A..., introduits dans la salle d'audience le 1er février 2006 à 14 heures 40, afin d'être entendus, aient prêté serment préalablement à leur audition, en sorte que cette formalité substantielle est réputée ne pas avoir été accomplie" ;
Sur le sixième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Thouin-Palat, pour Roland X..., pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 331 et 378 du code de procédure pénale ;
"en ce qu'il ne résulte d'aucune des constatations du procès-verbal des débats que les témoins Martine Z... et Hamid A..., introduits dans la salle d'audience le 1er février 2006 à 14 heures 40, afin d'être entendus, aient prêté serment préalablement à leur audition, en sorte que cette formalité substantielle est réputée ne pas avoir été accomplie" ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 331 du code de procédure pénale ;
Attendu que toute formalité substantielle, dont l'accomplissement n'est pas régulièrement constaté, est réputée avoir été omise, et que, selon l'article 331, alinéa 3, du code de procédure pénale, les témoins doivent prêter le serment prévu par ce texte ;
Attendu que le procès-verbal mentionne que le président a "fait appeler de leur chambre et successivement introduire dans l'auditoire" les témoins Martine Z... et Hamid A... ;
Mais attendu qu'en l'état de cette mention, de laquelle il ne résulte pas que les témoins précités aient prêté serment avant leur déposition, les dispositions de l'article susvisé ont été méconnues ;
D'où il suit que la cassation est également encourue ;
Et sur le quatrième moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Thouin-Palat pour Roland X... et pris de la violation de l'article 349 du code de procédure pénale ;
"en ce que le président a interrogé la Cour et le jury sur les circonstances aggravantes en se référant à une question portant sur le fait principal inexistante ;
"alors que sont illégalement posées les questions relatives aux circonstances aggravantes qui ne se réfèrent pas à une question préalable portant sur le fait principal ; que les questions n° 9, 10, 11 et 13 relatives aux circonstances aggravantes se réfèrent à la "question n° 7" portant sur le fait principal de vol, bien que la "question n 7" ainsi visée ait trait à l'incapacité totale de travail subie par Fernando B... ensuite des violences imputées à l'accusé Miloud Y..., et non pas au fait principal de vol imputé à l'accusé Roland X... ; qu'en l'absence de référence exacte à la question portant sur le fait principal, les questions relatives aux circonstances aggravantes sont nulles" ;
Vu l'article 349 du code de procédure pénale ;
Attendu que la question relative à une circonstance aggravante doit se référer à une autre question portant sur le fait principal ;
Attendu qu'il résulte de la feuille de questions que les questions n° 9,10,11 et 13 se référent à la question n° 7 posée pour le coaccusé Miloud Y... et portent sur la durée de l'incapacité totale de travail subie par l'une des deux victimes ;
Mais attendu qu'en cet état, alors que les questions susvisées concernant des circonstances aggravantes devaient se référer à la question n° 8 relative au fait principal de vol reproché à Roland X..., le principe ci-dessus rappelé a été méconnu ;
D'où il suit que la cassation est derechef encourue ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'assises de la Haute-Garonne, en date du 3 février 2006, ensemble la déclaration de la Cour et du jury et les débats qui l'ont précédée, et, pour être à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de la Gironde, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises de la Haute-Garonne, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Pelletier conseiller rapporteur, M. Le Gall, Mmes Chanet, Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, MM. Corneloup, Pometan conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Fréchède ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;