AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les trois moyens réunis :
Attendu que M. X... a été engagé le 8 mars 1978 par l'association Ligue du Nord d'hygiène sociale, devenue l'association Santelys, en qualité de commis d'économat, chargé de préparer les commandes de produits pharmaceutiques et de les livrer ; qu'après deux examens médicaux en date des 8 et 24 juillet 1997, le salarié a été déclaré inapte au poste de chauffeur-livreur mais apte à un poste sédentaire type commis d'économat ou magasinier à la pharmacie ou entretien des espaces verts ; qu'après avoir été licencié le 13 août 1997 pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Douai, 26 novembre 2004) d'avoir rejeté ses demandes d'indemnités et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
Selon le premier moyen :
1 / que le reclassement du salarié médicalement inapte doit s'opérer dans un emploi "aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en uvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail" ; que ces dispositions légales ne limitent pas les mesures que l'employeur doit tenter de mettre en uvre à la seule mutation du salarié inapte, mais l'étendent, dans les limites de son pouvoir de direction, à celle d'autres salariés avec qui la permutation est susceptible de permettre le reclassement recherché ; qu'en décidant, au contraire, que ces dispositions ne prévoyaient "que la mutation du salarié lui-même et n'oblige(aient) pas l'employeur à muter un autre salarié pour permettre au salarié inapte d'occuper des fonctions compatibles avec son état de santé", la cour d'appel a violé par fausse interprétation l'article L. 122-24-4 du code du travail ;
2 / que l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, peut modifier les conditions de travail d'un salarié et lui imposer, au sein du même établissement, une nouvelle affectation compatible avec sa qualification ; qu'en déclarant impossible le reclassement de M. X... dans le poste de M. Y..., auquel il avait été reconnu physiquement apte, au seul motif du refus de permutation exprimé par ce dernier, sans rechercher si cette mesure représentait une simple modification de ses conditions de travail, auquel cas l'employeur pouvait légitimement l'imposer, ou si, au contraire, elle emportait une modification du contrat de travail lui-même, auquel cas son refus était légitime et ne pouvait être transgressé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-1 et L. 122-24-4 du code du travail ;
3 / subsidiairement que l'obligation de reclassement doit être exécutée de bonne foi ; qu'en justifiant le licenciement de M. X..., salarié médicalement inapte à son emploi, par le refus de permutation exprimé par le titulaire du poste susceptible de permettre son reclassement, sans répondre aux conclusions, appuyées sur une attestation de ce salarié lui-même, faisant valoir que l'employeur avait apporté au poste qu'il offrait en permutation des modifications aggravant notablement les conditions de travail, telle l'obligation de travailler le samedi, ou encore l'accomplissement de grands déplacements, de telle sorte que la recherche de reclassement n'avait pas été exécutée de bonne foi, la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Selon le deuxième moyen :
1 / qu'en énonçant, par voie de pure affirmation, que l'employeur ne pouvait reclasser M. X... dans un poste d'entretien des espaces verts "occupé par un employé extérieur" sans rechercher concrètement, en considération de la nature, de la durée, des conditions de la convention à l'origine de cette occupation, si la résiliation n'en était pas envisageable aux fins de permettre le reclassement d'un salarié médicalement inapte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-24-4 du code du travail et 1134 du code civil ;
2 / que l'avis du médecin du travail, non contesté devant l'inspecteur du travail, s'impose aux parties, et au juge prud'homal, qui n'est pas en droit de se substituer au praticien pour apprécier l'aptitude ou l'inaptitude du salarié ; qu'en l'espèce le médecin du travail, lors des visites en date des 8 et 23 juillet 1997, avait déclaré M. X... apte à un poste d'entretien des espaces verts ; qu'en énonçant que ce poste "s'avérait ( ) peu compatible avec l'état de santé de Christian X... en ce qu'il comprenait la conduite d'un véhicule", la cour d'appel a violé l'article L. 241-10-1 du code du travail ;
Et selon le troisième moyen, qu'en laissant sans réponse les écritures du salarié soutenant que cette proposition, qui le privait de dix-neuf années d'ancienneté acquise, avait été effectuée en violation des dispositions conventionnelles applicables, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que le reclassement par mutation du salarié déclaré inapte par le médecin du travail auquel l'employeur est tenu de procéder en application des dispositions de l'article L. 122-24-4 du code du travail doit être recherché parmi les emplois disponibles dans l'entreprise ; que l'employeur ne peut être tenu d'imposer à un autre salarié une modification de son contrat de travail à l'effet de libérer son poste pour le proposer en reclassement à un salarié ;
Et attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ayant constaté que ni le poste de magasinier ni le poste d'entretien aux espaces verts n'étaient disponibles, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de l'association Santelys ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille six.