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07/11/2006 | FRANCE | N°06-83092

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 novembre 2006, 06-83092


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept novembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHARPENEL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X...
Y... Robbert,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6e chambre, en date du 26 janvier 2006, qui, pour infractions au

code disciplinaire et pénal de la marine marchande et à la police de la pêche en mer, l'...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept novembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHARPENEL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X...
Y... Robbert,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6e chambre, en date du 26 janvier 2006, qui, pour infractions au code disciplinaire et pénal de la marine marchande et à la police de la pêche en mer, l'a condamné à un an d'emprisonnement dont six mois avec sursis et à 18 000 euros d'amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 45 et 70 du code pénal et disciplinaire de la marine marchande, 591 à 593 du code de procédure pénale, 39 du Traité de l'Union européenne, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Robbert X...
Y... pour avoir exercé sans autorisation de l'administration des affaires maritimes et hors cas de force majeure, le commandement d'un navire français sans satisfaire aux conditions exigées par les lois ou les règlements maritimes ;

"aux motifs que Robbert X...
Y... soutient vainement que les dispositions françaises, relatives à l'emploi de ressortissants européens sur les navires battant pavillon français et pêchant dans le domaine maritime français sont contraires à l'article 39 3 du traité de l'Union européenne et à un arrêt de la Cour de Luxembourg ayant dit pour droit qu'un navire de pêche battant pavillon français pouvait avoir comme patron et second un national de n'importe quel pays de l'Union européenne ; que ce moyen est inopérant dès lors que ce qui lui est reproché consiste à ne pas avoir respecté des dispositions qui ne concernent pas la libre circulation des personnes ou des biens ; qu'il lui est reproché d'avoir sans raison valable exercé le commandement d'un navire ;

"alors, d'une part, que l'article 3 du code du travail maritime, issu de la loi du 26 février 1996, interdisant à un ressortissant de l'Union européenne d'être capitaine sur un navire de pêche battant pavillon français est contraire à l'article 39 3 du Traité de l'Union européenne ; que l'article 70 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande qui réprime le non-respect de cette condition de nationalité est également contraire à l'article 39 3 susvisé ; qu'en estimant ce moyen inopérant tout en condamnant Robbert X...
Y..., qui possède pourtant les qualités requises selon le droit néerlandais, pour avoir pris temporairement le commandement d'un navire sans satisfaire aux conditions exigées par les lois ou les règlements maritimes français qui imposent la nationalité française, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"alors, d'autre part et subsidiairement, que le délit de l'article 70 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande, prévoyant une peine d'un an d'emprisonnement et/ou 3 750 d'amende, ne vise que le commandement effectué de façon régulière sur un navire français sans autorisation de l'administrateur des affaires maritimes et sans satisfaire aux conditions exigées par les lois et règlements maritimes ; que cet article vise un commandement habituel, bien qu'illégal, et non un commandement usurpé temporairement ; que seul le délit prévu à l'article 45 dudit code, réprimé par une peine de six mois d'emprisonnement et 3 750 d'amende, est applicable à " toute personne qui a pris indûment le commandement d'un navire " ; qu'en condamnant Robbert X...
Y... sur le fondement de l'article 70 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande alors que ce dernier n'exerçait pas régulièrement le commandement du " Valérie ", la cour d'appel a violé les articles précités ;

"alors, enfin, que la peine prononcée par les juges du fond, à savoir un an d'emprisonnement dont six mois sans sursis et 18 000 d'amende, dépasse le maximum légal pour les infractions subsistantes, à savoir, usurpation de commandement (six mois d'emprisonnement et 3 750 d'amende en vertu de l'article 45 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande) et obstruction au contrôle maritime par une personne autre que le capitaine en titre (15 000 d'amende en vertu de l'article 8 du décret-loi du 9 janvier 1852) ; que dès lors, et conformément à l'article 598 du code de procédure pénale, les critiques exposées doivent entraîner la cassation de l'arrêt en son entier" ;

Vu les articles 1er, 2, 36 bis, 45 et 70 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande ;

Attendu que, d'une part, le fait de prendre indûment le commandement d'un navire visé à l'article 1er du code disciplinaire et pénal de la marine marchande est constitutif du délit prévu et réprimé par l'article 45 du même code ;

Attendu que, d'autre part, selon l'article 2 de ce code et pour l'application des dispositions qui y sont contenues, l'expression de "capitaine" désigne le capitaine ou patron, ou à défaut la personne qui exerce, réguliérement, en fait, le commandement du navire ;

Attendu que, pour déclarer Robbert X...
Y..., poursuivi notamment pour avoir exercé sans autorisation de l'administrateur des affaires maritimes et hors le cas de force majeure, le commandement d'un navire français sans satisfaire aux conditions exigées par les lois ou les règlements maritimes, coupable de cette infraction prévue et réprimée par l'article 70 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande, l'arrêt attaqué énonce qu'il lui est, à juste titre, reproché de s'être, à la suite d'une altercation qui l'a opposé à Philippe Z..., commandant du chalutier français le Valérie, substitué à lui pour exercer sans raison valable, le commandement de ce bâtiment ;

Mais attendu qu'en l'état de tels motifs, qui ne caractérisent pas le délit visé à la prévention mais celui d'usurpation du commandement d'un navire, prévu et réprimé par l'article 45 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande, la cour d'appel, à qui il appartenait de procéder à la requalification qui s'imposait et de retenir sa compétence au regard de la connexité de l'infraction ainsi requalifiée, relevant du tribunal maritime commercial, avec les autres infractions, relevant des juridictions de droit commun, reprochées au prévenu, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Et sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande, 7 et 8 du décret-loi du 9 janvier 1852, 591 à 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Robbert X...
Y..., " étant devenu capitaine ", pour soustraction au contrôle des officiers chargés de la police des pêches, faits prévus et réprimés par l'article 7 du décret-loi du 9 janvier 1852 ;

"aux motifs que " Robbert X...
Y... reconnaît avoir eu la volonté délibérée de ne pas laisser s'opérer le contrôle " bien que "n'ayant pas la qualité de commandant" ;

"alors, d'une part, que le délit de l'article 7 du décret-loi du 9 janvier 1852, puni d'une peine de 75 000 d'amende, ne vise que le capitaine de mer en titre ou la personne qui exerce habituellement, en fait, le commandement du navire conformément à l'article 2 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande, à l'exclusion de toute autre personne ; que seul le délit prévu à l'article 8 de ladite loi, puni d'une peine de 15 000 d'amende, est applicable à toute personne, autre que le capitaine en titre ou le commandant de fait habituellement en exercice, s'opposant à un tel contrôle ; qu'en condamnant Robert X...
Y..., qui n'était ni capitaine ni commandant habituel de fait du navire, sur le fondement de l'article 7 du décret-loi du 9 janvier 1852 tout en considérant qu'il " n'avait pas la qualité de commandant ", la cour d'appel a violé les articles précités ;

"alors, d'autre part, que la peine prononcée par les juges du fond, à savoir un an d'emprisonnement dont six mois sans sursis et 18 000 d'amende, dépasse le maximum légal pour les infractions subsistantes, à savoir, usurpation de commandement (six mois d'emprisonnement et 3 750 d'amende en vertu de l'article 45 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande) et obstruction au contrôle maritime par une personne autre que le capitaine en titre (15 000 d'amende en vertu de l'article 8 du décret-loi du 9 janvier 1852) ; que dès lors, et conformément à l'article 598 du code de procédure pénale, les critiques exposées doivent entraîner la cassation de l'arrêt en son entier" ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 7 et 8 du decret-loi du 9 janvier 1852 ;

Attendu que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ;

Attendu que, pour déclarer Robbert X...
Y..., coupable du délit d'obstacle au contrôle de police en mer par capitaine de navire prévu et réprimé par l'article 7 du décret-loi précité, l'arrêt retient qu'au moment des faits, l'intéressé, qui n'était ni le capitaine en titre ni une personne autorisée à le substituer, reconnaît avoir eu la volonté délibérée de ne pas laisser s'opérer le contrôle ;

Mais attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, qui ne caractérisent pas le délit reproché, la cour d'appel, à qui il appartenait de rechercher si les faits n'étaient pas susceptibles de constituer le délit d'entrave au contrôle ou à la visite d'un navire de pêche, prévu et réprimé par l'article 8 du même décret-loi et de procéder, le cas échéant, à la requalification qui s'imposait, n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens proposés ;

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 26 janvier 2006, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rouen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Palisse, Castagnède, Mme Radenne conseillers de la chambre, Mme Guihal, MM. Chaumont, Delbano conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Charpenel ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-83092
Date de la décision : 07/11/2006
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° NAVIGATION MARITIME - Code disciplinaire et pénal de la marine marchande - Infractions - Usurpation de l'exercice du commandement d'un navire - Eléments constitutifs.

1° NAVIGATION MARITIME - Code disciplinaire et pénal de la marine marchande - Application - Capitaine - Définition.

1° Pour l'application des dispositions du code disciplinaire et pénal de la marine marchande, l'expression de " capitaine " désigne le capitaine ou, à défaut, la personne qui exerce, régulièrement, en fait, le commandement du navire. Le fait pour toute autre personne de prendre indûment ce commandement est constitutif du délit prévu et réprimé par l'article 45 de ce code.

2° PECHE MARITIME - Infractions - Entrave au contrôle ou à la visite de navire ou embarcation - Eléments constitutifs.

2° Lorsque, de par son champ d'application, le décret-loi du 9 janvier 1852 régissant, par des dispositions spéciales, l'exercice de la pêche maritime trouve à s'appliquer, toute personne, autre que le capitaine en titre du navire ou celui qui est autorisé à le substituer, faisant entrave, en mer, au contrôle ou à la visite d'un navire de pêche, se rend coupable du délit prévu et réprimé non pas par l'article 7 de ce texte, qui vise le seul capitaine, mais par l'article 8 du même texte.


Références :

1° :
2° :
2° :
Code de procédure pénale 593
Code disciplinaire et pénal de la marine marchande 1, 2, 36 bis, 45, 70
Décret-loi du 09 janvier 1852 art. 7, art. 8

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 26 janvier 2006

Sur le n° 1 : Sur la notion de capitaine, à rapprocher : Chambre sociale, 1972-03-15, Bulletin 1972, V, n° 224 (1), p. 205 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 nov. 2006, pourvoi n°06-83092, Bull. crim. criminel 2006 N° 276 p. 1004
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2006 N° 276 p. 1004

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Charpenel.
Rapporteur ?: M. Le Corroller.
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:06.83092
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