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07/11/2006 | FRANCE | N°05-41380

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 novembre 2006, 05-41380


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 13 janvier 2005), que Mme Patricia X..., engagée comme conseillère informatique en 1989 par la société CCMC devenue la société CCMX, a été licenciée par lettre du 22 juillet 2003 dans le cadre d'un licenciement collectif pour motif économique ; qu'elle a alors fait valoir sa qualité de travailleur handicapé, catégorie B, reconnue par une décision de la Cotorep en date du 21 mars 2003 afin de bénéficier

d'un complément d'indemnité de licenciement prévu par l'accord d'entreprise et d'un ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 13 janvier 2005), que Mme Patricia X..., engagée comme conseillère informatique en 1989 par la société CCMC devenue la société CCMX, a été licenciée par lettre du 22 juillet 2003 dans le cadre d'un licenciement collectif pour motif économique ; qu'elle a alors fait valoir sa qualité de travailleur handicapé, catégorie B, reconnue par une décision de la Cotorep en date du 21 mars 2003 afin de bénéficier d'un complément d'indemnité de licenciement prévu par l'accord d'entreprise et d'un complément d'indemnité compensatrice de préavis prévu par l'article L. 323-7 du code du travail ;

Attendu que la société CCMX fait grief à la cour d'appel d'avoir fait droit aux demandes de la salariée au motif qu'il n'était pas établi qu'à la date où l'employeur a demandé aux salariés susceptibles d'être licenciés des informations sur leur situation individuelle, Mme X... avait connaissance de la décision de la Cotorep, alors, selon le moyen :

1 / que tenu d'un devoir de loyauté envers son employeur, tout salarié ayant eu connaissance de la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement économique collectif au sein de son entreprise, doit informer spontanément l'employeur, dès qu'il en a connaissance, de toute modification de sa situation personnelle susceptible, au regard des critères légaux définis à cet effet, d'influer sur l'ordre des licenciements ;

qu'en l'espèce, il est acquis que, bien qu'ayant été informée, par une note adressée à tout le personnel le 21 mars 2003, de la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement économique collectif et de la négociation en cours d'un plan de sauvegarde de l'entreprise et que "connaissant son statut de travailleur handicapé dès le 12 ou 13 avril 2003", Mme X... n'a pris soin d'informer la société CCMX de cette reconnaissance que par courrier du 28 juillet 2003, soit postérieurement à la notification de son licenciement intervenue le 22 juillet 2003 ; qu'en affirmant, pour décider que la mauvaise foi de la salariée n'était pas établie, qu'"il ne pouvait être reproché à la salariée d'avoir omis sciemment de révéler son handicap à son employeur lorsqu'elle en a eu connaissance alors qu'aucune demande postérieure n'avait été formulée par celui-ci", quand la salariée, avisée de la négociation en cours d'un plan de sauvegarde de l'entreprise, se devait, par loyauté envers son employeur, d'informer celui-ci, dès qu'elle en avait eu connaissance, et même hors de toute demande de ce dernier, de la reconnaissance à son profit par la Cotorep du statut de handicapé, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 120-4 du code du travail ;

2 / que tenu d'un devoir de loyauté envers son employeur, tout salarié ayant eu connaissance de la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement économique collectif au sein de son entreprise, doit informer spontanément l'employeur, dès qu'il en a connaissance, de toute modification de sa situation personnelle susceptible, au regard des critères légaux définis à cet effet, d'influer sur l'ordre des licenciements ;

que la fraude corrompant tout, le salarié doit être privé des droits attachés à une telle modification lorsqu'il s'est volontairement abstenu de la porter à la connaissance de son employeur avant le licenciement afin de s'assurer l'effectivité de ce dernier, quand bien même l'employeur, eût-il été régulièrement informé, n'aurait pu éviter le licenciement ; qu'en se fondant, en l'espèce, pour décider que Mme X... avait droit, du fait de sa condition de travailleur handicapé établie avant l'effectivité de son licenciement, au doublement de l'indemnité de licenciement conformément à l'article 26 de la convention collective applicable, sur la circonstance inopérante que "l'employeur ne prouvait pas par la production aux débats d'un tableau établi pour les besoins de la cause que la connaissance prise de son handicap le poste de conseiller à Orléans de cette salariée aurait été maintenu alors qu'il a été précisé dans la lettre de licenciement, notifiée à la salariée, que les deux postes de consultant du centre d'appels d'entreprise "CCMX Business d'Orléans" étaient transférés à Aix-en-Provence dans le cadre de la réorganisation de l'entreprise", sans rechercher, comme elle y était d'ailleurs invitée par la société, si la salariée ne s'était pas délibérément soustraite à l'exécution de son obligation d'information spontanée à la seule fin d'être licenciée et de percevoir ultérieurement les avantages attachés an cas de licenciement au statut de travailleur handicapé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 120-4 du code du travail ;

3 / que le juge doit interpréter une clause rédigée en termes équivoques en recherchant l'intention commune des parties ; qu'en l'espèce, le protocole d'accord conclu entre les parties le 25 septembre 2003 se bornait à faire état de l'"indemnité de licenciement due" à Mme X... sans en indiquer le montant et à viser l'accord d'entreprise sans se référer expressément au paragraphe de l'accord se rapportant aux droits des salariés handicapés en cas de licenciement ;

que la cour d'appel qui, devant l'ambiguïté des termes du protocole d'accord et en l'absence de référence faite expressément par ce dernier aux dispositions de l'accord d'entreprise régissant la situation des salariés handicapés, a affirmé que "l'employeur, en signant ce protocole valant transaction définitive au sens des articles 2044 et suivants du code civil, s'engageait donc, l'accord d'entreprise ayant été expressément visé, à en respecter tous les termes et notamment à verser le double de l'indemnité de licenciement", sans recherche si la référence faite par le protocole à "l'indemnité de licenciement due" se rapportait bien, dans l'intention commune des parties, à l'indemnité due spécifiquement aux salariés handicapés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 2044 du code civil ;

Mais attendu que les renseignements relatifs à l'état de santé du salarié ne peuvent être confiés qu'au médecin du travail ; que lorsque l'employeur procède au licenciement d'un salarié dont le handicap a été reconnu par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel, il ne peut reprocher au salarié de n'avoir pas fourni d'information préalable sur son état de santé ou son handicap qu'il n'a pas à révéler ; d'où il résulte que n'ayant commis aucune faute en ne révélant pas sa qualité de travailleur handicapé avant la notification de son licenciement, la salariée ne pouvait se voir priver des droits qu'elle tenait de l'accord d'entreprise et de l'article L. 323-7 du code du travail ;

que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société CCMX aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la société CCMX à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 05-41380
Date de la décision : 07/11/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Obligations du salarié - Obligation de loyauté - Etendue - Portée.

EMPLOI - Travailleurs handicapés - Obligations de l'employeur - Etendue

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Délai-congé - Doublement - Bénéficiaires - Condition

Les renseignements relatifs à l'état de santé du salarié ne peuvent être confiés qu'au médecin du travail ; il en résulte que lorsque l'employeur procède au licenciement d'un salarié dont le handicap a été reconnu par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel, il ne peut lui reprocher de n'avoir pas fourni d'information préalable sur son état de santé ou son handicap qu'il n'a pas à révéler. Une telle abstention, qui n'est pas fautive, ne peut dès lors priver le salarié, après qu'il ait reçu notification de son licenciement, du droit de se prévaloir de son handicap, afin de bénéficier des avantages que lui donnent l'article L. 323-7 du code du travail en matière de délai-congé et d'un accord d'entreprise prévoyant une indemnité de licenciement majorée.


Références :

Code civil 1134
Code du travail L120-4, L323-7

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 13 janvier 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 nov. 2006, pourvoi n°05-41380, Bull. civ. 2006 V N° 326 p. 317
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 V N° 326 p. 317

Composition du Tribunal
Président : M. Sargos.
Avocat général : M. Foerst.
Rapporteur ?: M. Béraud.
Avocat(s) : SCP Gatineau, SCP Masse-Dessen et Thouvenin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.41380
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