AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse d'allocations familiales a réclamé à M. X... le remboursement des sommes versées entre ses mains d'octobre 1995 à juin 1999, au titre du paiement direct de l'allocation de logement dont bénéficiaient ses trois sous-locataires ;
que la cour d'appel a dit non prescrite l'action de la caisse à son encontre et a condamné M. X... au paiement des sommes réclamées ;
Sur les deux premières branches du moyen unique :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit non prescrite l'action de la caisse, alors, selon le moyen :
1 / que l'action de la caisse d'allocations familiales en recouvrement de prestations indûment versées se prescrit pas deux ans, sauf à elle à établir que l'allocataire lui a fourni des renseignements inexacts sur sa situation ou s'est abstenu de livrer les indications qu'elle lui demandait, caractérisant ainsi la manoeuvre frauduleuse ou la fausse déclaration de l'intéressé ; qu'en l'espèce, en écartant la prescription biennale au profit de la prescription trentenaire sans avoir constaté que les allocataires avaient fourni à la caisse des renseignements inexacts sur leurs situations ou s'étaient abstenus de livrer les indications qu'elle leur demandait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 835-3 du code de la sécurité sociale ;
2 / qu'à supposer que la prescription biennale puisse être écartée au profit de la prescription trentenaire en cas de fraude ou de fausse déclaration du bailleur de l'allocataire, l'action de la caisse d'allocations familiales engagées plus de deux ans après le règlement des prestations logement entre les mains du bailleur ne pourrait prospérer que si l'organisme social établit que le bailleur lui a fourni des renseignements inexacts sur sa situation ou s'est abstenu de livrer les indications qu'elle lui a demandées, caractérisant ainsi la manoeuvre frauduleuse ou la fausse déclaration du bailleur ; qu'en l'espèce, en écartant la prescription biennale au profit de la prescription trentenaire sans avoir constaté que le bailleur avait fourni à la caisse des renseignements inexacts ou s'était abstenu de livrer les indications qu'elle lui demandait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 835-3 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que la prescription biennale instituée par l'article L. 835-3 du code de la sécurité sociale s'applique uniquement à l'action en recouvrement des sommes versées indûment au bénéficiaire de l'allocation de logement et non à l'action dirigée contre le bailleur, qui relève de la prescription trentenaire de droit commun ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;
Mais sur les deux dernières branches du moyen :
Vu les articles R. 831-1 et R. 831-13-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que l'allocation de logement sociale est attribuée aux personnes qui sont locataires ou qui accèdent à la propriété d'un local à usage exclusif d'habitation et constituant leur résidence principale ; qu'elle peut être attribuée également aux sous-locataires et occupants à titre onéreux ;
Attendu que pour accueillir la demande de remboursement de la caisse, l'arrêt énonce qu'en raison de la clause d'interdiction de sous location incluse dans son bail, M. X... ne pouvait prétendre percevoir de ses locataires le bénéfice de l'allocation de logement en application des dispositions de l'article R. 831-13-1 du code de la sécurité sociale ;
Qu'en statuant ainsi, alors que ce texte n'envisage la suppression de l'allocation de logement que si le local est loué ou sous-loué par l'allocataire à des tiers, la cour d'appel, qui n'a pas précisé en quoi les allocations litigieuses n'étaient pas dues, a violé les deux premiers textes susvisés et méconnu le troisième ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 novembre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la caisse d'allocations familiales d'Arras aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille six.